Question de M. JANSSENS Jean-Marie (Loir-et-Cher - UC) publiée le 13/03/2019

Question posée en séance publique le 12/03/2019

M. Jean-Marie Janssens. Notre pays traverse depuis plusieurs semaines une grave crise sociale, qui traduit l'inquiétude profonde de beaucoup de nos concitoyens. Difficultés économiques et sociales, disparition progressive des services publics dans les communes, poids de la fiscalité, sentiment d'injustice devant les inégalités sociales : les motifs de préoccupation sont nombreux et alimentent parfois la colère des Français.

Comme vous, mes chers collègues, je sens depuis longtemps monter le souffle de la contestation dans mon département de Loir-et-Cher, et ce aussi bien au sein de la population que chez les élus locaux. L'une des origines de ce malaise se trouve dans la fracture territoriale, qui ne cesse de se creuser entre la France des grandes villes et celle des campagnes et des petites villes. Ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est une réalité du quotidien.

Dans les petites communes rurales, les habitants voient leurs services publics disparaître et les distances de trajet s'allonger. Le sentiment d'isolement, et même d'abandon, gagne nos campagnes. Ce sentiment est partagé par nos élus locaux, extrêmement sollicités, mais qui manquent cruellement de moyens et de soutien.

En ces temps difficiles où les principes fondateurs de notre République sont remis en question, c'est précisément le moment de nous appuyer sur le formidable tissu d'élus locaux pour rétablir l'équilibre territorial. Pour ce faire, il est primordial de réaffirmer et de renforcer le principe de décentralisation inscrit à l'article premier de notre Constitution. Oui, l'enjeu premier de la révision constitutionnelle dont nous débattrons prochainement…


M. Philippe Dallier. Prochainement, prochainement…


M. Jean-Marie Janssens. … est bien la décentralisation ! Cette dernière est la clé d'une confiance renouée entre les territoires de la République. Elle est le point de départ d'un nouveau contrat républicain.

Aussi, ma question est simple : ferez-vous de la décentralisation la clé de voûte de la révision constitutionnelle à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre - Relations avec le Parlement publiée le 13/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/03/2019

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Janssens, nous avons en partage, entre autres choses, la connaissance du Loir-et-Cher.

Je vais essayer de vous répondre en deux temps.

Tout d'abord, puisque vous avez parlé de décentralisation, il faut partir de ce que l'on peut déjà percevoir dans le cadre du grand débat – même s'il faut le laisser se dérouler jusqu'au bout – des attentes des citoyens. C'est de ces attentes qu'il faut partir, car c'est de là que vient la crise.

Premièrement, les citoyens veulent davantage de proximité. Ils veulent bénéficier d'un lien de proximité avec leurs interlocuteurs, que ce soit dans les collectivités locales ou au niveau de l'État ; ils réclament aussi une proximité des réponses, c'est-à-dire qu'ils veulent savoir où poser leurs questions à chaque fois qu'ils en ont une. Les nouvelles technologies constituent un outil, mais ce n'est pas le seul : il faudra regarder à humaniser le service. Enfin, nos concitoyens demandent une proximité en termes de services publics.

Deuxièmement, et reconnaissons que l'œuvre collective mise en œuvre depuis quelques années n'a pas tout à fait abouti, ils souhaitent davantage de lisibilité. L'enchevêtrement d'un certain nombre de compétences, la succession d'un certain nombre de réformes n'ont pas clarifié les choses. Les citoyens ont besoin de lisibilité, parce qu'ils ont besoin de pouvoir identifier les responsabilités. Il n'y a pas de lisibilité possible sans identification des responsables, lesquels doivent pouvoir rendre des comptes et répondre aux demandes des citoyens.

Troisièmement, les citoyens ont besoin de confiance : confiance dans les institutions locales et les acteurs locaux, dans la façon dont tout cela fonctionne ; confiance entre les acteurs locaux et l'État. Enfin, dernière forme de confiance, le besoin de simplification : il faut savoir faire confiance à ceux qui prennent des initiatives sans systématiquement tout normer.

Ensuite, pour répondre à ces enjeux et répondre à votre question, nous avons trois instruments à notre disposition.

Le premier, c'est la décentralisation, qui permet de réfléchir au meilleur échelon pour exercer une compétence.

Le deuxième, c'est la différenciation. On a trop centralisé la décentralisation, si je puis dire : il faut désormais pouvoir adapter la répartition des compétences et la façon dont elles s'exercent selon les territoires.

Le troisième, c'est la déconcentration, parce que je perçois, et nous le percevons tous, un grand besoin d'État dans les territoires. En effet, c'est la présence et l'action territoriale de l'État lui-même qui sont questionnées sur un certain nombre de sujets aujourd'hui. D'ailleurs, les collectivités elles-mêmes réclament souvent davantage d'État.

C'est en s'appuyant sur ces trois piliers qu'il faudra répondre aux attentes dans les semaines et les mois qui viennent. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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