Question de Mme FILLEUL Martine (Nord - SOCR) publiée le 07/03/2019

Mme Martine Filleul attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la suppression de l'enquête publique précédant l'autorisation environnementale pour certaines installations dans les Hauts de France.

En effet, le décret n° 2018-1217 du 24 décembre 2018 pris en application des articles 56 et 57 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, remplace, expérimentalement pendant trois ans, l'enquête publique – normalement prévue pour les projets soumis à autorisation environnementale – par une consultation en ligne dans les régions de Bretagne et des Hauts-de-France.

Restreindre le débat public sur des installations ayant une incidence importante sur l'environnement est une erreur à l'heure où le développement durable et l'écologie constituent un enjeu important et font partie des préoccupations des habitants.

Par ailleurs, le recours à une consultation numérique se heurte à l'illectronisme qui touche 13 millions de Français. Dans les Hauts de France, 11 % de la population est concernée. Cette décision va donc à rebours d'une volonté de participation du plus grand nombre en excluant de fait de nombreuses personnes.

Aussi, elle l'interroge sur la pertinence et l'opportunité de cette disposition.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 20/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2019

Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a osé ! Il a osé, alors que les Françaises et les Français réclament une meilleure prise en compte de la parole citoyenne, limiter une fois de plus la démocratie participative, sous couvert de simplification.

En effet, un décret du 24 décembre dernier pris en application de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance remplace expérimentalement, pendant trois ans, l'enquête publique, normalement prévue pour les projets soumis à autorisation environnementale, par une consultation en ligne dans les régions Bretagne et Hauts-de-France.

Le choix de ces régions n'est pas anodin : certains projets sur ces territoires ont fait l'objet de fortes oppositions, à l'exemple de la ferme des mille vaches dans la Somme ou de l'installation de parcs éoliens à Villers-Plouich dans le département du Nord.

Ce décret permet d'écarter de toute enquête publique les projets à risque qui feraient l'objet de réticences.

Restreindre le débat public sur des installations ayant une incidence importante sur l'environnement est une erreur, à l'heure où le développement durable et l'écologie constituent un enjeu important et font partie des préoccupations des habitants.

Par ailleurs, le recours à une consultation numérique se heurte à l'illectronisme, qui touche 13 millions de Français. Dans les Hauts-de-France, 11 % de la population est concernée. Cette décision va donc à rebours d'une volonté de participation du plus grand nombre, en excluant de fait de nombreuses personnes.

Une telle expérimentation marque, au mieux, une totale déconnexion de votre gouvernement des réalités et du quotidien de nos concitoyens, au pire, un profond mépris.

Aussi, madame la secrétaire d'État, ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de mettre un terme à cette disposition ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Filleul, vous avez interpellé François de Rugy au sujet de l'expérimentation prévue par le décret du 24 décembre 2018, pris en application de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite loi Essoc.

Cette loi a acté le principe d'une expérimentation visant à substituer à l'enquête publique une procédure de participation par voie électronique dans le cadre de la procédure d'autorisation environnementale.

Je tiens à vous rassurer : cette substitution ne vise pas à restreindre les possibilités de participation des citoyens, ni à réduire la garantie de la prise en compte de leurs observations de manière transparente et objective.

Le remplacement de l'enquête publique par une participation par voie électronique dans le cadre de l'expérimentation est conditionné à des garanties visant à renforcer la participation du public en amont – concertation préalable avec garant du code de l'environnement –, sans pour autant négliger la phase aval – participation par voie électronique à proprement parler –, avec le maintien d'une exigence d'accès à tous à l'information et à la participation.

L'objectif de l'expérimentation est bien d'inciter les porteurs de projets à réaliser une concertation approfondie le plus en amont possible, avant le dépôt des demandes d'autorisation, c'est-à-dire au moment où il est encore possible de faire évoluer substantiellement le projet.

En effet, bien que la procédure de participation par voie électronique soit par principe dématérialisée, elle prévoit également un certain nombre de mises à disposition classiques, notamment par format papier, qui permettent un accès du public à l'information par d'autres canaux que la mise en ligne.

Le public peut ainsi demander une communication du dossier sur support papier, dans les conditions définies à l'article D. 123-46-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente peut également prévoir, en fonction du volume et des caractéristiques du projet de décision, des modalités de consultation du dossier in situ. Enfin, l'article 56 de la loi Essoc prévoit, dans le cadre de l'expérimentation, la possibilité de transmettre les observations par voie postale.

Cette procédure de participation par voie électronique ne restreint donc pas la possibilité du public d'opter pour une mise à disposition du dossier papier et de s'exprimer par voie postale. Elle n'empêche pas tous ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent avoir accès à des outils informatiques d'exprimer leur avis sur ce type de projets.

Enfin, madame la sénatrice, je peux vous assurer que nous serons vigilants à ce que l'évaluation réalisée à l'issue de cette expérimentation mette en lumière les avantages et les inconvénients relevés au cours de ces trois années.

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Filleul. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Elle me rassure en partie.

Vous avez évoqué des dispositifs qui permettent de procéder en amont à des consultations écrites et à des concertations. Il conviendrait toutefois de mieux les faire connaître aux responsables locaux et aux citoyens.

Le décret en question a suscité beaucoup d'émotion dans les territoires et je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour pallier ce défaut d'information.

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