Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 08/03/2019

Question posée en séance publique le 07/03/2019

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

J'ai bien entendu la question de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, ainsi que votre réponse, madame la garde des sceaux. Pardonnez-moi si, en tant que sénateur de l'Orne, je n'ai pas exactement la même vision de la situation. Évidemment, je m'associe à la solidarité exprimée à l'égard des victimes de cet attentat, mais j'oscille entre colère et découragement.

Comment comprendre l'improbable et surréaliste régime des fouilles, alors que plus de 90 000 objets ont été trouvés cette année, et que 40 000 téléphones sont entrés dans les prisons en 2017 ? Je ne parle même pas de la créativité des détenus pour fabriquer des armes par destination avec tout ce qui leur passe par la main. Sans compter que le personnel pénitentiaire ne dispose toujours pas de gilets pare-lames.

Comment expliquer également l'accès à une unité de vie familiale pour un criminel de cette nature, qui plus est deux fois par mois ?

Comment expliquer les failles du renseignement pénitentiaire, alors que ce détenu était signalé pour des faits de radicalisation ?

Madame la ministre, quel calendrier et quelles mesures avez-vous l'intention d'adopter pour que nos personnels pénitentiaires soient mieux protégés, et qu'ils n'aient surtout pas le sentiment que le confort des détenus passe avant leur sécurité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)


M. Ladislas Poniatowski. Très bien !

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2019

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Goulet, je connais votre réflexion sur la question de la radicalisation. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de lire ce que vous aviez écrit hier et avant-hier sur ce sujet.

Je voudrais ici vous assurer que la détermination du Gouvernement pour lutter contre la radicalisation en prison est totale et je ne peux pas vous laisser dire des choses qui laisseraient planer un doute sur cette détermination.

J'avancerai trois arguments à l'appui de mon propos.

Tout d'abord, nous avons agi pour prendre en charge ces personnes radicalisées. Vous me demandez un calendrier, je vous le donne. Depuis le mois de janvier dernier, nous avons développé des processus d'évaluation de la radicalisation. Ils sont en cours de déploiement. Nous avons aujourd'hui cinq quartiers d'évaluation de la radicalisation, là où il n'y en avait que deux l'année dernière. Ainsi, nous avons mis en place un système qui permet d'affecter ces détenus radicalisés dans des lieux adaptés. Ce sont des quartiers d'isolement ou des quartiers de prévention de la radicalisation, en tout état de cause des quartiers étanches du reste de la détention, pour éviter le prosélytisme. Mais cela se construit progressivement.

Nous avons ensuite renforcé la sécurité des établissements en déployant un système de brouillage nouveau des téléphones portables. Nous commencerons à le faire fonctionner à la prison de la Santé, à Vendin-le-Vieil, et nous allons continuer. Nous avons un dispositif de lutte contre les drones, et nous avons accru de plus de 16 % le budget de sécurité des établissements pénitentiaires. Là encore, nous allons continuer.

Enfin, nous avons pris des mesures pour protéger nos personnels pénitentiaires. Ces mesures de protection, contrairement à ce que vous avez affirmé à l'instant, passent notamment par le déploiement d'équipements nouveaux : gilets pare-lames, tenues pare-coups. Plus de 1 500 gilets ont été déployés, et ce n'est pas terminé. D'autres mesures sont également prises dans ce sens.

La sécurité des Français est notre priorité ; celle des personnels pénitentiaires l'est tout autant, madame la sénatrice.

M. François Grosdidier. Il faut autoriser les fouilles systématiques, madame la ministre !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la garde des sceaux, je ne doute pas du tout de votre détermination. Je sais qu'il n'y a ni baguette magique ni recette. Si tel était le cas, le Sénat aurait trouvé des solutions depuis longtemps. Vous le savez, nous avons été très solidaires de l'ensemble des mesures contre le terrorisme qui ont été votées ces dernières années.

Je voulais simplement indiquer que la radicalisation en prison ne date pas d'hier ; elle ne date pas non plus de votre gouvernement. Farhad Khosrokhavar l'a dénoncée depuis extrêmement longtemps. On sait qu'il faut laisser du temps au temps, et c'est normal, mais vous voyez bien que les personnels manquent quand même d'équipements. Ils manquent aussi de formation.

Quant à l'évaluation, qui est un sujet majeur non seulement pour la prévention, mais aussi pour les gens qui sont en prison, veuillez croire que nous cherchons des dispositifs permettant cette évaluation, qui est absolument déterminante pour juger de la dangerosité, d'autant que nous allons recevoir des « encombrants » qui arrivent de Syrie…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Nathalie Goulet. … et d'Irak bientôt, et que nous ne savons pas comment les traiter. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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