Question de Mme CARRÈRE Maryse (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 21/02/2019

Mme Maryse Carrère attire l'attention de Mme la ministre du travail sur le financement des formations professionnelles sur l'illettrisme.

L'association #STOPILLETTRISME, luttant contre l'illettrisme en milieu professionnel depuis 2013, s'inquiète de savoir comment seront désormais financées les formations professionnelles sur l'illettrisme.

En effet, l'incertitude pesant sur le financement des formations professionnelles dédiées à l'acquisition et au développement des connaissances et compétences clés et le plafonnement du compte personnel de formation (CPF) passant d'une logique en heures à celle d'une somme de 8 000 euros sur dix ans, compromettent les formations prévues pour les mois prochains, dans l'immédiat et dans les années à venir.
Elle l'interroge donc sur le financement des formations de ce type sans le CPF à long terme.

Les formations favorisant l'acquisition des connaissances et compétences clés, d'une part, et de lutte contre l'analphabétisme et l'illettrisme, d'autre part, sont par nature des formations longues et coûteuses qui sont utiles seulement si elles sont déployées sur plusieurs années. Pourtant on note une tendance au désinvestissement du champ des compétences clés au profit des formations courtes uniquement qualifiantes, qui ne correspondent pas au besoin de ces salariés en situation d'illettrisme.

Aussi elle l'interroge également sur l'avenir de l'accompagnement des salariés en situation d'illettrisme et d'illectronisme pour la gestion de leur CPF.

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Réponse du Ministère du travail publiée le 20/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2019

Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, vous connaissez l'attention particulière que les sénateurs du groupe du RDSE portent au problème de l'illettrisme, notamment l'illettrisme numérique.

Aussi, je me permets de relayer les inquiétudes de l'association #STOPILLETTRISME concernant le financement des formations professionnelles en la matière. En effet, il existe aujourd'hui une forte incertitude sur le financement des formations professionnelles dédiées à l'acquisition et au développement des connaissances et des compétences clés, notamment avec le plafond du compte personnel de formation, le CPF, celui-ci passant d'une logique en heures à celle d'une somme plafonnée à 8 000 euros sur dix ans. Cela crée une insécurité sur les formations prévues pour les prochains mois et dans les années à venir.

Les formations favorisant l'acquisition des connaissances et des compétences clés, d'une part, et les formations de lutte contre l'analphabétisme et l'illettrisme, d'autre part, sont, par nature, des formations longues et coûteuses, qui sont utiles seulement si elles sont déployées sur plusieurs années. Pourtant, on note une tendance au désinvestissement du champ des compétences clés au profit de formations courtes, uniquement qualifiantes, qui ne correspondent pas aux besoins des salariés en situation d'illettrisme.

Madame la ministre, quel avenir réservez-vous à l'accompagnement des salariés en situation d'illettrisme et d'illectronisme dans la gestion de leur CPF et quelles réponses pouvez-vous apporter au problème du financement de ces formations longues et coûteuses pour nos concitoyens les plus fragiles ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Maryse Carrère, je confirme que le Gouvernement est pleinement engagé dans tout ce qui permet de stimuler la croissance et de la rendre inclusive. La lutte contre l'illettrisme fait partie de ces actions, qu'elles concernent les demandeurs d'emploi ou les salariés, car, nous le savons, les changements de technologie révèlent souvent des situations d'illettrisme jusqu'alors inconnues. Or il faut permettre à tous les salariés de suivre ces évolutions.

La bataille des compétences ne se segmente pas : elle va du plus haut niveau de qualification jusqu'à l'illettrisme. C'est la bataille principale en matière d'emploi.

C'est le sens tant des transformations profondes apportées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel que des 15 milliards consacrés dans le cadre du plan quinquennal d'investissement dans les compétences. Ces mesures s'adressent notamment à ceux qui en ont le plus besoin – chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification… –, où les situations d'illettrisme ne sont pas négligeables.

Le Gouvernement a assuré la continuité du financement des formations de lutte contre l'illettrisme éligibles au CPF, parmi lesquelles le certificat de connaissances et de compétences professionnelles, dit CléA, première marque de la sortie de l'illettrisme que cherchent les salariés concernés, puisqu'il s'agit d'une reconnaissance officielle.

Comment garantir la continuité du financement ? La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a fixé une entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives au CPF au 1er janvier 2019. Le décret relatif à l'organisation et au fonctionnement de France compétences a été publié le 30 décembre dernier.

Ainsi, les salariés peu ou pas qualifiés bénéficient d'ores et déjà d'un plafond de droits CPF majorés, à hauteur de 800 euros par an, dans la limite d'un plafond de 8 000 euros, ce qui est bien supérieur au montant observé des formations de lutte contre l'illettrisme.

Par ailleurs, je vous rappelle que le CPF n'est pas le seul outil d'accès des salariés à la formation professionnelle. Ainsi, il existe le plan de développement des compétences des entreprises, qui remplace désormais le plan de formation. En outre, et c'est un dossier que nous devons suivre ensemble, des formations collectives organisées dans le cadre de la décentralisation sont mises en place. En effet, en matière de lutte contre l'illettrisme, la compétence formation a été décentralisée voilà plusieurs années, mais les pratiques restent inégales : certaines régions ont poursuivi dans cette voie, d'autres ont presque stoppé, voire complètement stoppé. Il s'agit là d'un véritable sujet de préoccupation, qui fait l'objet de discussions avec les régions, dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences. Ainsi, des pactes ont été signés ou sont en passe de l'être avec onze régions métropolitaines et trois régions d'outre-mer – je me rendrai d'ailleurs en Occitanie à la fin du mois pour signer l'un d'entre eux avec la présidente de la région.

Il s'agit bien évidemment de toucher les publics les plus vulnérables : cela passe par des plans de lutte contre l'illettrisme ou des parcours de formation aux savoirs de base. Vous l'avez rappelé, par savoirs de base, on entend aussi les savoirs de base numériques et les compétences sociales et cognitives ; tout cela forme un ensemble.

Tous ces dispositifs permettront une logique de parcours plus importante. Évidemment, la lutte contre l'illettrisme fait partie de la bataille des compétences. Chacun doit être en mesure non seulement de lire, écrire, compter, mais aussi de naviguer – sans jeu de mots – dans l'univers d'aujourd'hui. C'est une priorité du plan d'investissement compétences et le compte personnel de formation permettra d'y contribuer pour les salariés comme pour tous les actifs.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Un effort spécifique s'impose sur ces formations sur l'illettrisme et l'illectronisme, qu'il ne faut pas considérer comme des formations classiques dans le cadre du CPF.

Selon le secrétaire d'État chargé du numérique, 13 millions de Français seraient aujourd'hui en situation d'illectronisme : ce sont bien sûr les plus fragiles et les plus isolés d'entre nous, les Français les plus pauvres et les personnes éloignées de l'emploi, mais aussi – et c'est ce qui m'inquiète le plus – les moins de 35 ans les plus socialement défavorisés. Il ne faut pas laisser ces publics sur le bord du chemin.

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