Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 07/03/2019

M. François Grosdidier attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la place de Metz dans l'université de Lorraine. Le Premier Empire avait créé deux facultés, l'une de sciences à Metz et l'autre de lettres à Nancy. Lors de l'Annexion en 1871, l'intelligentsia quitte Metz pour Nancy. Le IIème Reich assèche la vie intellectuelle et condamne toute activité universitaire à Metz. Il investit exclusivement à Strasbourg. La République française, légitimement, investit massivement à Nancy, le bastion universitaire le plus avancé aux marches de l'Est. Il faudra attendre la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur, dite loi Faure, pour voir la création de quatre établissements publics en Lorraine : Metz, Nancy-I, Nancy-II, et l'institut national polytechnique de Lorraine. Metz reste sous-dotée par rapport à son bassin de population. Au 1er janvier 2012, l'université Paul Verlaine de Metz fusionne avec les trois autres établissements pour créer l'université de Lorraine sous la forme d'un « grand établissement ». Metz a accepté cette fusion car elle était convaincue qu'ensemble, les sites universitaires de Lorraine seraient plus forts et se développeraient d'autant mieux, sans rien enlever à Nancy et en permettant à Metz de croître plus que proportionnellement à l'existant. Cependant, le risque était fort pour Metz, en acceptant cette fusion, de figer cette disproportion entre les deux sites, voire de l'accroître. Ce risque se vérifie. Metz a toujours un site universitaire sous-dimensionné par rapport à ses bassins de vie et d'emploi. L'activité économique mosellane repose sur plus de 11 000 entreprises contre 8 000 en Meurthe-et-Moselle, elle a donc bien plus besoin pour son développement de jeunes formés à Metz. Aujourd'hui l'organisation de cette université ne profite manifestement pas à Metz. Son siège est à Nancy, ainsi que l'ensemble des personnels de la direction. Le président siège à Nancy, et 64 % des vice-présidents sont nancéiens. Sur les onze directions opérationnelles, une seule siège à Metz. Seuls 31 % des étudiants sont implantés sur la Lorraine-Nord. La population étudiante, de près de 16 000 personnes en l'an 2000, est aujourd'hui de moins de 14 000. On observe une baisse de 31,4 % des étudiants ingénieurs formés à Metz en 2016. L'école nationale d'ingénieurs de Metz (ENIM) a atteint ses capacités maximales et elle a perdu près de 6 millions d'euros de budget. L'antenne messine de Centrale-Supelec a perdu cent étudiants. La répartition des contrats doctoraux n'est pas équitable et l'essentiel est centré à Nancy. À titre d'exemple, seulement deux contrats de l'école d'informatique, automatique, électrotechnique et mathématiques (IAEM) sont situés à Metz contre quinze à Nancy. Il n'y a d'ailleurs plus de laboratoire de recherche informatique à Metz depuis le 1er janvier 2018. Metz espérait légitimement, afin de rattraper son retard universitaire, que le processus de fusion lui soit bénéfique. Or Nancy continue à se développer et l'écart continue de se creuser. Les derniers développements du projet « management, ingénierie, sciences et technologies avancées » sont emblématiques de cette situation. La douzième école d'ingénieurs de l'université, prévue à Metz, devait ouvrir ses portes en 2021. Le conseil d'administration a décidé de reporter le projet, voté pourtant à l'unanimité du collégium des écoles d'ingénieurs qui y voyait une réelle opportunité de développer ses flux de diplômés, et soutenu par le président-directeur général de Dassault Systèmes. Le besoin de former davantage d'ingénieurs est crucial pour ne pas passer à côté des grandes mutations scientifiques comme l'intelligence artificielle ou le numérique. Il l'interroge sur les intentions de l'État pour enfin rééquilibrer les pouvoirs au sein de l'université de Lorraine et offrir à Metz les structures universitaires comparables aux métropoles et bassins de vie de même importance.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Collectivités territoriales publiée le 03/07/2019

Réponse apportée en séance publique le 02/07/2019

M. François Grosdidier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Le Premier Empire avait créé deux facultés en Lorraine : l'une de sciences, à Metz ; l'autre de lettres, à Nancy.

De 1870 à 1918, l'Annexion a détruit toute vie intellectuelle et universitaire à Metz, la francophone. L'Empire allemand a investi exclusivement à Strasbourg, la germanophone. Parallèlement, la République française, légitimement, a investi massivement à Nancy, le bastion universitaire le plus avancé de la francité aux marches de l'Est.

Il faudra attendre les années soixante pour que des enseignements de première année soient dispensés à Metz, depuis l'université de Strasbourg, et pas depuis celle de Nancy.

Enfin, c'est seulement en 1968, soit cinquante ans après le retour à la République, que la loi Faure a permis la création de l'université de Metz.

Aujourd'hui, plus de cent ans après le retour de la France, Metz reste très gravement sous-dotée par rapport à son bassin de population.

Metz a accepté la fusion des universités de Lorraine en 2012, convaincue que les sites seraient plus forts ensemble et se développeraient d'autant mieux. Cependant, le risque était fort pour Metz, en acceptant cette fusion, de figer la disproportion entre les deux sites, voire de l'accroître. Ce risque, hélas, se vérifie.

Au lieu de se réduire, l'écart se creuse. Metz a toujours un site universitaire sous-dimensionné par rapport à ses bassins de vie et d'emploi. S'agissant de la gouvernance, sur les onze directions opérationnelles, une seule siège à Metz. La répartition des contrats doctoraux est également inéquitable.

La Lorraine Nord compte 1,5 fois la population de la Lorraine Sud, mais seulement 30 % des étudiants lorrains, et cette proportion continue de diminuer.

Le nombre d'ingénieurs formés à Metz est également en baisse, alors que les besoins de son bassin industriel sont incontestablement plus importants.

L'école nationale d'ingénieurs de Metz, l'ENIM, a perdu 6 millions d'euros de budget.

Le dernier épisode du refus du projet de création de l'école d'ingénieurs Mista a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, chacun s'apercevant, dans chaque unité, que la gouvernance nancéienne lésait Metz.

J'aurai trois questions.

Le Gouvernement a-t-il conscience de ce retard historique, qui pénalise Metz et la Lorraine Nord en matière universitaire ? Certes, ce retard résulte des avatars de l'histoire, mais les décisions actuelles entraînent son accroissement plutôt que sa réduction.

Dans ce système où Metz est marginalisée, est-il possible d'imaginer des règles de gouvernance et des principes équitables de gestion et de répartition ? Si cela s'avérait impossible, une scission est-elle possible ou Metz doit-elle chercher les voies de son développement dans des partenariats avec de grandes écoles ou des universités étrangères déjà implantées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

La riche histoire, que vous avez rappelée et qui a conduit à la fusion des universités de Nancy et de Metz, témoigne de l'intérêt de la création de ce grand établissement afin de doter la Moselle comme la Lorraine et la majeure partie du territoire du Grand Est d'une offre complète en matière de formation et de recherche.

Tout d'abord, je tiens à rappeler qu'il ne revient pas au Gouvernement, conformément à l'esprit de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, de commenter ou de remettre en cause le caractère des décisions prises par telle ou telle université dans le cadre de son autonomie.

Par ailleurs, votre question laisse entendre que la création de l'université de Lorraine aurait été mise en œuvre au détriment du territoire messin. C'est une analyse que ne partage pas la ministre de l'enseignement supérieur.

S'agissant du siège de la présidence, Nancy a été retenue, parce qu'elle accueille le siège du recteur de région académique. Cela est de nature à simplifier les relations entre les services déconcentrés de l'État et l'université, comme c'est le cas dans de nombreuses autres régions.

La fusion a permis de réaliser à Metz, ces dernières années, des projets ambitieux et significatifs au bénéfice des étudiants messins. À titre d'exemple, l'installation sur le technopôle des UFR de mathématiques, informatique et mécanique, ainsi que des cinq laboratoires de recherche associés afin de rapprocher la formation et la recherche des entreprises a donné lieu à plus de 38 millions d'euros d'investissements.

S'agissant des contrats doctoraux, ils font l'objet d'un appel à candidatures organisé par les laboratoires de recherche, sans distinction entre ceux installés à Metz et à Nancy.

Quant au projet management, ingénierie, sciences et technologies avancées, connu sous l'acronyme Mista, il est à la fois ambitieux et complexe. Le conseil d'administration de l'université a donc souhaité, en février dernier, se donner plus de temps pour réfléchir au développement des formations d'ingénieurs dans le bassin messin. C'est une décision que chacun doit respecter. Cela n'enlève rien au diagnostic que vous avez établi et qui est partagé par l'université de Lorraine.

Metz connaît un réel essor économique et industriel qui demande un surcroît de formations pour les métiers d'ingénieur et de technicien spécialisé. Cette problématique est bien connue de la présidence de l'université, qui cherche à répondre à ce besoin.

Le Gouvernement est donc bien conscient de l'intérêt du développement de formations adaptées aux besoins des entreprises pour le bassin messin. Ainsi, la ministre Frédérique Vidal ne manquera pas de demander à l'université de Lorraine de préciser sa vision du développement du site de Metz dans le cadre du dialogue stratégique de gestion qui sera généralisé à toutes les universités dès la rentrée prochaine.

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