Question de Mme BENBASSA Esther (Paris - CRCE-R) publiée le 20/06/2019

Mme Esther Benbassa attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des personnes condamnées pour usage de cannabis à visée thérapeutique.
Le cannabis thérapeutique est un enjeu majeur de santé publique. La ministre de la santé et des solidarités a déjà exprimé cette année 2019 le souhait d'une réflexion sur sa légalisation.
Chaque année, de nombreuses personnes malades se procurent dans l'illégalité du cannabis afin de soulager leurs douleurs ou d'atténuer les effets secondaires d'un traitement lourd.
Certains sont condamnés à des peines de prison ou, comme cela est le cas désormais, à une peine d'amende forfaitaire pour la culture d'un simple plant de cannabis destiné à soulager leurs souffrances. Dans ces cas précis, ce n'est qu'exceptionnellement que les juges du fond retiennent l'excuse de l'état de nécessité. Et pour cause : la loi pénale actuelle ne permet pas de distinguer entre l'usage de cannabis récréatif et celui médical.
Pour mettre un terme à cette insécurité juridique, elle lui demande de mobiliser tous les moyens dont elle dispose afin que cessent ces condamnations iniques.
Adresser une circulaire aux procureurs de la République les incitant à davantage de tolérance lorsqu'il s'agit de poursuivre en justice les usagers de cannabis à visée thérapeutique serait très utile en ce sens.
Elle permettrait à toute personne pouvant justifier de sa situation, en apportant la preuve matérielle d'une indication médicale (situation palliative, traitement de chimiothérapie, de trithérapie, maladie de la sclérose en plaque et autres maladies dégénératives) de faire l'objet d'un abandon des poursuites.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/05/2020

L'usage du cannabis à des fins thérapeutiques s'inscrit dans un cadre juridique précis. En effet, si l'article R.5132-86 I du code de la santé publique pose le principe de l'interdiction de la production et de la distribution du cannabis en raison de sa nocivité, le même article prévoit dans son II des dérogations à cette interdiction « aux fins de recherche et de contrôle ainsi que de fabrication de dérivés autorisés par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». Cette exception vise ainsi à permettre la délivrance d'autorisations temporaires d'utilisation de spécialités pharmaceutiques contenant du delta 9-THC. C'est ainsi qu'en France, des spécialités pharmaceutiques à base de cannabinoïdes ont obtenu une autorisation de délivrance dans le cadre d'une procédure rigoureuse de mise sur le marché. Toutefois, ces médicaments ne sont autorisés que pour le traitement de maladies graves, et sous contrôle médical. En 2018, la ministre des solidarités et de la santé a saisi l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), afin de disposer d'un état des lieux des spécialités pharmaceutiques contenant des extraits de la plante de cannabis ou des analogues de synthèse, ainsi qu'un bilan des connaissances relatives aux effets et aux risques thérapeutiques liés à l'usage de la plante elle-même. A cette fin, l'ANSM a constitué en septembre 2018 un comité scientifique spécialisé temporaire sur l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition en France du cannabis thérapeutique. En décembre 2018, ce comité s'est prononcé en faveur d'un élargissement de l'usage du cannabis dans certaines situations cliniques précises et limitées. Le comité a exclu d'emblée la voie d'administration fumée, compte tenu des risques pour la santé. La loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 permet désormais d'autoriser, à titre expérimental pour une durée de deux ans, l'usage médical du cannabis sous la forme de produits répondant aux standards pharmaceutiques, dans certaines indications ou situations cliniques réfractaires aux traitements indiqués et accessibles.

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