Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 27/06/2019

Mme Laure Darcos appelle l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la vive inquiétude des éditeurs privés au sujet de l'avenir de leur secteur d'activité et l'interroge au sujet de l'efficacité économique de la reprise du contrôle de l'État sur l'édition scientifique. Dans un contexte de profondes mutations marqué par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui permet aux chercheurs de diffuser leurs écrits scientifiques par voie numérique et dans un format ouvert à l'expiration d'un délai de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales, le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) a lourdement investi dans des initiatives numériques visant à produire des contenus en ligne sans faire appel aux éditeurs. Il en est ainsi des universités numériques thématiques qui proposent des ressources pédagogiques libres et gratuites dans de nombreux champs disciplinaires. Dans le domaine de la recherche, la plateforme ISTEX, d'un coût de 60 millions d'euros, constitue une bibliothèque scientifique numérique nationale permettant d'accéder en ligne à un ensemble considérable d'archives scientifiques. Par ailleurs, l'initiative OpenEdition vise à numériser, mettre en ligne et diffuser gratuitement les résultats de travaux de chercheurs en sciences humaines et sociales (revues et ouvrages) sur une plateforme dédiée. Avec le modèle « diamant » porté par le MESRI dans le cadre du plan national pour la science ouverte annoncé en 2018, les publications seraient mises en accès libre immédiat mais sans que l'indispensable travail d'édition soit financé par le lecteur (abonnements) ni par l'auteur (ou son organisme de rattachement). Ce travail d'édition serait donc nécessairement effectué par des structures ad hoc, financées sur fonds publics. Outre le fait qu'on ignore le coût d'un tel investissement public, l'étatisation de l'édition scientifique risque de conduire à l'effondrement économique des maisons d'édition scientifique françaises, principalement des petites et moyennes entreprises publiant en français et participant ainsi à la diffusion de la pensée francophone dans le monde. Aussi, elle lui demande de bien vouloir l'éclairer sur les intentions du Gouvernement vis-à-vis des éditeurs privés dans le cadre de la promotion de la science ouverte, ainsi que sur les garanties pouvant être apportées sur la qualité des contenus et l'efficacité économique de l'écosystème actuel.

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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 06/05/2021

L'action du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) pour une édition scientifique ouverte et plurielle se décline selon deux axes :  L'accompagnement de la loi numérique (le comité de suivi de l'édition scientifique et le plan de soutien de l'édition scientifique) : En accompagnement de la loi du 7 octobre 2016, le MESRI et le ministère de la culture (MC), à la demande du Premier ministre, ont élaboré un plan de soutien à l'édition scientifique française de revues. Ce plan prévoit la mise en place d'outils de suivi de l'évolution économique de l'édition de revues ; la coordination des politiques nationales de soutien aux acteurs de l'édition scientifique ; l'incitation à l'accroissement de la diffusion des revues françaises. Créé par arrêté conjoint du MESRI et du MC du 2 janvier 2017, un comité de suivi de l'édition scientifique a été chargé de suivre la mise en place et l'exécution du plan. Avec l'appui des deux ministères, le comité rassemble de manière équilibrée des représentants des communautés scientifiques, des acteurs de l'information scientifique et technique, et des éditeurs publics et privés. Les missions du comité ont été précisées par l'arrêté du 2 janvier 2017 (JORF du 14 janvier 2017) : - définir les données à recueillir qui permettront de suivre les évolutions, de manière à veiller au maintien et au développement d'une édition scientifique française et francophone, en particulier en sciences humaines et sociales (SHS) ; - conduire les études destinées à mieux connaître et objectiver les réalités et l'économie des revues ; - proposer aux pouvoirs publics les orientations et les mesures destinées à soutenir l'édition scientifique, à accompagner ses évolutions dans la production éditoriale et dans les services d'accès aux contenus et de réutilisation des données de consultation ; - définir les critères et les orientations d'une politique mutualisée d'acquisitions, ainsi que les diverses modalités souhaitables d'une politique de licences nationales ; - examiner des voies possibles de mutualisation en termes de plates-formes de diffusion.  D'un montant prévisionnel global de 16,7 M€ sur cinq ans, le plan de soutien s'est traduit par deux actions coordonnées : - des groupements d'achat d'abonnements au profit des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche (13,2M €), garantissant aux éditeurs, aux plates-formes de diffusion des revues et aux revues elles-mêmes un maintien pluriannuel de leur chiffre d'affaires ; - des aides directes aux plates-formes de diffusion et aux revues (2,6 M€), moyennant des engagements contractuels pris avec l'agence bibliographique de l'enseignement supérieur (ABES) pour la modernisation et la normalisation de leurs services ainsi qu'un élargissement de l'accès ouvert et l'abaissement des barrières mobiles. Les 3 premières plates-formes, EDP Sciences, Cairn.info, OpenEdition, ont déjà bénéficiées de ce soutien. La négociation se poursuit avec certains éditeurs comme J. LIBBEY et LAVOISIER. Ainsi définies, les orientations de cette politique nationale ont permis d'augmenter le nombre d'établissements et d'éditeurs participants et d'élargir la négociation des groupements de commande sur de nouvelles bases, incitant les éditeurs à parvenir à un accord d'ensemble ouvrant l'accès au soutien ministériel aux plates-formes, toutes les parties s'engageant pour une durée de 5 ans, alors que la norme des précédentes négociations était plutôt de 3 ans. Les 815 revues concernées ont bénéficié des deux sources de financements puisque les plates-formes reversent une majeure partie de ceux-ci aux revues. Ce plan comprend également des aides à la traduction (0,7 M€ ; appel à projet engagé fin 2018), et des études sur les outils de suivi de l'économie de l'édition scientifique (0,2 M€) financées par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et par le ministère de la culture. En juillet 2019, Frédérique Vidal a chargé Jean-Yves Mérindol, ancien président d'USPC, d'une "mission de réflexion sur la façon de favoriser le dialogue entre acteurs publics de la recherche et éditeurs publics et privés", dans le cadre du plan sur la science ouverte. Jean-Yves Mérindol devra rendre ses conclusions mi-novembre 2019. Ce travail est mené en lien avec le ministère chargé de la culture. Le Plan national pour la Science ouverte : La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a lancé, en juillet 2018, un plan national pour la science ouverte pour "généraliser l'accès ouvert aux publications"et le Comité pour la science ouverte, installé en avril 2019, vise à"faciliter la coordination des acteurs de l'ESRI dans ces domaines complexes couvrant un panel très large (édition, archives ouvertes, données de la recherche, formations à la science ouverte, articulation internationale notamment européenne, etc.) ". Frédérique Vidal a déclaré en juillet 2018 : "les opérateurs d'enseignement et de recherche ne sont pas les seuls acteurs du passage à la science ouverte" et à propos du rôle des éditeurs : "Car il faut le répéter : la science ouverte ne se conçoit pas sans éditeurs. Nous disposons en France d'une communauté éditoriale scientifique diverse et de grande qualité, comme par exemple en mathématiques et en sciences humaines et sociales. Il faut cultiver cette diversité, dans un rapport de confiance et de dialogue. Il est indispensable d'aller vers une plus grande diversité et un plus grand équilibre du paysage éditorial." Le Plan national pour la science ouverte ne préconise pas un seul modèle économique pour l'édition scientifique mais soutient une bibliodiversité qui permet d'envisager une pluralité de modèles, y compris ceux basés sur « des frais de publication » dans le cadre d'une publication entièrement en accès ouvert. Le Plan concerne tous les acteurs vertueux, publics ou privés, qui développent un environnement éditorial moins concentré, obéissant aux principes d'un accès ouvert et éthique, notamment en termes de transparence, de gouvernance et de propriété intellectuelle. Le Plan soutiendra notamment le développement de l'édition scientifique française à travers un plan d'accompagnement pour les livres en accès ouvert. Le MESRI a créé un fonds dédié qui investit dans une édition ouverte restant sous le contrôle de la communauté scientifique, en France et à l'étranger. Le fonds national pour la science ouverte (FNSO) a été créé le 17 juillet. Il s'agit d'un groupement d'intérêt scientifique porté par les membres du comité de pilotage de la science ouverte. Le FNSO a lancé son premier appel à projets en décembre 2019 sur le périmètre de l'édition et de la publication scientifiques ouvertes et de leur écosystème. 105 projets ont été déposés, dont 10 pour le volet infrastructures de recherche, 39 pour le volet plateformes éditoriales et 56 pour le volet contenus éditoriaux. En novembre 2020, à l'issue du premier appel à projets, le Comité de pilotage de la science ouverte s'est appuyé sur les conclusions d'un jury international pour sélectionner 22 projets. Un soutien global de 2 675 000 euros a ainsi été apporté aux infrastructures, plateformes et projets éditoriaux qui contribuent à consolider l'écosystème français de l'édition scientifique ouverte.  Le Comité de pilotage de la science ouverte a également décidé de rééditer un appel à projets dédié à l'édition et la publication scientifique et de lancer en 2021 un nouvel appel dédié aux données de la recherche. 

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