Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - CRCE-R) publiée le 22/03/2019

Question posée en séance publique le 21/03/2019

M. Guillaume Gontard. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.

Vendredi dernier, les secrétaires d'État Attal et Poirson manifestaient avec les lycéens pour la sauvegarde du climat. Je me félicite que la France, par le biais de votre gouvernement, soit ainsi à la pointe du combat pour la préservation de l'environnement. Malheureusement, le ministère de l'économie et des finances n'a pas été informé à temps de l'initiative. En effet, dans la nuit de vendredi à samedi, juste avant l'ouverture de la semaine sans pesticide, la majorité parlementaire, avec la bénédiction de Bercy, a adopté un amendement au projet de loi Pacte pour repousser de trois ans, à 2025, l'interdiction de la production en France de pesticides, pourtant interdits d'usage dans l'Union européenne. Vous me rétorquerez que le Sénat avait purement et simplement supprimé cette interdiction, et vous aurez raison. Mais je note que le Gouvernement ne s'était alors pas opposé à ces amendements rétrogrades.

Bilan des opérations : la France va continuer à produire pendant six ans des pesticides tellement dangereux pour l'être humain, tellement nocifs pour nos sols, que l'Union européenne les a interdits sur son territoire. La même Union européenne qui tergiverse toujours sur le glyphosate, pourtant reconnu pour la deuxième fois comme cancérigène par la justice américaine. C'est dire le niveau de dangerosité des produits en question.

Mais ce qui est dangereux pour les Européens ne l'est visiblement pas pour le reste de l'humanité : la France va pouvoir continuer à empoisonner pendant six ans les agriculteurs des autres continents.

Alors que le Président est revenu sur sa promesse de sortie du glyphosate en trois ans, le ministre de l'agriculture confirmait pourtant dans le même temps la dangerosité du produit. Conséquence : la politique du Gouvernement est parfaitement illisible.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin proposer une politique ambitieuse de sortie des pesticides ou bien confier cette mission à la FNSEA et aux industriels phytopharmaceutiques, comme le laisse à penser la signature par le Gouvernement du véritable contrat de dupes qu'est le « contrat de solutions ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 22/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2019

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, je vous remercie de cette question, qui va me permettre de revenir sur notre ambition en matière de produits phytosanitaires.

Cette ambition est forte : nous nous sommes engagés à diminuer l'utilisation de ces produits de 50 % d'ici à 2025, nous avons avancé sur la séparation de la vente et du conseil, qui sera opérationnelle en 2019, et nous avons procédé à l'augmentation de la redevance pour pollutions diffuses, également opérationnelle au 1er janvier 2019.

En matière de glyphosate, et vous le savez, la France est le pays qui a poussé l'Union européenne à ne réautoriser cette substance que pour cinq ans et non pour quinze ans, et elle a pris l'engagement de sortir du glyphosate en trois ans. Cet engagement est aussi un engagement d'accompagnement de toutes les filières pour ne laisser aucune d'entre elles sur le bord de la route et pour trouver des solutions permettant une production durable en France sans glyphosate. Ces solutions sont travaillées dans le contrat de solutions avec la FNSEA, mais aussi avec le secteur de la recherche, avec l'APCA, avec tous les acteurs du monde de l'agriculture.

En ce qui concerne l'exportation, le récent vote de la loi Pacte à l'Assemblée nationale a décalé à 2025 l'interdiction de production, d'utilisation et de stockage de tous les produits, y compris ceux qui ne sont pas autorisés dans l'Union européenne. Nous sommes le seul pays de l'Union européenne à avoir pris cette décision d'interdiction. Nous souhaitons que celle-ci soit partagée au niveau européen. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons accepté le décalage jusqu'à 2025, pour pouvoir porter ce sujet à Bruxelles et avoir une politique communautaire offensive en la matière.

Nous souhaitons aussi accompagner la filière : au lieu d'aller vers une simple interdiction, nous allons accompagner les producteurs pour qu'eux-mêmes changent leurs pratiques et pour qu'ils puissent proposer aux agriculteurs en dehors de l'Europe des solutions qui n'utilisent plus ces produits.

La politique que nous menons est bien une politique ambitieuse de sortie, mais c'est aussi une politique de transformation, et nous accompagnons les filières en ce sens. (M. Éric Bocquet applaudit, puis se ravise aussitôt, ce qui suscite rires et applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. Quelle gloire, monsieur Bocquet ! (Sourires.)

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