Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOCR) publiée le 28/02/2019

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation préoccupante de l'Office national des forêts (ONF) et l'industrialisation croissante des forêts publiques.

L'Office national des forêts traverse une période de crise économique et sociale profonde. Avec un cours du bois à la baisse depuis trente ans, l'ONF accumule les dettes. L'Office accuserait ainsi aujourd'hui un déficit de plus de 300 millions d'euros. Ces problèmes financiers ont été un temps compensés par des artifices tels que la vente du patrimoine immobilier de l'ONF. Cette stratégie de court terme permet de soulager une trésorerie annuelle mais fait perdre, sur un temps plus long, toute solvabilité de l'Office en capacité de remboursement.

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) signé entre l'État et l'ONF pour la période 2016-2020 préconise que la récolte en forêt domaniale passe de 6,3 m3 en 2016 à 6,5 m3 en 2020. Les coupes rases – l'abattage de la totalité des arbres d'une parcelle - se multiplient malgré l'évidence de leurs conséquences néfastes sur la biodiversité et l'atteinte directe qu'elles portent à une gestion durable de nos forêts publiques.

Ce contexte économique tendu conduit à une situation sociale dégradée. Le 25 octobre 2018, c'est non loin du lieu emblématique de la forêt bourbonnaise de Tronçais et ses chênes tricentenaires plantés par Colbert, que se réunissaient près de 3 000 personnes, agents de l'Office national des forêts (ONF) et citoyens, à l'initiative de huit syndicats, pour l'arrivée de la « Marche pour la forêt ». Ils y dénonçaient les risques de privatisation de l'ONF et l'industrialisation croissante des forêts publiques françaises. Ces forêts fournissent 40 % du bois français alors qu'elles ne représentent que 26 % des surfaces forestières de métropole. Cette mobilisation a commencé dès décembre 2017 et a débouché sur le départ surprise, le 17 janvier 2019, du directeur général de l'ONF.

La mission interministérielle d'évaluation du contrat d'objectif et de performance (2016-2020) nommée fin novembre 2018 rendra ses conclusions fin mars 2019.

Elle lui demande donc de garantir à l'ensemble des professionnels forestiers, ainsi qu'aux citoyens préoccupés par l'état des forêts publiques françaises, que l'ONF restera bien au service de l'intérêt général et que la mission interministérielle, en rendant ses conclusions, ne s'enfermera pas dans une logique purement comptable de redressement de l'ONF mais se posera bien la question d'une gestion durable de nos forêts.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 11/04/2019

Conformément à l'article L. 221-2 du code forestier, l'office national des forêts (ONF) est chargé de la mise en œuvre du régime forestier dans les forêts publiques. Le contrat d'objectifs et de performance (COP 2016-2020) de l'ONF précise les conditions de gestion des forêts publiques, en intégrant leur triple vocation écologique, sociale et économique. Le COP confie en premier lieu à l'ONF la mission de gérer durablement les forêts publiques, en intégrant leur triple vocation écologique, sociale et économique. L'exploitation raisonnée des forêts est prévue dans le cadre d'aménagements forestiers programmant les coupes et les travaux, approuvés par arrêté du ministre chargé des forêts pour les forêts domaniales et par arrêté préfectoral pour les forêts des collectivités relevant du régime forestier. Ces aménagements tiennent également compte de la nécessaire adaptation des forêts au changement climatique. La récolte de bois dans les forêts publiques, qui résulte des plans d'aménagement, a pour mission de contribuer à l'approvisionnement de la filière bois, d'apporter des recettes notables aux collectivités propriétaires de forêts et à l'ONF et de respecter les principes de la gestion durable. L'objectif de mise en vente de bois des forêts domaniales de 6,5 Mm³ en 2020 fixé par le COP 2016-2020 -inférieur à l'objectif du précédent COP- apparaît durable et cohérent avec le programme national forêt-bois 2016-2026. Les prélèvements opérés chaque année par l'ONF dans les forêts domaniales assurent la stabilité du stock sur pied. Si l'ONF produit 40 % du bois français sur 26 % de la surface forestière de la métropole, cela tient principalement aux caractéristiques de la forêt française (dont un cinquième de la surface est émiettée en très petites forêts privées de moins d'un hectare, peu ou pas exploitées) et au fait que l'ONF assure un suivi régulier de l'ensemble des forêts dont il a la charge. Prévues dans les plans d'aménagement, les coupes en plein (abattage de la totalité des arbres d'une parcelle), de taille raisonnable et préservant les continuités écologiques (maintien de corridors, d'arbres habitats isolés), font partie du cycle d'exploitation des forêts et s'inscrivent dans la gestion durable et multifonctionnelle des forêts. En effet, elles visent le renouvellement des peuplements par régénération naturelle, à partir des semis produits par les arbres de la parcelle, ou par plantation lorsqu'il convient d'introduire de nouvelles essences plus résilientes au changement climatique. En outre, elles créent une mosaïque d'habitats forestiers à différents stades de hauteurs, intéressante pour la biodiversité. Le COP 2016-2020 de l'ONF lui fixe également comme tâche d'améliorer sa situation budgétaire et financière. À cette fin, il stabilise sa masse salariale sur la durée du COP là où il est demandé à la plupart des opérateurs de la diminuer. L'exercice 2017, difficile, a conduit à la dégradation de la situation financière de l'ONF et a accru son endettement qui a atteint 320 M€, pour un plafond de 400 M€. Cette dégradation est due à une activité en repli du fait d'un marché du bois moins dynamique qu'anticipé, tandis que les charges ne diminuent pas à due concurrence des produits. Le dépassement observé en 2017 sur la masse salariale (plus de 4,8 M€) a conduit à la prise de décisions interministérielles en gestion pour permettre à l'établissement de mieux maîtriser ses dépenses et ne pas aggraver encore plus sa situation financière. L'État a décidé de verser l'ensemble de la contribution d'équilibre en 2018 et a ainsi mobilisé 5,7 M€ supplémentaires par rapport aux crédits inscrits au budget initial. En contrepartie, l'ONF a gelé 145 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour assurer la maîtrise de la masse salariale. L'ONF s'efforce de limiter l'impact de ce gel sur la qualité des missions qu'il assume. Ces efforts consentis par l'ONF devront être poursuivis en 2019, avec l'application d'un schéma d'emploi de - 80 ETP portant ainsi le plafond d'emploi à 8 536 ETPT en loi de finances initiale. Cette situation financière tendue ne remet cependant pas en cause l'avenir de l'établissement. Dans le cadre de son contrat d'objectifs et de performance 2016-2020, l'ONF a engagé de gros efforts pour améliorer l'efficacité de sa gestion : augmentation du chiffre d'affaires et de la valeur ajoutée, maîtrise des charges, autant d'efforts qui commencent à porter leurs fruits comme en témoigne la relative amélioration du résultat en 2018. Une mission interministérielle a été lancée par le Gouvernement afin de proposer les évolutions possibles pour assurer un modèle soutenable pour l'ONF et son articulation avec le développement des territoires. Elle contribuera à la préparation du futur COP, afin que celui-ci participe à l'objectif de relance de la filière engagé dans le cadre du plan d'action interministériel forêt-bois. Les conclusions de la mission sont attendues courant avril 2019.

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