Question de Mme LEPAGE Claudine (Français établis hors de France - SOCR) publiée le 29/05/2019

Question posée en séance publique le 28/05/2019

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ces derniers mois, plusieurs journalistes ont été convoqués par les services de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, simplement pour avoir fait leur travail de journaliste : enquêter, trouver des sources, révéler l'utilisation d'armes françaises au Yémen ou, pour Ariane Chemin, avoir dévoilé qu'un chargé de mission de l'Élysée faisait, à l'occasion, le coup de poing lors de manifestations, et qu'il entretenait des relations pour le moins douteuses.

Ces convocations, cette volonté d'intimidation, s'inscrivent dans un contexte plus large de défiance du Gouvernement vis-à-vis de ce contre-pouvoir qu'est la presse. Je pense notamment à l'arrestation de Gaspard Glanz lors de la manifestation du 1er mai dernier et à son placement en garde à vue pendant quarante-huit heures, ou aux nombreux journalistes indépendants blessés alors qu'ils couvraient les manifestations des gilets jaunes.

Face à ce climat inquiétant et à ce qui s'apparente à une volonté d'intimider les journalistes, notre groupe tient à rappeler son attachement aux libertés fondamentales, à la liberté de la presse et à la protection des sources, sans lesquelles l'information ne serait plus la même.

À l'inverse, le Gouvernement et le Président de la République continuent de justifier, sous couvert de sécurité nationale ou de secret défense, l'injustifiable. Car comment appeler autrement la convocation de journalistes et du patron du groupe Le Monde par un service censé lutter contre les menaces terroristes ?

Madame la ministre de la justice, quand le Gouvernement va-t-il mettre un terme à ces pratiques qui fragilisent la liberté de la presse et ternissent considérablement l'image de liberté de notre pays à l'international ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 29/05/2019

Réponse apportée en séance publique le 28/05/2019

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Laissez-moi tout d'abord vous dire, madame Claudine Lepage, que, tout comme vous, le Gouvernement est attaché à la liberté d'informer et à la protection du secret des sources. Mais nous devons également protéger les agents qui concourent à la sécurité de notre pays.

Concernant les affaires évoquées, je vous rappelle que, en tant que garde des sceaux, il ne m'appartient ni de commenter ni de m'exprimer sur une affaire en cours, et je m'y astreins. C'est la raison pour laquelle je n'entrerai pas dans les détails.

Je veux en tout cas affirmer qu'il s'agit bien ici d'une procédure judiciaire.

Pour ce qui est de la convocation de Mme Ariane Chemin, journaliste au Monde, celle-ci est intervenue dans le cadre d'une enquête préliminaire qui est placée, vous le savez, sous le contrôle du procureur de la République de Paris. Cette procédure a été ouverte à la suite du dépôt de plainte d'un membre des forces spéciales dont l'identité avait été révélée par ce journal.

S'agissant de la convocation par la DGSI d'un journaliste du média Disclose, que vous avez évoquée, elle intervient, là encore, dans le cadre d'une procédure judiciaire menée sous l'autorité d'un magistrat. Cette enquête préliminaire a été confiée à la DGSI par le procureur de la République de Paris, du chef de compromission du secret de la défense nationale. (M. Pierre-Yves Collombat s'esclaffe.)

Juridiquement, ces éléments sont potentiellement constitutifs d'une infraction pénale. Je rappelle que, dans le cadre d'une audition libre comme d'une garde à vue, les personnes convoquées disposent de droits, et en premier lieu de celui d'être assisté d'un avocat pendant leur audition.

Je rappelle également qu'une telle convocation ne préjuge en rien l'éventualité de poursuites qui pourraient être diligentées à l'encontre de ces journalistes.

Enfin, il appartiendra au seul procureur de la République de juger des suites à donner.

Cette convocation, madame la sénatrice, ne doit en aucun cas être lue comme une tentative d'intimidation ou de menace.

M. Pierre-Yves Collombat. Non, bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous redis ici qu'elle est intervenue dans un cadre juridique précis, respectueux de l'État de droit, et que, tout comme vous et l'ensemble des sénateurs, le Gouvernement est particulièrement attaché à la liberté de la presse. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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