Question de Mme LANFRANCHI DORGAL Christine (Var - Les Républicains-A) publiée le 21/03/2019

Mme Christine Lanfranchi Dorgal attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'ordonnance sur la coopération agricole dont le projet a été annoncé le 18 janvier 2019 et dont la publication est attendue en avril.
Dans le Var, on compte 72 coopératives, unions et société d'intérêt collectif agricole (SICA) et 72 coopératives d'utilisation du matériel agricole (CUMA) dans cinq filières.
Elles réalisent 338 millions de chiffre d'affaires et emploient 1 080 salariés équivalent temps plein.
Au niveau national les chiffres sont tout aussi significatifs, voire plus. Trois agriculteurs sur quatre adhèrent au moins à une coopérative. Cela montre la confiance qu'ils placent dans ce modèle économique.
En la gouvernant et en étant actif en son sein, ils se protègent mais ils protègent aussi les plus fragiles d'entre eux, ils maintiennent une ruralité vivante sur tous les territoires.
Elle s'inquiète de la décision qu'il a prise de changer ce modèle, en assimilant le contrat coopératif à un contrat commercial.
En agissant ainsi, on nie les valeurs, l'esprit et les fondements des coopératives. Les « financiariser » revient à rompre le sain équilibre entre l'associé coopérateur et sa coopérative.
Aussi elle lui demande pourquoi vouloir à tout prix changer ce qui fonctionne et ce qui fédère. Elle lui demande également s'il va continuer à accentuer la fracture territoriale.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 15/05/2019

Réponse apportée en séance publique le 14/05/2019

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Ma question concerne l'ordonnance sur la coopération agricole, prise en application de l'article 11 de la loi Égalim et publiée le 25 avril.

Dans le Var, mon département, on compte 72 coopératives, unions et Sica, ainsi que 72 Cuma, coopératives d'utilisation de matériel agricole, dans cinq filières. Elles réalisent 338 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploient 1 080 salariés en équivalent temps plein.

Au niveau national, les chiffres sont tout aussi significatifs. Ainsi, trois agriculteurs sur quatre adhèrent au moins à une coopérative. Cela montre la confiance qu'ils placent dans ce modèle économique. En le gouvernant et en étant actifs en son sein, ils se protègent, mais ils protègent aussi les plus fragiles d'entre eux, et ils maintiennent une ruralité vivante sur tous les territoires.

Je suis donc inquiète de la décision qui a été prise de changer ce modèle en assimilant le contrat coopératif à un contrat commercial. En agissant ainsi, vous niez les valeurs, l'esprit et les fondements des coopératives. En les financiarisant, vous rompez le sain équilibre entre l'associé coopérateur et sa coopérative. Pourquoi vouloir à tout prix changer ce qui fonctionne et ce qui fédère ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La loi Égalim, examinée l'été dernier, a un objectif : ramener du revenu au producteur en rénovant en profondeur le cadre de la contractualisation. Plusieurs indicateurs, dont le seuil de revente à perte et le prix abusivement bas, ont été prévus pour empêcher le dumping social et inverser le rapport de force entre amont et aval.

L'ordonnance prise le 24 avril vise non pas à détruire le modèle de la coopération agricole à la française, mais bien à renforcer son exemplarité en faisant bénéficier les associés coopérateurs des avancées de la loi Égalim. Comme le Gouvernement s'y était engagé, cette ordonnance est le fruit de concertations. Le ministère de l'agriculture a travaillé avec Coop de France, le Haut Conseil de la coopération agricole, comme avec les syndicats agricoles. Il y a également eu un débat dans cet hémicycle le 15 janvier dernier.

Le modèle coopératif est dessiné pour être le modèle le plus abouti d'organisation économique pour le producteur. Notre objectif commun est de préserver ce modèle coopératif et cette vision collective, au moyen de deux leviers : la transparence, pour redonner pleinement son effet au principe « un homme, une voix » ; la responsabilisation, avec des instances garantes de son fonctionnement.

Nous faisons en sorte que les associés coopérateurs disposent d'une information claire et simple sur la rémunération des apports en justifiant l'écart entre le prix déterminé et le prix versé, sur le versement de ristournes en justifiant la part des résultats de la coopérative destinée aux associés coopérateurs, et sur le versement de dividendes en justifiant la part des résultats des filiales destinée à la coopérative.

À la frontière entre transparence et responsabilisation se trouvent les conditions de la sortie de la coopérative, qui doivent être transparentes et proportionnées.

Enfin, les instances spécifiques à la coopération agricole que sont le HCCA et le médiateur de la coopérative ont été revisitées.

L'ensemble de ces dispositions, madame la sénatrice, qui prennent en compte les spécificités du modèle coopératif, conforteront son exemplarité et son attractivité en tant que levier essentiel du regroupement commercial des agriculteurs et de développement de l'agriculture dans les territoires.

Voilà la réponse que je me souhaitais vous apporter au nom de Didier Guillaume.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal, pour la réplique.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Ce ne sont ni de la quiétude ni de la sérénité qui remontent des acteurs de terrain. Les agriculteurs comme tous les Français attendent du Gouvernement qu'il montre la voie, qu'il donne l'assurance et la confiance dont nous avons besoin pour faire avancer notre pays. Malheureusement, j'ai l'impression que nous reculons et que, compte tenu de la philosophie antisolidarité que sous-tendent ces ordonnances, nous allons continuer, lentement mais sûrement, à nier des pans entiers de notre identité.

S'il vous plaît, écoutez le monde agricole : il connaît son environnement et veut continuer à le maîtriser tout en se tournant vers une agriculture engagée et respectueuse. Laissez-lui son outil !

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