Question de M. PRINCE Jean-Paul (Loir-et-Cher - UC) publiée le 11/07/2019

M. Jean-Paul Prince attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les risques liés à la destruction des barrages et moulins français.

Au nom du principe législatif de continuité écologique, le Gouvernement, par un projet de décret, souhaite réviser la nomenclature relative aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant une incidence sur l'eau ou le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Cette modification permettrait de détruire tout ouvrage après une simple procédure déclarative.

La suppression de barrages entraînerait des modifications importantes des niveaux d'eau. Or, de nombreuses habitations reposant sur pilotis s'effondreraient si le niveau de l'eau venait à changer. Il convient également de tenir compte du caractère patrimonial d'édifices qui ont parfois plusieurs siècles. En outre, à l'heure où notre pays fait face au défi de l'énergie propre, les barrages et les moulins peuvent être des fournisseurs d'énergie décarbonée.

En 2015, la ministre de l'écologie de l'époque en avait pris conscience, en particulier concernant le cas des moulins. Dans une lettre en date du 9 décembre 2015 adressée aux préfets, elle leur avait demandé de faire une application souple du principe de continuité écologique et de privilégier les solutions alternatives à la destruction.

Dans sa nouvelle rédaction, la nomenclature IOTA donne à l'administration de grands pouvoirs en soumettant à une simple déclaration tous les « travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à cet objectif, définis par un arrêté du ministre en charge de l'environnement ». S'il ne s'agit pas ici de nier la pertinence du principe de continuité écologique, on peut néanmoins s'alarmer d'une application irréfléchie qui risquerait de faire disparaitre des ouvrages qui sont depuis des siècles un élément familier de nos paysages, font partie de l'histoire environnementale des communes et représentent un attrait touristique remarquable.

Il souhaite savoir s'il compte garantir que le principe de continuité écologique soit appliqué en conciliation avec ces différents enjeux, et que toute destruction de barrage ou moulins soit précédée d'une évaluation approfondie et participative.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire


Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 13/02/2020

La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau. Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages sur les cours d'eau qui empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, qui ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d'eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur, d'assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort. Le comité national de l'eau (CNE) a travaillé pendant plusieurs mois en associant dans un groupe de travail l'ensemble des parties prenantes, dont les représentants des fédérations de moulins, à l'élaboration d'un « plan d'action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique » qui est sur le site du ministère, à l'adresse suivante : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/plan_action_pour_politique_apaisee_restauration_continuite_ecologique.pdf. Ce plan a été accompagné d'une instruction aux services longuement discutée dans le cadre du groupe de travail mentionné supra. Cette instruction a été signée le 30 avril 2019. Elle demande aux préfets de mettre en place une priorisation des ouvrages restant à aménager sur les cours d'eau classés en liste 2 au titre de l'article L.214-17 du code de l'environnement. Elle fixe les critères objectifs de cette priorisation, fondés sur les enjeux des milieux puis sur l'importance relative de l'impact des ouvrages. Elle donne également des pistes pour une meilleure coordination des services aux différentes étapes de réflexion de l'intervention à réaliser afin que soit mieux pris en compte l'ensemble des enjeux : restauration de la continuité écologique, développement des usages dont l'hydroélectricité, conservation du patrimoine. Cette note se trouve à l'adresse suivante http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2019/05/cir_44619.pdf. La direction de l'eau et la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la transition écologique et solidaire travaillent de concert avec la direction générale des patrimoines du ministère de la culture. L'objectif de ces directions n'est pas de détruire le patrimoine ni d'empêcher la production hydroélectrique mais de pondérer les enjeux à leur juste valeur et d'évaluer les bénéfices au regard des impacts. Quant à la nouvelle rubrique de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à déclaration ou autorisation au titre de la loi sur l'eau, celle-ci a pour but de faciliter la mise en œuvre de travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, cours d'eau ou zones humides, portés la plupart du temps par les groupements de collectivités territoriales, en ne les soumettant qu'à une procédure de déclaration. Un arrêté précise quels types de travaux peuvent être considérés comme entrant dans le périmètre de cette rubrique. La suppression ou l'arasement des seuils en fait naturellement partie. Toutefois, cette facilité au titre de la loi sur l'eau n'exonère pas d'une évaluation des incidences, exigée par la procédure de déclaration. En outre, elle n'exonère pas de l'application des autres lois et règlements applicables, notamment relatifs au respect de la propriété privée ou encore à la déclaration d'intérêt général des travaux. Un bilan de la mise en œuvre du plan d'action cité ci-dessus sera régulièrement établi devant le CNE et un bilan de l'application de la réforme de la nomenclature est également prévu au bout d'un an afin d'en prévoir les ajustements éventuels.

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