Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 11/04/2019

Mme Laurence Cohen interroge Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la vulnérabilité des femmes sans papiers victimes de violences.

Dans son rapport du 2 mai 2018, l'association France terre d'asile alerte sur les violences subies par les femmes migrantes en France : viols et agressions, vols, mariages ou grossesses « arrangés », hébergements en échange de prestations sexuelles ou de tâches domestiques, prostitution, etc. Ces violences sont accentuées par des conditions d'accueil inadéquates et précaires. L'ignorance de la langue et des codes du pays ainsi que le manque d'informations relatives à leurs droits sont aussi des facteurs aggravants.

La convention d'Istanbul, ratifiée le 4 juillet 2014 et entrée en vigueur en France le 1er novembre 2014, prévoit la protection des droits des victimes y compris des femmes migrantes et réfugiées. Elle impose de reconnaître ces violences et de prendre des mesures adéquates. Or, dans la majorité des cas, ces femmes ne portent pas plainte, souvent par peur de perdre leur titre de séjour dépendant de leur conjoint. En effet, une directive européenne sur le regroupement familial ne reconnaît pas au conjoint rejoignant (la femme dans trois cas sur quatre) de statut autonome, l'obligeant à cohabiter avec son conjoint, le départ du domicile pouvant déboucher sur une obligation à quitter le territoire. Ainsi, certains conjoints utilisent cette menace pour dissuader leurs victimes de porter plainte. Certes, le législateur a prévu un statut autonome en cas de divorce, de veuvage ou de violences conjugales. Mais la quantité de preuves nécessaires à ce statut le rend souvent impossible à obtenir. Une individualisation des droits pour l'obtention des titres de séjour permettrait d'éviter cette dépendance malsaine des victimes envers leur conjoint violent.

De plus, les personnels amenés à rencontrer ces femmes ne sont pas suffisamment formés à repérer ces violences de genre et à agir en fonction, par exemple quand le mari parle ou vient à la place de sa femme aux rendez-vous administratifs.

Ainsi, elle lui demande si elle a déjà engagé des pistes de réflexion pour résoudre ce problème, notamment à travers davantage d'hébergements adaptés permettant un accueil digne et un accompagnement adéquat, une meilleure vulgarisation des droits et une simplification des démarches pour dénoncer ces violences spécifiques.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 08/08/2019

Le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour renforcer la protection des femmes victimes de violences conjugales, familiales ou menacées de mariage forcé en leur ouvrant un droit au séjour autonome afin de leur permettre de s'extraire d'un contexte de violences. Le Gouvernement est particulièrement attaché à lutter contre les violences faites aux femmes. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a complété les dispositifs existants. Elle a ainsi permis de sécuriser le séjour des femmes contraintes de rompre la communauté de vie pour échapper à des violences conjugales ou familiales. La preuve de la réalité des violences peut se faire par tout moyen. En l'absence de dépôt de plainte ou de démarche judicaire ayant permis d'aboutir au prononcé d'une ordonnance de protection, tout élément peut être apporté pour établir la situation de violence. La loi du 10 septembre 2018 précitée a également permis de créer un parcours spécifique et sécurisé d'admission au séjour de plein droit pour les femmes placées sous ordonnance de protection en raison de violences commises à leur encontre par leur conjoint, leur concubin ou leur partenaire de pacte civil de solidarité ou de menaces de mariage forcé dont elles sont l'objet. Le Gouvernement est attaché à la parfaite application de ces dispositifs. Ainsi, dans l'instruction du 28 février 2019 relative à l'application de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, l'attention des préfets a été particulièrement attirée sur ces dispositifs de protection et la nécessité que les personnes qui sont en besoin de protection puissent en bénéficier. En outre, des mesures ont été prises par le Gouvernement pour améliorer la prise en charge des femmes demandeuses d'asile ou réfugiées victimes de violences au sein de structures spécialisées dans l'accompagnement de ces publics. Dans le cadre du plan d'action national sur les vulnérabilités, un plan d'action spécifique en direction des femmes victimes de violences ou de traite des êtres humains est en cours de mise en œuvre et comporte deux volets : d'une part, la spécialisation de centres d'hébergement financés et pilotés par le ministère de l'intérieur et, d'autre part, la mise en place d'une politique d'atténuation des risques de violences fondées sur le genre et de prise en compte de la vulnérabilité des femmes pendant tout le parcours des demandeuses d'asile et réfugiées. Dans ce cadre, 131 places spécialisées sont actuellement ouvertes en région Île-de-France et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Des places supplémentaires sont en cours d'ouverture pour atteindre l'objectif de 300 places spécialisées d'ici fin 2019. Les femmes en danger, qu'elles soient demandeuses d'asile ou réfugiées, pourront bénéficier d'une mise à l'abri et d'une prise en charge dans des structures d'hébergement spécialisées. 

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