Question de M. PATRIAT François (Côte-d'Or - LaREM) publiée le 10/10/2019

Question posée en séance publique le 09/10/2019

M. François Patriat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

« Sept minutes. Sept minutes ont suffi pour plonger la préfecture de police dans l'un des drames les plus douloureux de son histoire et la France dans l'incompréhension et la stupeur. » Les mots du Président de la République ont été forts. Ils ont été justes.

Au nom des sénateurs du groupe La République En Marche et de tous mes collègues, je souhaite me joindre à la solidarité unanimement exprimée à l'égard des familles, des victimes et de l'ensemble des forces de l'ordre.

Le 3 octobre dernier, la France a été frappée au cœur du symbole de l'ordre républicain. L'heure est à la peine et à la douleur. Nul doute que l'enquête judiciaire permettra de faire toute la lumière sur les circonstances de cet acte et sur les motivations de son auteur.

Mes chers collègues, nous devons faire bloc. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais saluer le travail des services de renseignement, qui, quotidiennement, déjouent nombre d'attentats, et ce aux quatre coins de l'hexagone – 59 attentats ont été déjoués depuis 2013.

Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé combien l'État entend lutter avec force et détermination contre les dysfonctionnements éventuels dans l'ensemble de nos institutions. Sachons traquer la radicalisation partout, au cœur des services de l'État, dans nos écoles, nos transports ou nos hôpitaux. Pour ce faire, nous devons trouver les moyens de lutter efficacement contre ce fléau.

Monsieur le Premier ministre, vous avez saisi l'inspection des services du renseignement d'une double mission : l'une centrée sur les faits qui se sont déroulés à la Préfecture de police de Paris et sur les éventuels signalements, l'autre sur l'ensemble des services de renseignement spécialement impliqués dans la lutte contre le terrorisme.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous évoquer les pistes sur lesquelles vous travaillez pour prévenir les dérives et les dysfonctionnements potentiels, dans ce domaine ô combien difficile ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Loïc Hervé applaudit également.)


Réponse du Premier ministre publiée le 10/10/2019

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patriat, « faire bloc », ce sont les mots utilisés hier, dans la cour de la préfecture de police de Paris, par le Président de la République, pour exprimer la réaction de la Nation face à cet attentat commis en plein cœur de l'un des symboles de l'ordre républicain en France.

Faire bloc, d'abord, avec ceux qui restent : les familles des quatre agents tués brutalement jeudi dernier – époux, conjoints, enfants, parents… –, leurs amis, leurs collègues et tous ceux qui ont assisté à l'attentat ou qui, n'ayant pas été présents, doivent continuer à vivre avec cette brutalité et cette absence.

Faire bloc, c'est aussi faire en sorte que, au-delà de l'État lui-même, la Nation dans son ensemble soit unanimement soudée par le désir de gagner ce long et difficile combat engagé par notre pays, notre société, notre État, notre République, contre l'islamisme radical,…

Mme Anne-Marie Bertrand. Il serait temps !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … contre ce terrorisme qui, au nom du dévoiement d'une religion, entend remettre en cause ce que nous sommes et ce à quoi nous aspirons.

C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué hier à l'Assemblée nationale – je le répète aujourd'hui devant le Sénat – que le Gouvernement ne se placerait jamais dans la position de dire que tel ou tel, à telle époque ou dans tel service, n'aurait pas été à la hauteur des enjeux.

Je veux le dire très simplement et très sincèrement : à partir de 2015, les gouvernements qui se sont succédé ont fait de leur mieux pour parer aux urgences les plus pressées et éviter dans la mesure du possible la commission de nouveaux attentats.

Même si on peut les critiquer politiquement, ce qui est bien légitime dans une démocratie, il faut affirmer clairement que, face à ces horreurs et à ces actes, ces gouvernements ont pris des décisions qui allaient toutes dans le bon sens – nous devons assumer cela et en être fiers collectivement. Je veux le dire très simplement, mais très sincèrement.

De la même façon, faire bloc ne signifie pas aller chercher telle ou telle responsabilité dans un bureau ou un autre.

Je ne veux pas procéder à l'enquête judiciaire – j'en suis incapable techniquement et juridiquement –, mais je sais que lorsque des signaux faibles, comme on dit, sont émis, c'est-à-dire des signaux qui ne se traduisent pas nécessairement par des signalements, il est difficile de les traiter. C'est vrai partout, que ce soit dans un service de renseignement, une collectivité territoriale, une administration ou une association.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez tous cette difficulté de traiter ces signaux faibles et de prendre une décision lorsqu'ils surviennent.

Je ne veux donc pas pointer du doigt la responsabilité de ceux qui, s'étant posé des questions, auraient le cas échéant omis de transmettre cette information.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons faire bloc avec les services de renseignement et les forces de l'ordre, qui remportent semaine après semaine des victoires face au terrorisme. Leurs victoires sont toujours discrètes, et parfois nous n'en parlons même pas, mais elles sont réelles, tandis que leurs échecs sont toujours spectaculaires et dramatiques.

Le Parlement a la responsabilité de poser des questions et le Gouvernement celle d'y répondre, mais nous pouvons collectivement être d'accord pour dire que faire bloc, c'est soutenir les forces de l'ordre et les services de renseignement, pas uniquement quand les choses se passent bien, mais aussi quand elles sont plus difficiles.

Faire bloc signifie également que nous devons prendre des mesures pour que, en cas de signaux faibles, une telle absence de signalement ne se reproduise pas.

C'est la raison pour laquelle j'ai saisi l'inspection des services de renseignement, pour déterminer exactement, parallèlement à l'enquête judiciaire, comment dans ce cas la chaîne « identification d'éventuels signaux faibles, signalements et actions » a pu être mise en œuvre au sein de la préfecture de police.

Parallèlement, j'ai demandé une revue générale des services de renseignement du premier cercle et d'une partie du deuxième, de façon que, en collaboration avec l'encadrement intermédiaire et au plus près de tous ceux qui travaillent dans ces services, nous soyons certains d'être en état d'identifier absolument tous les éventuels signaux faibles émis et qui ne se traduiraient pas par un signalement. Nous ne devons pas nous retrouver de nouveau dans la situation qui est peut-être à l'origine du drame que nous connaissons aujourd'hui.

Le Président de la République a eu hier, à la préfecture de police, des mots forts et justes. Il revient au Gouvernement et à l'ensemble de ceux qui contribuent à la sécurité de la Nation de les mettre en œuvre. C'est notre responsabilité ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC, RDSE et Les Indépendants. – MM. Édouard Courtial et Jean-François Husson applaudissent également.)

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