Question de M. JOMIER Bernard (Paris - SOCR-A) publiée le 17/05/2019

Question posée en séance publique le 16/05/2019

M. Bernard Jomier. Cent médecins ont récemment appelé à ne pas renseigner le fichier Sivic, de Bernard Debré à Xavier Emmanuelli, d'André Grimaldi à Philippe Denormandie ou Irène Kahn-Bensaude. Nous sommes également un certain nombre à avoir signé cet appel sur les travées de cette assemblée. Nos parcours et nos opinions sont différents, mais nous avons en commun de ne jamais accepter que des informations médicales et nominatives soient transmises à des personnes qui ne concourent pas directement aux soins. Il s'agit en effet d'une violation grave du secret professionnel.

Le fichier Sivic est une procédure exceptionnelle déclenchée en cas d'afflux exceptionnel de victimes. Il a été détourné de son objet à l'occasion du mouvement dit des « gilets jaunes ». Du seul fait de leur participation à ce mouvement, des personnes ont vu des informations médicales et nominatives être collectées et transmises.

L'AP-HP, après des déclarations successives, a fini par admettre la réalité des faits. Les signataires ont interpellé le Parlement.

Madame la ministre, allez-vous diligenter une enquête indépendante sur ces faits ? Allez-vous désavouer et faire cesser cette collecte d'informations, qui ne respecte pas les conditions posées par la CNIL à la mise en œuvre de Sivic ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)


M. Ladislas Poniatowski. Très bien !

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 17/05/2019

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2019

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Bernard Jomier, le système d'information Sivic aide les hôpitaux et les établissements de santé à répondre à une arrivée exceptionnelle de blessés lors d'un événement particulier. Il est activé lorsqu'un événement est susceptible de générer beaucoup de blessés et désactivé quand l'événement en question prend fin. À titre d'exemple, le système Sivic a été activé récemment lors de l'explosion liée à une fuite de gaz dans le IXe arrondissement de Paris ou des inondations dans l'Aude.

Permettez-moi de revenir quelques années en arrière, en 2015 – chacun s'en souviendra, malheureusement –, lors des attentats. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Rachid Temal. Quel est le rapport avec les « gilets jaunes » ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Les victimes ont été réparties dans l'urgence entre les établissements, avec des difficultés pour savoir ensuite où chacune se trouvait et une faiblesse des autorités à renseigner les familles, à établir un bilan précis et à anticiper la surcharge des services d'urgence.

M. Rachid Temal. Ce n'est pas la question !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. J'y viens.

Le système Sivic a donc été créé à la suite de cet événement, avec pour objectif, lors de chaque événement grave, d'organiser le plus vite et le mieux possible la prise en charge des blessés et l'accompagnement de leurs proches.

M. Ladislas Poniatowski. Répondez à la question ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Oui, c'est une honte !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. L'utilisation du système Sivic est utile aux soignants, aux hôpitaux et aux ARS en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Néanmoins, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, l'a rappelé et répété : « Jamais nous n'accepterons que l'on demande aux soignants de ficher des gilets jaunes qu'ils soignent. Jamais, d'ailleurs, ils n'accepteraient. »

Il y a eu un malentendu. Pouvoir repérer les victimes de blessures en marge de manifestations pour adapter le système de santé ne veut pas dire ficher les « gilets jaunes ». Lors des manifestations où Sivic a été activé, toutes les personnes en lien avec les manifestations – forces de l'ordre, journalistes, passants et manifestants – ont pu potentiellement être entrées dans le fichier, sans distinction.

Nous avons demandé à la direction compétente du ministère de la santé, à l'AP-HP et aux ARS de faire acte de transparence, notamment sur le fonctionnement de Sivic.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. C'est ainsi qu'une inspection commune de l'ARS Île-de-France et de l'AP-HP est diligentée afin d'évaluer s'il y a eu des dysfonctionnements et pour s'assurer que ce fichier sera désormais strictement constitué d'informations. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. On ne demande pas à ceux qui sont susceptibles d'avoir commis une infraction de mener l'enquête. Ce serait tout de même étonnant sur le plan juridique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Le fichier Sivic a clairement été dévoyé. L'ordre des médecins a saisi la CNIL. Malheureusement, vous n'aviez déjà pas respecté l'avis de cette commission sur un autre fichier de santé qui avait été croisé avec un fichier du ministère de l'intérieur… Les fondements de notre éthique du soin ne sont pas un mercato ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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