Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 18/07/2019

M. Cyril Pellevat interroge M. le Premier ministre sur l'avenir des unités touristiques nouvelles.

Sur le fondement de la directive européenne du 27 juin 2001, l'association France nature environnement (FNE) a formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État contre le décret relatif à la procédure de création ou d'extension des unités touristiques nouvelles (UTN), spécificité de la construction en montagne, et a obtenu son annulation par le Conseil d'État.

Créées dans les années 1980, pour déroger au principe de continuité des constructions, les unités touristiques nouvelles étaient un préalable à la délivrance de toute autorisation de permis de construire.

Le décret du 10 mai 2017, pris en application de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne dite loi montagne II, visait à rénover l'ensemble de la procédure des UTN. Le décret modifiait la procédure de création et d'extension des UTN en actant une nouvelle répartition : tandis que les UTN structurantes (UTNS) continuaient à être planifiées par les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les UTN locales (UTNL) devaient désormais être précisées par les plans locaux d'urbanisme (PLU). Cette réforme visait à inciter les communes de montagne dépourvues de documents d'urbanisme à s'engager dans la voie de la planification. Le texte modifiait également plusieurs seuils existants afin d'en corriger certains jugés trop stricts, d'intégrer des projets touristiques structurants pour le territoire, de déconnecter les seuils UTN des seuils de soumission à étude d'impact, ces derniers apparaissant parfois peu pertinents au regard des échelles de planification (SCoT ou PLU).

La décision du Conseil d'État dispose que le décret méconnaît l'obligation pour tous les plans et programmes de devoir faire une « évaluation environnementale » en amont (évaluation environnementale requise par la directive européenne). Le Conseil d'État a donc partiellement annulé le décret car il ne soumettait pas à une évaluation environnementale les UTN créées dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou par un plan local d'urbanisme (PLU).

Je prends acte qu'il faudra un nouveau décret avec une étude environnementale. Cette évaluation en amont sera moins significative et ne dispensera pas une seconde évaluation environnementale qui existe déjà au moment du permis de construire. Le risque est donc de multiplier les étapes et de retarder certains projets. Par ailleurs, comme une évaluation environnementale s'accompagne d'une enquête publique, il faudra également l'organiser conjointement.

Je tiens à alerter le Gouvernement sur la nécessité de simplifier le dispositif et non de l'alourdir. Je suggère deux pistes de réflexion : la première consisterait à supprimer les UTN locales (6 000 à 12 000 m2) afin de ne maintenir que les UTN structurantes de plus de 12 000 m2, qui concernent donc de gros projets. La suppression des UTN avait été envisagée par le Gouvernement lui-même en 2015 dans le cadre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron.

Dans un premier temps, je souhaiterais connaître le nombre d'UTN concernées par l'annulation du décret et des autorisations préfectorales et les conséquences juridiques pour ces projets.

Je demande également au Gouvernement quelles sont ses intentions pour alléger le dispositif, ce qui était l'objectif initial défendu en son temps par le ministre Emmanuel Macron.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

M. Cyril Pellevat. Une association environnementale a fait annuler partiellement un décret relatif aux unités touristiques nouvelles (UTN), spécificité de la construction en montagne, qui s'inscrivait dans le cadre global d'une réforme visant à simplifier la procédure pour obtenir des autorisations de construction.

Créées dans les années 1980 pour déroger au principe de continuité des constructions, les unités touristiques nouvelles étaient un préalable à la délivrance de toute autorisation de permis de construire.

Le décret du 10 mai 2017, pris en application de la loi Montagne 2 du 28 décembre 2016, dont j'étais le rapporteur au Sénat, visait à rénover l'ensemble de la procédure des unités touristiques nouvelles. Le décret modifiait la procédure de création et d'extension des UTN, en actant une nouvelle répartition : « UTN structurantes » planifiées par les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et « UTN locales » précisées par les PLU, les plans locaux d'urbanisme.

Cette réforme visait à inciter les communes de montagne dépourvues de documents d'urbanisme à s'engager dans la voie de la planification. Le texte modifiait également plusieurs seuils existants, afin d'en corriger certains, jugés trop stricts. Il permettait d'intégrer des projets touristiques structurants pour le territoire et de déconnecter les seuils UTN des seuils retenus pour la réalisation d'une étude d'impact, ces derniers apparaissant parfois peu pertinents au regard des échelles de planification des SCOT ou des PLU.

La décision du Conseil d'État précise que le décret méconnaît l'obligation pour tous les plans et programmes de procéder à une évaluation environnementale en amont. Le Conseil d'État a donc partiellement annulé le décret, qui ne soumettait pas à une évaluation environnementale les UTN créées dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale ou par un plan local d'urbanisme.

Je prends acte du fait qu'il faudra un nouveau décret prévoyant une étude environnementale. Une telle évaluation en amont sera moins significative et ne dispensera pas d'une seconde évaluation environnementale, au moment de la délivrance du permis de construire, évaluation qui existe déjà.

Le risque est donc de multiplier les étapes et de retarder certains projets importants pour la compétitivité de nos stations de sports d'hiver.

Par ailleurs, comme une évaluation environnementale s'accompagne d'une enquête publique, il faudra également l'organiser conjointement.

Dans un premier temps, je souhaiterais connaître le nombre d'UTN concernées par l'annulation du décret et des autorisations préfectorales et les conséquences juridiques pour ces projets. Je demande également au Gouvernement d'indiquer ses intentions pour alléger le dispositif, conformément à l'objectif initial défendu en son temps par le ministre Emmanuel Macron. (M. Ronan Le Gleut applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez raison, par une décision du 26 juin 2019, le Conseil d'État a en effet annulé le décret du 10 mai 2017 relatif aux unités touristiques nouvelles en tant qu'il ne soumet pas à évaluation environnementale la création ou l'extension d'UTN soumises à autorisation préfectorale, en l'absence de SCOT ou de PLU, dès lors qu'elles sont susceptibles d'avoir une incidence notable sur l'environnement.

Le Conseil d'État a ainsi considéré que ces UTN résiduelles sont des plans-programmes au sens du droit communautaire et que le décret aurait donc dû les soumettre à une évaluation environnementale.

C'est le silence du décret sur ce sujet de l'évaluation environnementale qui est annulé. Pour autant, le contenu de ce décret, notamment pour ce qui concerne le régime des UTN, est validé et reste totalement opérationnel. Il n'y a donc pas lieu de le modifier.

Les conséquences de cette décision de justice sont les suivantes : elle implique qu'il faut compléter les textes en vigueur pour soumettre expressément les autorisations UTN résiduelles à évaluation environnementale. Toutes les instances concernées seront associées, bien sûr, à ce chantier réglementaire.

Cette décision implique par ailleurs, et par définition, qu'il faut soumettre les autorisations UTN à venir à évaluation environnementale – tant que les textes n'ont pas été modifiés, la jurisprudence du Conseil d'État s'applique directement.

Enfin, le Conseil d'État ayant retenu la méconnaissance du droit européen en la matière, l'annulation qu'il a prononcée est rétroactive, ce qui met en exergue l'illégalité des autorisations UTN résiduelles adoptées sans évaluation environnementale.

Cependant, l'exception d'illégalité résultant de l'absence d'évaluation environnementale de l'autorisation préfectorale portant création d'une UTN devenue définitive, quelle que soit sa nature juridique, ne devrait pas pouvoir être invoquée à l'occasion de la contestation d'une autorisation d'urbanisme, et l'exécution de la décision du Conseil d'État du 26 juin 2019 n'implique donc pas de rejeter d'office les demandes d'autorisation d'urbanisme si une autorisation préfectorale portant création d'une UTN devenue définitive est irrégulière pour ce motif.

Les conséquences de cette décision de justice, ainsi que les moyens de sécuriser les autorisations à venir, ont bien été explicitées, à l'attention tant des services locaux de l'État que des élus locaux ou des professionnels.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Cette question visait à alerter le Gouvernement sur la nécessité de simplifier le dispositif. À cette fin, des pistes ont été explorées par le groupe d'études Développement économique de la montagne, que je préside. Il pourrait être envisagé, par exemple, de supprimer les unités touristiques locales, dont la surface est comprise entre 500 et 12 000 mètres carrés, et de ne maintenir que les UTN structurantes, de plus de 12 000 mètres carrés, qui concernent donc de gros projets.

J'insiste sur le fait que la délivrance d'une autorisation UTN n'est que le préalable à la délivrance de toutes les autres autorisations, permis de construire, permis d'aménager, autorisations environnementales, etc., raison pour laquelle supprimer les UTN locales est tout à fait envisageable : toutes les autres autorisations à obtenir subsisteraient !

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