Question de M. DÉRIOT Gérard (Allier - Les Républicains-R) publiée le 11/07/2019

M. Gérard Dériot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la mise en application de l'article 44 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM ». Son article 44 ajoute au code rural qu'« il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ».
À ce jour, aucune mesure réglementaire d'application de cet article 44 n'a été prise. Pourtant, force est de constater que l'agriculture française et européenne est confrontée à une forte importation déloyale. En effet, d'après un rapport n° 528 (2018-2019) d'information du Sénat publié en mai 2019, depuis 2000, les importations ont presque doublé en France (+ 87 %). Or, le contrôle de conformité des produits importés se révèlent être largement parcellaire : entre 10 % et 25 % des produits importés en France ne respecteraient pas les normes minimales imposées aux producteurs français. En 2014, un rapport de la Cour des comptes pointait d'ailleurs déjà cette lacune.
Les sénateurs ont déploré que l'État dépense moins de 10 millions d'euros par an pour contrôler les denrées alimentaires importées. À défaut de contrôles physiques suffisants, ce sont donc probablement près d'1,7 milliard d'euros de denrées alimentaires non conformes qui, chaque année, entreraient sur le territoire français depuis des pays hors Union européenne (UE).
Par ailleurs, de nouveaux accords internationaux de libre échange risquant d'amplifier ce phénomène sont sur le point d'être ratifiés. En effet, l'accord entre l'UE et le Canada, dit CETA, mais aussi celui avec le marché commun du sud (Mercosur), se révèlent être sur plusieurs points incompatibles avec la législation française. Dans le cadre du CETA, ce serait 65 000 tonnes équivalent carcasse (tec) de viandes canadiennes qui pourraient être importés à droits nuls, alors que les modes de production sont manifestement en totale contradiction avec l'article 44 de la loi EGALIM. Le constat est identique s'agissant de l'accord avec le Mercosur où le quota d'importation serait porté à 99 000 tonnes supplémentaires.
La lutte contre ces importations prédatrices constitue un enjeu économique, de sécurité sanitaire et de santé publique majeur. En effet, chaque denrée destinée in fine à la consommation humaine ou animale en provenance d'un pays tiers se doit de correspondre strictement à nos standards européens de production.
Mettre en application l'article 44 de la présente loi est donc devenu un impératif pour l'agriculture française. Pour ce faire, il apparaît indispensable d'établir un inventaire précis de l'ensemble des produits, médicaments vétérinaires et méthodes de traçabilité autorisés dans les pays tiers et interdits en Europe.
Aussi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour que cette disposition entre enfin en vigueur dans le but de garantir la sécurité alimentaire et la sauvegarde de notre agriculture.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/08/2019

Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont mobilisés pour que puissent s'appliquer rapidement, dans un cadre réglementaire sécurisé, les dispositions prévues par la loi. Le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières déploie d'ores et déjà un plan de surveillance des produits d'origine animale importés sur le territoire français. La recherche de résidus de produits chimiques et de substances interdites est notamment ciblée dans le cadre de ce plan. Ce dispositif aux frontières sera renforcé en 2020, en augmentant le nombre d'échantillonnages des lots importés et en élargissant la liste des substances recherchées. De plus, des mesures de contrôle orientés ou renforcés peuvent être prises sur certains couples produits/origines, en fonction des alertes sanitaires en cours dans les pays tiers. Les produits d'origine végétale sont également concernés par des contrôles mis en œuvre par la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Le suivi de l'application de l'article 44 de la loi EGALIM doit s'inscrire dans une réflexion globale sur les conditions d'importation. L'opportunité de la création d'un comité de suivi réunissant la DGCCRF, la direction générale de l'alimentation, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et les organisations agricoles est en cours d'évaluation par le Gouvernement. Par ailleurs, les autorités françaises continuent de porter le projet de création d'un observatoire européen des risques sanitaires, afin que toutes les données des États membres soient rassemblées dans une même base permettant de déclencher des alertes et/ou d'orienter les contrôles au niveau de l'Union européenne sur les produits importés.  Enfin, dans le cadre des négociations en cours, le Gouvernement a appelé la Commission européenne à mettre rapidement en œuvre l'article 118 du règlement (UE) 2019/6 sur les médicaments vétérinaires. Cette disposition établit l'interdiction d'utilisation de certains antimicrobiens ou de certains usages (promoteurs de croissance) pour les produits animaux ou animaux exportés depuis les pays tiers. Son application permettra de concourir à la garantie de l'équité des conditions de concurrence entre les producteurs de l'Union européenne et ceux des pays tiers.

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