Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 31/01/2019

Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation complexe dans laquelle se retrouvent les collectivités locales qui ont, sur leur domaine public, des maisons en indivision qui tombent en désuétude et empêchent parfois la finalisation de certains projets d'aménagement de leur territoire lorsqu'une succession s'éternise.

À ce jour, les collectivités sont démunies pour intervenir légitimement dans cette situation particulière qui se présente souvent dans la pratique. Dans ce cas d'indivision, il est fréquent que les collectivités locales envisagent d'acquérir un bien indivis et que les propriétaires refusent alors la vente.

L'article 815-5-1 du code civil dispose pourtant que l'aliénation d'un bien indivis peut être autorisée par le tribunal de grande instance, à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis. Cette autorisation reste néanmoins soumise à l'appréciation du tribunal au terme d'une longue procédure.

Or, lorsqu'une collectivité souhaite se porter acquéreur d'un tel bien indivis pour la réalisation d'un projet d'intérêt local, la complexité de la procédure peut conduire à bloquer la réalisation de ce projet.

Elle souhaiterait donc connaître les intentions du Gouvernement s'agissant d'une éventuelle évolution réglementaire visant à simplifier la procédure prévue à l'article 815-5-1 du code civil dans le but de faciliter l'aliénation d'un bien indivis dans l'intérêt collectif.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/06/2019

L'article 815-3 du code civil exige l'unanimité des indivisaires pour accomplir un acte de disposition tel que la vente d'un bien indivis. Il s'agit d'une règle protectrice de l'exercice du droit de propriété des indivisaires, constitutionnellement protégé, nécessaire à éviter qu'un bien sorte du patrimoine d'un indivisaire sans qu'il n'y consente. Toutefois en ce que ce principe de l'unanimité est susceptible de conduire à des situations de blocage, il est possible de poursuivre judiciairement la vente d'un bien indivis, notamment en cas d'urgence (article 815-6 du code civil) ou de mise en péril de l'intérêt commun (article 815-5 du code civil). L'article 815-5-1 du code civil, issu de la loi du 12 mai 2009, a créé une troisième modalité de vente des biens indivis, à la demande des deux tiers des indivisaires par la signification du projet de vente aux indivisaires minoritaires. En cas de silence ou refus de ces derniers dans le délai de trois mois courant à compter de la notification du projet de vente, la vente doit être autorisée judiciairement. Cette autorisation du tribunal de grande instance permet de garantir les droits des indivisaires minoritaires et permet ainsi d'éviter un abus de majorité des indivisaires majoritaires ou de passer outre un droit d'attribution préférentielle de l'un des indivisaires minoritaires. Par ailleurs, l'exigence d'une majorité qualifiée à deux tiers est une garantie supplémentaire de leurs droits qui est en cohérence avec la majorité nécessaire pour accomplir les actes de gestion courante des biens indivis. Il n'est ainsi pas envisagé aujourd'hui de revenir sur ces deux exigences garantes du respect des droits de l'ensemble des indivisaires en présence. Il sera rappelé en tout état de cause, qu'en cas d'urgence, une procédure d'assignation à jour fixe est possible en application du droit commun, afin de permettre une fixation d'audience rapide avec une mise en place d'un calendrier de procédure contraignant. Enfin, au-delà du droit commun civil, on rappellera qu'il existe un certain nombre de dispositions spéciales au profit des communes, telles que la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique du code éponyme ou encore les droits de préemption au profit des communes prévus au code de l'urbanisme. L'arsenal juridique est ainsi varié et suffisant à préserver les intérêts à la fois des indivisaires et des communes.

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