Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 06/06/2019

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la gestion du dossier de la pollution des terrains de l'ancienne usine Saft du quartier Saint-Cybard d'Angoulême et sur les dernières avancées dans ce dossier.

Dans la presse locale, en date du 29 mai 2019, il est relaté que des négociations auraient eu lieu entre le conseil départemental de la Charente et Alcatel Lucent participation (ALP) identifié comme l'ayant-droit de la Saft. Selon la presse, ces négociations auraient abouti à un accord prévoyant un partage de la facture pour la dépollution du site, qui s'établirait entre 2 et 5 millions d'euros au total.

Elle lui rappelle que l'État disposait parfaitement d'informations sur ce site puisque celui-ci est classé parmi les sites industriels figurant sur la base de données des sites industriels et activités de service « BASIAS » où l'on peut lire : « Le site est référencé sous le numéro POC1600608. La fiche BASIAS indique que l'activité du site a commencé en 1936 et s'est achevée en 1984. Un inventaire des produits utilisés ou générés par l'activité du site est réalisé. Il relève la présence de cadnium(Cd), nickel (Ni), plomb, oxyde de plomb ainsi que des acides (minéraux ou organiques) ». En outre, la base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués (BASOL), récemment mise à jour à la suite des derniers diagnostics, indique une date vraisemblable des faits de pollution, en 1977.

L'État avait donc depuis de nombreuses années la parfaite connaissance de la pollution des sols et des eaux souterraines. D'ailleurs, le préfet de la Charente indiquait, le 5 mai 2018, que la société Saft « avait du trichloréthylène » et « avait des stocks de cinquante tonnes en permanence sur le site et qui donc, l'utilisait ».

Il est ainsi parfaitement démontré que l'État avait de longue date toutes les informations sur le site de l'ancienne usine Saft du quartier Saint-Cybard à Angoulême.

Aussi, elle aimerait savoir si, d'une part, l'État a mis l'ayant-droit en demeure de procéder à l'obligation de dépollution du site et si, d'autre part, l'État entend prendre sa part dans le financement de la dépollution.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 17/07/2019

Réponse apportée en séance publique le 16/07/2019

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la secrétaire d'État, j'attire l'attention du ministre de la transition écologique et la vôtre sur la pollution des terrains de l'ancienne usine Saft du quartier Saint-Cybard, à Angoulême.

Le 29 mai dernier, la presse locale a fait état de négociations entre le conseil départemental de la Charente et Alcatel-Lucent Participations, ALP, identifiée comme l'ayant droit de la Saft. Ces négociations auraient abouti à un accord prévoyant un partage de la facture pour la dépollution du site, pour un total compris entre 2 millions et 5 millions d'euros.

Je vous rappelle, madame la secrétaire d'État, que l'État disposait parfaitement d'informations sur ce site industriel classé, figurant sur différentes bases de données, dont Basias, où l'on apprend que l'activité, menée de 1936 à 1984, a utilisé ou généré du cadmium, du nickel, du plomb et de l'oxyde de plomb, ainsi que des acides minéraux et organiques. En outre, la base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués, Basol, récemment mise à jour, indique comme date vraisemblable des faits de pollution 1977.

L'État avait donc, depuis de nombreuses années, la parfaite connaissance de la pollution des sols et des eaux souterraines. Dès lors, ma question est double. L'État a-t-il mis l'ayant droit en demeure de respecter l'obligation de dépollution du site, selon le principe « pollueur-payeur » ? Et entend-il prendre sa part dans le financement de cette dépollution ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, le ministère de la transition écologique et solidaire est particulièrement attentif au dossier de la pollution des terrains de l'ancienne usine Saft, dans le quartier Saint-Cybard d'Angoulême.

Je vous confirme ce que le ministre d'État vous a indiqué dans son courrier du 17 avril dernier : à ce stade, les services de l'État n'ont pas retrouvé d'éléments démontrant que ce site, anciennement exploité par la société Saft, ait été classé au titre de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, les ICPE, bien que, comme vous l'avez signalé, il soit recensé dans les deux bases de données Basias et Basol.

La base de données Basias recense les anciens sites industriels et activités de services, et pas uniquement les anciennes ICPE. Or la fiche relative au site Saft n'apporte aucun élément quant au classement ICPE de celui-ci.

Quant à la fiche relative à ce site dans Basol, elle a été créée en juin 2018, soit après la transmission à l'État, à la fin de 2017, des premiers diagnostics de pollution par le conseil départemental de la Charente ; elle a été mise en ligne le 12 décembre 2018.

En conséquence, toute action administrative qui serait entreprise par la préfète de la Charente à l'égard de l'ayant droit de la société Saft au titre de la réglementation ICPE serait juridiquement très fragile et pourrait être annulée par la justice, en cas de recours de ce dernier.

Par ailleurs, comme il a été annoncé lors de la réunion publique du 28 mai dernier, le conseil départemental a trouvé un accord avec l'ayant droit de la société Saft, afin que celui-ci cofinance, dans le cadre d'une intervention volontaire, l'élaboration du plan de gestion des diagnostics à réaliser dans les habitations et des mesures d'aménagement préconisées relativement à la qualité de l'air ambiant, ainsi que, à l'issue du plan de gestion, les mesures de réhabilitation, à la fois sur site et hors site.

Dans ce contexte, toute prescription envers l'ayant droit de la société Saft qui ne serait pas juridiquement légitime risquerait de déboucher sur une action contentieuse, susceptible de provoquer la remise en cause du cofinancement annoncé par l'ayant droit et la mise en veille des études et travaux de dépollution envisagés.

En conséquence, au nom de l'objectif partagé que les travaux de dépollution soient réalisés au plus tôt, afin de faire cesser l'exposition à la pollution, l'État n'envisage pas de mettre en demeure l'ayant droit de Saft de procéder à la dépollution du site, préférant poursuivre dans la voie qu'il a suivie avec le conseil départemental.

Au niveau local, les services de l'État, en particulier la préfecture, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et l'agence régionale de santé, resteront pleinement mobilisés pour suivre ce dossier sensible.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.

Mme Nicole Bonnefoy. Je comprends votre préférence, madame la secrétaire d'État, mais je rappelle que l'ayant droit a été trouvé, et que la loi doit s'appliquer.

La réglementation qui hiérarchise les responsabilités désigne, d'abord, l'exploitant de l'activité génératrice de la pollution – en l'occurrence, la Saft –, et, ensuite, en cas de cession ou de disparition de l'exploitant, l'ayant droit – ici, Alcatel-Lucent Participations. C'est seulement en l'absence de responsable identifié à titre principal ou subsidiaire que la responsabilité peut incomber au propriétaire du site, soit le département – encore faudrait-il qu'il ait commis une négligence, ce qui est loin d'être démontré.

Madame la secrétaire d'État, le responsable est parfaitement identifié : c'est l'ayant droit, Alcatel-Lucent Participations, qui seul doit payer !

Il appartient au ministre de l'écologie de faire respecter le droit, en mettant en demeure immédiatement l'ayant droit, contrairement à ce que vous avez dit, de respecter ses obligations. Il revient à l'État de prendre toutes ses responsabilités dans cette affaire et, si des manquements ont été commis dans l'identification des sites, de les assumer, au lieu d'inventer, ce qui est inquiétant venant d'un ministre de l'écologie, une règle consistant à faire payer le pollué, un principe inacceptable !

M. Olivier Cigolotti. C'est vrai !

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