Question de Mme FÉRAT Françoise (Marne - UC) publiée le 14/03/2019

Mme Françoise Férat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les solutions à partager avec l'agriculture pour atteindre les objectifs de stockage de carbone dans le sol.
Lors de la vingt et unième conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) à Paris, 250 partenaires et 39 pays ont lancé l'initiative 4 p. 1000 visant à accroitre de 0,4 % par an, la capture et le stockage du carbone dans les quarante premiers centimètres de profondeur du sol grâce à certaines pratiques agroécologiques.
Il s'agit d'un enjeu très important dans la lutte contre le réchauffement climatique car ces 0,4 % annuels correspondent à 6 milliards de tonnes par an de la concentration atmosphérique du CO2.
Les scientifiques ont amélioré leurs données et recherches sur ce stockage carbonique depuis une vingtaine d'années mais ont besoin de consultations et d'un travail partenarial avec les acteurs de terrain, que sont notamment les agriculteurs. Ils rappellent que cette action environnementale a aussi un impact positif sur la sécurité alimentaire puisque le stockage rend les sols plus fertiles et plus stables face à l'érosion.
Ils avancent également la performance du « biochar » (« charbon biologique » obtenu par la pyrolyse de la biomasse) associé à du compost, qui pourrait constituer un « engrais vert » permettant de stocker le carbone et de réduire le protoxyde d'azote.
Au regard des impacts économiques et environnementaux optimistes attendus, elle demande s'il avance sur cette ambition adoptée à la COP 21 et travaille à des coopérations avec les agriculteurs.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 23/05/2019

L'initiative quatre pour mille fédère des moyens de recherche pour aider les politiques publiques à identifier les meilleures voies pour infléchir les pratiques et les aides au bénéfice de la qualité des sols et de la limitation des impacts du changement climatique. L'institut national de recherche agronomique présentera le 13 juin 2019 les résultats de l'étude « potentiel de l'agriculture et de la forêt françaises en vue de l'objectif d'un stockage de carbone dans les sols à hauteur de quatre pour mille » menée par une équipe pluridisciplinaire d'une trentaine d'experts. Ces résultats permettront de mieux identifier les leviers qui pourront être actionnés par les politiques publiques en complément de ceux mis en œuvre jusqu'à présent. Une conférence internationale « quatre pour mille » aura également lieu du 17 au 20 juin 2010 à Poitiers, avec une prise en compte de la question des partenariats de la recherche avec les acteurs de terrain. D'ores et déjà, il est bien identifié que des politiques publiques efficaces pour limiter les pertes de matière organique des sols sont celles qui permettent d'éviter les pertes rapides, c'est-à-dire les retournements de prairies, les déboisements ou la destruction des sols. Il est aussi admis que les augmentations de prélèvement de biomasse à des fins énergétiques ne doivent pas être effectuées au détriment de la restitution de matières organiques aux sols. En France, la forêt ne régresse pas ; par contre les prairies ont fortement régressé et l'artificialisation des sols a progressé. Un levier important du maintien du stock concerne donc la préservation des prairies encore existantes d'une part et la limitation de l'artificialisation des sols d'autre part. Le maintien des prairies et plus largement les pratiques bénéfiques à la protection des sols de l'érosion, au maintien de leur structure et leur teneur en matières organiques sont d'ores et déjà soutenues par les dispositifs de la politique agricole commune : couverture des sols, maintien des prairies, entretien des haies, rotations culturales, diversité des assolements, agroforesterie. À titre d'exemple, le « paiement vert » mis en place dans le cadre de la programmation 2015-2020 introduit une triple condition de diversification des assolements, de maintien des prairies permanentes et de présence de surfaces d'intérêt écologique sur les terres arables. De plus, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation soutient depuis 2017, à travers le dispositif des mesures agro-environnementales et climatiques, l'adoption de pratiques favorables à la couverture permanente des sols. Il existe par ailleurs une « mesure agroforesterie » qui permet aux régions de financer la mise en place de systèmes agroforestiers et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation porte plus largement un plan de développement de l'agroforesterie. Comme l'ont montré différents résultats de recherche, ces systèmes sont particulièrement efficaces pour capter du carbone. Le ministère chargé de l'agriculture soutient depuis 2012 la transition agro-écologique. L'objectif des politiques publiques est de promouvoir et pérenniser les systèmes de production agro-écologiques, qui comportent de nombreux intérêts au regard notamment des enjeux de stockage du carbone organique des sols (https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/7886_sol-carbone-2p-bd.pdf). Il faut noter le succès des collectifs d'agriculteurs qui se réunissent pour progresser ensemble (plus de 500 groupements d'intérêt économique et environnemental sont reconnus, dont plus de 150 travaillant autour du sol). Enfin, un objectif ambitieux de zéro artificialisation nette a récemment été défini au sein du plan biodiversité adopté en 2018, ce qui contribuera aussi au maintien des stocks de matière organique qu'ils contiennent. Le plan biodiversité prévoit aussi la production d'un document contribuant à la prévention des processus de dégradation des sols tels que l'érosion. Concernant le biochar, il s'agit d'une des voies d'apport de matière carbonée prospectées mais les retours d'expériences sont encore limités et les résultats sur les effets à long terme ne sont pas encore suffisamment développés pour préconiser une généralisation de cette technique qui reste coûteuse : apporter de la matière organique fraîche reste beaucoup moins coûteux pour les exploitations, que de la transformer en biochar avant de l'épandre sur les sols.

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