Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 24/07/2019

Question posée en séance publique le 23/07/2019

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Au mois de juillet 2017, vous assuriez, monsieur le Premier ministre, dans votre discours de politique générale, que le Gouvernement tiendrait la promesse du candidat Emmanuel Macron de créer 15 000 places supplémentaires de prison.

Mais ça, c'était avant !

Et c'est bien dommage, car cet engagement répondait à une priorité de sécurité publique et à une nécessité absolue, comme le rappelle régulièrement la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan.

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, présentée par Mme la garde des sceaux, ne prévoyait plus que 7 000 places supplémentaires. Or il semble aujourd'hui que ce chiffre ne sera pas atteint.

En effet, dans le rapport au Parlement sur l'orientation budgétaire, le Gouvernement vient d'annoncer la révision à la baisse des crédits du ministère de la justice, remettant ainsi en cause la trajectoire adoptée il y a cinq mois à peine et que le Sénat avait déjà jugée insuffisante. Par rapport aux engagements votés dans la loi de programmation, on peut craindre un différentiel de 200 millions d'euros.

Rapporteur de la mission « Justice », je suis particulièrement inquiet de cette baisse envisagée des crédits, qui ne peut qu'emporter des conséquences désastreuses sur une situation carcérale déjà fortement dégradée comme sur le fonctionnement général de nos juridictions.

Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pouvez-vous nous rassurer sur les moyens attribués au ministère de la justice afin, en particulier, de tenir au moins l'objectif des 7 000 places de prisons annoncées et de permettre à notre justice d'avoir des moyens dignes d'une démocratie du XXIe siècle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/07/2019

Réponse apportée en séance publique le 23/07/2019

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Antoine Lefèvre, je souhaite vous rassurer : l'engagement des 15 000 places de prison sera bien tenu.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Par qui ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous rappelle que, comme je m'en étais expliquée devant vous au moment du vote du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cet engagement sera tenu en deux temps.

Nous livrerons d'abord un certain nombre de places de prison d'ici à 2022, date à laquelle nous lancerons un programme qui prendra fin en 2027. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fouché. Rien n'a été fait depuis Jean-Pierre Raffarin !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais ici vous dire que ces quelques décalages – puisqu'il y en aura – sont le fruit, dans certains cas, d'un retard pris sur les travaux que nous avons envisagés.

Dans certaines situations, nous devons, en effet, dialoguer avec les habitants et les usagers. C'est tout à fait normal. C'est le cas par exemple, en ce qui concerne le projet de Baumettes 3, à Marseille.

Dans d'autres cas, monsieur le sénateur, vous le savez, il est parfois très difficile de trouver du foncier.

M. Michel Raison. Quand on veut…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Certains maires ne souhaitent pas voir s'implanter un établissement pénitentiaire sur leur commune, ceux-là mêmes – vous l'indiquiez vous-même – qui affichent, « une priorité de sécurité publique ».

J'ai entendu précisément une sénatrice voilà quelques instants évoquer une commune qui demande une priorisation de sécurité publique, mais qui, en même temps, ne souhaite voir aucun établissement pénitentiaire sur son territoire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. C'est scandaleux ! Boulay, en Moselle, est candidate !

M. Michel Raison. Lure est volontaire !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. N'y a-t-il pas là quelque contradiction ? Je me permets juste de poser la question. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je tiens à réaffirmer devant vous que nous livrerons en 2022 la plupart des établissements qui ont été promis et que nous poserons les premières pierres des établissements prévus pour 2027.

Au demeurant, monsieur le sénateur, je tiens à vous faire observer que le programme de construction de 13 200 places lancé en 2002 a été livré bien après 2007. Ce sont des difficultés auxquelles se heurtent tous les gouvernements.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je termine en indiquant que, au-delà des places construites, qui sont un élément de réponse important,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … nous devons également livrer des places adaptées…

M. le président. Il faut conclure avant 2027, s'il vous plaît !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … au parc pénitentiaire, et donc des places différenciées. C'est important pour répondre à nos préoccupations.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d'avoir répondu à la question que j'avais adressée au Premier ministre. Si je l'avais interpellé, c'était pour que celui-ci s'engage devant nous à vous donner les moyens d'agir au sein de votre ministère.

J'entends bien la distinction que vous faites à propos des 15 000 places. Quant à moi, je m'inquiète pour les 7 000, car le compte n'y sera pas.

Les magistrats, les agents pénitenciers, les prisons, les avocats avaient un point commun : tous étaient surchargés ! Ils en ont maintenant un second : tous craignent une nouvelle baisse de leurs moyens d'action.

Enfin, s'agissant des prisons, nous savons que les conditions actuelles de détention ne permettent ni leur bonne gestion, ni la réinsertion de nos détenus, ni une lutte efficace contre la radicalisation et contre les différentes formes de violences.

Avec mes collègues des commissions des finances et des lois, nous vous donnons rendez-vous à la prochaine discussion du budget de la mission « Justice », au cours de laquelle chacun devra prendre ses responsabilités.

À vous aussi, madame la garde des sceaux, je souhaite de très bonnes vacances ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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