Question de Mme PRIMAS Sophie (Yvelines - Les Républicains) publiée le 12/06/2019

Question posée en séance publique le 11/06/2019

Mme Sophie Primas. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie et des finances ; elle s'adresse donc à Mme la secrétaire d'État. Elle porte sur les turbulences récentes, mais fortes, que traverse le groupe Renault.

Déjà ébranlée par plusieurs mois de tensions, à la suite du départ rocambolesque de Carlos Ghosn, l'alliance est de nouveau éprouvée par la discussion, puis le retrait apparent ou réel – vous nous le direz – d'une offre de fusion faite par le groupe Fiat.

La compétitivité et la conquête d'opportunités par Renault ont toujours été, au fil des différents gouvernements, une priorité industrielle et stratégique pour notre pays. Or un potentiel rapprochement pour le moins précipité avec Fiat n'aurait probablement pas atteint ces objectifs : la proposition de Fiat s'appuyait sur une valorisation au rabais de Renault, donnait les coudées franches à la famille Agnelli dans la gouvernance de la nouvelle entité fusionnée et divisait par deux la part de l'État dans l'actionnariat.

Au-delà de ce « deal » enterré peut-être aussi soudainement qu'il a été envisagé, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les opportunités que vous pourriez encore voir à cette éventuelle alliance entre ces constructeurs assez similaires, deux constructeurs qui chassent souvent dans les mêmes zones géographiques et sur les mêmes gammes de voiture. Quels sont les risques également en matière d'emploi, de gouvernance et d'alliance ?

Pouvez-vous nous indiquer si vous poursuivez, officiellement ou pas, avec le groupe Renault la discussion ? Quelles seraient vos conditions pour un accord ? Quelles garanties pourriez-vous demander ?

Enfin, il n'est pas impossible que ces allers et retours avec Fiat mettent en péril l'alliance entre Renault et Nissan. La tiédeur de Nissan devrait d'ailleurs nous inviter à la prudence : le groupe japonais s'est abstenu lors du vote au sujet de la fusion. Le ministre Bruno Le Maire s'est rendu au Japon la semaine dernière à l'occasion du G20 Finances pour tenter d'apaiser les relations entre les deux groupes, et Nissan, qui tiendra le 25 juin prochain son assemblée générale, vient d'apprendre par courrier que Renault s'opposait à la nouvelle gouvernance du groupe japonais.

Comment entendons-nous, nous État actionnaire, soutenir le groupe Renault pour sortir du blocage actuel et rétablir un dialogue de qualité constructif au sein de l'alliance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 12/06/2019

Réponse apportée en séance publique le 11/06/2019

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice Primas, comme vous le savez, lorsque le groupe FCA – Fiat Chrysler Automobiles – s'est présenté à Renault pour cette proposition d'alliance, l'État, actionnaire de Renault à hauteur de 15 %, l'a accueillie avec ouverture et a travaillé de manière constructive et professionnelle avec l'ensemble des parties prenantes.

Je crois que c'est ce qu'on est en droit d'attendre de tout actionnaire au conseil d'administration de Renault. Nous avons été évidemment soucieux des intérêts stratégiques de l'industrie automobile française.

Bruno Le Maire avait immédiatement fixé quatre conditions préalables – qui devraient de toute éternité nécessairement être réunies si d'autres dossiers de cette nature, ou différents, devaient se présenter – à l'approbation de l'opération par l'État.

La première condition, c'est la réalisation de cette opération dans le cadre de l'alliance entre Renault et Nissan. Il n'y a pas d'ambiguïté : si Renault a un partenaire stratégique qui est Nissan, il convient que cette alliance soit respectée et que chacun soit à l'aise autour de la table du conseil d'administration. C'est aussi la clé de la réussite des vrais projets industriels.

La préservation des emplois industriels et des sites industriels en France est la deuxième condition, les autres conditions étant une gouvernance respectueuse des équilibres de Renault et de FCA et la participation de ce futur ensemble industriel à l'initiative des batteries électriques engagée avec l'Allemagne, tant cette initiative est également primordiale pour l'avenir de l'industrie automobile européenne.

Je veux dire ici que des progrès significatifs ont été faits sur les trois derniers éléments. C'est la question d'un délai additionnel pour s'assurer du soutien de l'ensemble des parties prenantes, notamment du soutien explicite de Nissan, qui a amené FCA à retirer son offre.

L'État prend acte de cette décision. Je crois que nous n'avons pas à rougir d'avoir posé ces conditions, qui étaient de bon sens, de bon aloi et, je le redis, professionnelles.

Pour la suite, Bruno Le Maire était effectivement au Japon ces derniers jours.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Il a vu son homologue japonais, M. Seko. Il peut vous garantir l'attachement de la France et du Japon à l'alliance. Ce sujet était bien à l'agenda et nous allons progresser. (MM. Frédéric Marchand et François Patriat applaudissent.)

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