Question de M. JANSSENS Jean-Marie (Loir-et-Cher - UC) publiée le 24/01/2019

M. Jean-Marie Janssens attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation des ressortissants afghans renvoyés dans leur pays. La situation sécuritaire de l'Afghanistan est en effet catastrophique. Selon la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) 11 418 personnes ont été tuées ou blessées en 2016. Des civils ont été pris pour cible dans toutes les régions du pays lors d'attaques perpétrées, pour la plupart, par des groupes armés notamment par les Talibans et le groupe État islamique. Le 16 octobre 2018, le Défenseur des droits a demandé la suspension immédiate de l'application de l'accord entre l'Union européenne et l'Afghanistan qui prévoit l'accélération des expulsions de personnes afghanes par les pays européens. Entre 2015 et 2016, le nombre de personnes renvoyées de l'UE vers l'Afghanistan a triplé, portant ce chiffre à 9 460 personnes. Or le seul fait d'être renvoyé en Afghanistan constitue un risque de persécution, exposant les intéressés à l'accusation d'espionnage et à des représailles. Il souhaite donc savoir s'il envisage de lever les procédures d'éloignement qui visent les ressortissants afghans qu'ils aient ou non déposé une demande d'asile en France.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 14/11/2019

L'exécution d'une mesure d'éloignement offre des garanties permettant de prévenir les risques que l'intéressé pourrait encourir pour sa vie dans son pays d'origine. Ainsi, la mesure d'éloignement ne peut intervenir que si l'intéressé n'a pas demandé l'asile ou si cette demande a été rejetée. Un étranger ayant introduit une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne peut faire l'objet d'une mesure de transfert, au titre du règlement n° 604-2013 du 18 février 2003, dit règlement « Dublin III », vers ce pays, qui offre de facto un système de protection des droits équivalent à celui de la France en matière d'asile. Les personnes transférées vers les États membres responsables de leur demande d'asile y bénéficient à chaque fois qu'ils le sollicitent d'un réexamen de leur demande d'asile ainsi que de toutes les voies de recours sur une éventuelle décision de rejet. La France ne saurait contester le bon fonctionnement de l'Etat de droit dans ces Etats européens, qui sont signataires de la Convention de Genève et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. À ce titre, ils apportent des garanties similaires à celles de la France. Cette position est confortée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011, considérant que le système européen de l'asile repose sur une présomption renforcée de respect des droits fondamentaux par les États membres et que les États membres peuvent s'accorder une confiance mutuelle à cet égard. En France, l'examen des demandes d'asile est assuré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui dispose d'une indépendance consacrée par la loi pour statuer sur les dossiers individuels. Les mesures d'éloignement vers l'Afghanistan ne sont prononcées qu'après un examen attentif du dossier par l'autorité administrative. En particulier, l'administration s'assure systématiquement que l'intéressé ne sera pas exposé à des traitements inhumains ou dégradants sanctionnés par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Cette appréciation est, en outre, soumise au contrôle du juge. Une partie des retours se fait de façon volontaire et l'État propose des aides à cet égard. En 2018, 1 126 ressortissants afghans ont bénéficié de l'aide au retour volontaire attribuée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ces retours s'effectuent également dans le cadre du dispositif européen de réinsertion économique (ERRIN). L'opérateur pour l'Afghanistan est « International returns and reintegration assistance », dont le siège est situé en Grande-Bretagne. Il travaille en Afghanistan exclusivement avec l'agence Afghanistan Center of Excellence. En 2018, ce sont 1 126 aides à la réinsertion économique pour la création d'entreprises qui ont été distribuées par l'OFII dans le cadre du dispositif ERRIN. Enfin, l'allongement de la durée de rétention prévu par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a pour objectif d'augmenter la délivrance par les autorités consulaires des pays tiers des documents de voyage nécessaires à l'éloignement de leurs ressortissants en situation irrégulière dans notre pays, qui interviennent souvent dans des délais supérieurs à ceux précédemment prévus pour la rétention. Pour mémoire, la déclaration politique « Joint Way Forward », signée entre l'Afghanistan et l'Union européenne en octobre 2016, prévoit la possibilité pour l'État membre concerné de délivrer un laissez-passer européen en l'absence de réponse des autorités afghanes passé le délai d'un mois.

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