Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 24/01/2019

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les modalités définies dans le cadre de l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, dit CETA (« Comprehensive Economic and Trade Agreement ») et leur compatibilité avec les dispositions prévues à l'article 44 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi EGALIM).

La production canadienne repose sur l'engraissement d'animaux en élevage intensif (« feedlot »), sans aucun accès aux pâturages, élevés aux hormones de croissance avec le recours aux farines animales, aux antibiotiques et à d'autres substances chimiques.

Ce mode de production est en totale contradiction avec l'article 44 de la loi EGALIM, récemment adoptée.

À ce jour, ni le CETA, ni la réglementation européenne n'interdisent pourtant l'importation de viande canadienne issue de ces parcs d'engraissement.

Le contingent des 64 500 tonnes à droits de douane réduits (essentiellement constitué d'aloyaux) peut donc, à moyen terme, inonder le marché français et européen.

Le quota total d'importation à droits nuls accordé au Canada suite au CETA est bien de 64 950 tonnes, contrairement à ce qui a pu être dit en séance publique au Sénat : au nouveau contingent viande bovine de 45 838 tonnes s'ajoute un passage à droits nuls des parts du Canada dans les contingents actuels d'importation (4 162 tonnes Panel Hormones et 14 950 tonnes Contingent Hilton).

Ce risque est exprimé dans le rapport de la commission d'experts sur le CETA désignée par le Gouvernement.

Le Canada a fait de l'obtention de ce contingent de viandes bovines une priorité dans le cadre des négociations et a, en contrepartie, accepté des concessions concernant son secteur laitier.

Les filières canadiennes sans hormones se structurent actuellement pour répondre à ce nouvel enjeu d'exportation vers l'Union européenne.

Elle lui demande donc comment le Gouvernement compte faire appliquer la loi EGALIM et respecter les intérêts des agriculteurs français, aujourd'hui en grande difficulté.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 14/03/2019

Les accords de libre échange sont porteurs d'opportunités pour certaines filières agricoles pour lesquelles elles représentent un relais de croissance : le CETA a ainsi permis un meilleur accès au marché canadien pour les entreprises françaises, notamment pour les fromages avec l'obtention d'un contingent total de 18 500 tonnes dans les six ans. La protection de 145 indications géographiques (IG), comme par exemple l'époisses, a également été obtenue alors même que le Canada n'est pas un pays traditionnellement favorable au système de protection des IG. Cette protection des indications géographiques permet de garantir le lien entre les territoires, les productions et contribue à défendre le modèle agricole français et européen. Dans le cadre du CETA, l'Union européenne (UE) a effectivement accordé au Canada un volume supplémentaire de 45 840 tonnes équivalent carcasse (tec) de viande bovine dans les six ans, ainsi que des conditions d'accès préférentielles aux contingents déjà ouverts (panel hormones et Hilton). Pour l'année 2018, les importations de viande bovine résultant du CETA ont représenté 3 % des volumes offerts (soit 450 tec sur un volume de 19 440 tec). De son côté, l'UE a quasi-intégralement utilisé les volumes de contingents de fromage qu'elle a obtenus (5 900 tonnes). L'ensemble des importations de viande canadienne doit respecter les préférences collectives européennes pour entrer sur le marché européen : seules sont admises les viandes issues de bêtes, nées, élevées et abattues au Canada. Les viandes issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance anabolisante non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance resteront strictement interdites. De même, seules les techniques de décontamination des carcasses employées au sein de l'UE peuvent être utilisées par les abattoirs canadiens pour les viandes exportées vers l'Union européenne. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations -qui doivent déjà respecter les règles européennes- mais également sur l'équivalence des modes de production. L'article 44 de la loi EGALIM s'inscrit dans cet objectif d'égalisation des conditions de concurrence entre les producteurs de l'UE et des pays tiers. Sa mise en œuvre, à laquelle travaille le Gouvernement, doit cependant intégrer l'ensemble des dimensions du marché unique et préserver la compétitivité de nos producteurs au sein même de l'UE. C'est prioritairement au niveau européen que les standards de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixés. La France est à l'initiative de l'introduction dans la réglementation sanitaire de l'UE d'éléments de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, comme en témoigne le règlement sur les médicaments vétérinaires. Le Gouvernement porte auprès de la Commission européenne l'objectif d'une meilleure cohérence entre la politique commerciale et la politique agricole de l'UE, conformément à ses engagements de l'axe 3 de son plan d'action relatif au CETA. Il le porte également dans la réforme de la politique agricole commune (PAC), en affirmant que « la nouvelle PAC, en cohérence avec les autres politiques européennes, doit accompagner le projet européen au service d'une agriculture répondant à des standards exigeants et ne peut se concevoir sans une régulation sociale, environnementale et sanitaire des échanges avec les autres pays. »

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