Question de M. BONNE Bernard (Loire - Les Républicains) publiée le 18/04/2019

M. Bernard Bonne attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la difficulté manifeste que rencontrent les préfets à faire appliquer leurs décisions en matière de politique migratoire, et notamment celles concernant les personnes ayant obligation de quitter le territoire français (OQTF).
On constate en effet que le taux d'exécution de cette procédure est en effet très faible, de l'ordre de 15 à 20 %, et que ces personnes restent sur le territoire national à la fin du délai généralement accordé de trente jours.
De même, lorsque les personnes sont placées en rétention, moins d'une sur deux quitte le territoire.
Cette incapacité de l'État à faire appliquer ses propres décisions entraîne de réelles difficultés pour les villes. À Saint-Étienne, des bâtiments municipaux ont ainsi été illégalement occupés par des personnes elles-mêmes entrées illégalement en France.
Les maires, qui pour beaucoup se sont particulièrement investis dans l'accueil de réfugiés fuyant les récents conflits au Proche-Orient, sont particulièrement démunis face à de telles situations.
Aussi, il souhaite que le Gouvernement lui indique comment il entend procéder afin que les décisions de droit prises au niveau décentralisé soient effectivement exécutées.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 05/06/2019

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2019

M. Bernard Bonne. Manifestement, les préfets rencontrent les plus grandes difficultés à faire appliquer leurs décisions en matière de politique migratoire, et notamment celles qui concernent les personnes ayant obligation de quitter le territoire national.

Le taux d'exécution de cette procédure est très faible, de l'ordre de 15 % à 20 %, et nombre de ces personnes restent sur le territoire national à la fin du délai de trente jours généralement accordé.

De même, moins d'une personne placée en rétention sur deux quitte effectivement le territoire à l'issue de la période de rétention.

Cette difficulté de l'État à faire appliquer ses propres décisions emporte de réels problèmes pour les villes. À Saint-Étienne, des bâtiments municipaux ont ainsi été illégalement occupés par des personnes elles-mêmes entrées illégalement en France.

Les maires, dont beaucoup se sont particulièrement investis dans l'accueil de réfugiés fuyant les récents conflits au Proche-Orient, sont particulièrement démunis face à de telles situations.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures vous entendez prendre afin que les décisions de droit prises au niveau décentralisé soient effectivement exécutées ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la notification d'une obligation de quitter le territoire sanctionne un refus d'admission au séjour ou un rejet définitif d'une demande d'asile. Une fois épuisées les différentes voies de recours, ces décisions doivent s'appliquer systématiquement, je vous rejoins sur ce point. Le Gouvernement a mis en place une stratégie résolue à cette fin et y consacre les moyens nécessaires.

La réalisation d'un tel objectif passe d'abord par un cadre juridique adapté permettant l'application de ces décisions. À ce titre, les dispositions de la loi du 10 septembre 2018 permettent, depuis leur entrée en vigueur, de renforcer l'efficacité des éloignements. C'est, par exemple, le cas de l'allongement de la durée de placement en rétention administrative jusqu'à 90 jours, afin de pouvoir obtenir les documents de voyage nécessaires auprès des pays d'origine, ce qui est une des difficultés rencontrées. C'est aussi ce que permet le caractère désormais non systématiquement suspensif des recours introduits devant la Cour nationale du droit d'asile, après rejet de la demande par l'Office de protection des réfugiés et apatrides, l'Ofpra, s'agissant des demandeurs d'asile en provenance d'un pays d'origine sûr.

Cette politique nécessite également des moyens humains et matériels. Un plan ambitieux de rénovation et de création de places de rétention administrative a ainsi été engagé en décembre 2017, avec la création de 480 nouvelles places d'ici à 2020, soit une augmentation de près d'un tiers du parc existant.

Cet accroissement du parc se double d'un effort de remise à niveau des places existantes, avec un plan de rénovation. Pour ce faire, un effort budgétaire significatif a été consenti, avec une hausse de 85,6 % des autorisations d'engagement et de 64,5 % des crédits de paiement. En 2018, 331 places ont été ouvertes dans ce cadre ; les travaux se poursuivent pour atteindre 480 places d'ici à la fin de l'année prochaine.

Enfin, nous menons des échanges diplomatiques avec les principaux pays de provenance, pour prévenir les départs et faciliter les retours, notamment par la délivrance de laissez-passer dans des délais extrêmement réduits.

En 2018, tous ces efforts ont permis une augmentation de 13,6 % des éloignements et une hausse de 10 % des éloignements forcés. Si ces résultats sont bons, nous ne nous en satisfaisons pas et nous poursuivons cette politique avec détermination. La mobilisation des services a été amplifiée et les données du début de l'année 2019 confirment nettement cette dynamique à la hausse. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la totale détermination du Gouvernement à poursuivre en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.

M. Bernard Bonne. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Le Gouvernement fait, me semble-t-il, un effort en ce sens, mais je veux surtout attirer l'attention sur le fait que les maires sont en première ligne. Il est donc indispensable que les services de l'État, les préfets et les maires confrontés à de telles difficultés travaillent en étroite collaboration.

Vous le savez, de nombreuses associations caritatives prennent parfois une part un peu trop importante dans l'accueil des personnes en situation irrégulière. Aussi, il importe que le préfet soutienne et aide les maires qui se trouvent vraiment en grande difficulté quand des bâtiments communaux ou privés sont occupés.

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