Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 25/07/2019

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le non-respect par General Electric (GE) des engagements pris en direction de l'État et des salariés lors de l'achat de la branche énergie d'Alstom. Un accord a été signé avec l'État le 4 novembre 2014. Il mentionnait d'une part la promesse d'embauche de 1 000 emplois « hautement qualifiés » et prévoyait la consolidation et le développement de la filière de turbine à gaz de l'ensemble du groupe GE à Belfort. Or ces engagements n'ont pas été tenus. Non seulement GE n'a pas créé les 1 000 emplois promis mais a procédé à des licenciements, de telle sorte que l'État a exigé une pénalité de 50 millions d'euros, ce qui, au passage n'a pas réglé le problème de la destruction de la filière industrielle.

D'autres engagements stratégiques de GE pris dans cet accord n'ont pas été respectés.

L'article 3.4 stipule que « les quartiers généraux européens actuels de GE pour les activités turbines à gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hz demeureront à Belfort »
L'article 3.5 précise que « les équipes de la direction mondiale des activités [turbines à gaz], de même que celles en charge de la direction opérationnelle des quartiers généraux seront situées en France » et en particulier « les fonctions corporate de chaque activité ; la stratégie de fabrication ; le marketing et le développement produits ; la supervision des activités commerciales, y compris les offres ; la stratégie en matière de chaîne approvisionnement (supply chain) ; ainsi que les activités R&D et recherche et développement appliquée spécifique à chaque activité ».

Ces obligations courent pendant dix ans comme l'impose l'article 3.6 donc jusqu'au 4 novembre 2024 : elles sont loin d'être respectées !

Or à Belfort, un plan de 792 licenciements a été annoncé ce qui remet en cause l'existence même de l'activité « turbines à gaz de 50Hz ». Selon l'intersyndicale c'est 80 % de l'ingénierie qui est concernée en contradiction avec l'article 3.5. Une autre partie de l'ingénierie et du management de la branche turbine a semble-t-il déjà déménagé en Suisse.

Les arguments prétextés par GE pour réduire la voilure de l'activité turbines à gaz à Belfort sont inexacts. Le marché des turbines à gaz est un marché cyclique, mais qui va encore pour longtemps se développer au regard de l'intérêt de la filière gaz en complément des énergies renouvelables , d'ailleurs il existe des commandes significatives. En réalité, il s'agit d'une délocalisation camouflée. L'État doit défendre l'intérêt des Français et faire respecter les engagements pris. Le recours à ces turbines est une composante très utile pour pallier les creux de production d'énergies renouvelables afin de stabiliser la production ; c'est donc une filière importante pour la transition énergétique.

De surcroît, ce cas risque de faire école si l'État n'adopte pas une réponse forte. En effet,aucune multinationale ne prendrait à l'avenir au sérieux des engagements avec l'État si celui-ci ne défend pas ses intérêts quand des clauses contractuelles ne sont pas respectées. De la réaction du Gouvernement dépendra sans doute la manière dont la parole de l'État sera considérée. Au-delà, cette situation remet en cause l'utilisation même de contrats avec des multinationales en cas de rachat d'entreprises françaises et plaide a contrario pour une intervention directe de l'État pour renforcer notre tissu industriel.

C'est pourquoi elle lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre pour garantir le respect des engagements de GE mais aussi quelles mesures il va prendre pour assurer le maintien de cette filière industrielle et des emplois à Belfort.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 27/02/2020

Le ministre confirme son engagement total pour garantir la pérennité du site industriel de Belfort, et notamment celle des activités relatives à la production de turbines à gaz. Depuis 2014, un suivi régulier des accords a été effectué. La réunion du comité de suivi du 5 février dernier a permis de constater que l'objectif de création de 1000 emplois n'avait pas été atteint par GE, qui a en conséquence accepté de verser 50 M€ pour doter un dispositif de soutien au développement économique du territoire. À l'issue du comité de suivi du 11 septembre le ministre a indiqué à la direction du groupe GE que le plan de restructuration envisagé entraînerait la rupture des engagements pris par GE s'il était mené à son terme sans modification. Le ministre a également demandé à GE de démontrer que les centres de décision en matière de conception, de production et de vente de turbines à gaz seraient maintenus à Belfort à l'issue des restructurations envisagées, conformément aux accords de 2014. A l'issue des négociations, grâce à la mobilisation de l'ensemble des acteurs, salariés, représentants syndicaux, direction de GE, élus locaux et services de l'Etat, un accord a été trouvé qui permet de préserver 307 emplois sur les 792 suppressions initialement envisagées. L'accord intervenu entre les parties le 21 octobre, comporte trois volets, relatifs à la sortie de crise, au calendrier et aux modalités de la procédure d'information-consultation du PSE, ainsi qu'au projet industriel et à l'organisation de la société. Le projet industriel détaillé présenté à la fin du premier semestre 2020. Il vise à affirmer les sites de Belfort et de Bourogne comme centre d'excellence 50 hertz. Il doit aussi permettre de réduire le nombre de suppressions de postes envisagés dans le PSE. Un comité de suivi paritaire sera mis en place au sein de GE Belfort. Il réunira sur un rythme mensuel des délégués syndicaux et la direction de GE. Ce comité de suivi s'assurera du suivi de l'exécution du plan, de sa cohérence avec l'évolution du marché des turbines à gaz, ainsi que de la bonne marche de l'entreprise. Il pourra décider des évolutions du plan si elles s'avéraient nécessaires. Il sera également en charge du suivi de l'avancement du projet industriel. Un point trimestriel sera fait en présence d'un représentant de l'État pour la première année d'application de l'accord, dans le cadre de la commission de suivi paritaire. Ces points trimestriels avec l'Etat ont pour objectif de s'assurer que les échanges avancent dans des conditions satisfaisantes et à garantir la cohérence avec le respect des accords de 2014. A l'avenir, le gaz continuera d'être une énergie importante et complémentaire des énergies renouvelables pour permettre la transition énergétique. Belfort doit donc pouvoir tirer parti de cette tendance de long terme, lorsque le marché retrouvera un plus grand dynamisme. D'ici-là, il est également primordial de diversifier l'activité du site, notamment dans le domaine aéronautique, qui permettra de positionner Belfort sur une activité en croissance rapide et obéissant à des cycles différents de ceux de l'énergie. GE a confirmé travailler activement à cette diversification Le ministre a également souhaité que soient examinées toutes les possibilités de diversification, notamment dans le domaine de l'Hydrogène ou du développement clef en main de centrales électriques, et de reclassement pour les salariés dont les postes seraient supprimés. Ces différentes pistes doivent permettre de garantir l'avenir industriel de Belfort.

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