Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains) publiée le 10/10/2019

Question posée en séance publique le 09/10/2019

M. Olivier Paccaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, le 21 septembre dernier, dans le huis clos de son école vide, à Pantin, une directrice se donnait la mort. Elle s'appelait Christine Renon. Elle avait cinquante-huit ans.

Le même jour, à Nice, à son domicile, un professeur de biologie disait adieu à la vie. Il s'appelait Frédéric Boulé. Il avait, lui aussi, cinquante-huit ans.

Chaque semaine, la liste des fonctionnaires qui se suicident s'allonge : policiers, soignants, enseignants. Ils se suicident parce qu'ils sont à bout, épuisés ; parce qu'ils se sentent de moins en moins considérés ; parce qu'ils sont mal payés ; parce qu'ils sont parfois insultés, agressés ; parce qu'ils sont stigmatisés, enfin, alors qu'ils sont tout sauf des privilégiés, comme nos amis agriculteurs.

Si chaque suicide garde une part de mystère, Christine Renon n'est pas partie dans le silence : elle a laissé une lettre à ses collègues, un appel à ouvrir les yeux. Je n'en lirai qu'une phrase : « Je dois dire aussi que je n'ai pas confiance au soutien et à la protection que devrait nous apporter notre institution. » (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

Depuis des années, dans l'éducation nationale, les réformes se succèdent, s'accumulent. Pourtant, le malaise persiste et même empire. La confiance dont parlait Christine Renon et qui ornait le titre de votre loi, monsieur le ministre, est rompue.

Je sais votre attachement aux professeurs. Mais que répondez-vous à ces directeurs et enseignants en souffrance, qui se plaignent de ne pas être écoutés et de voir toutes ces réformes élaborées sans leur accord, tandis que l'école est le réceptacle de tous les maux de la société ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)


M. Ladislas Poniatowski. Excellent !


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 10/10/2019

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2019

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Paccaud, votre question est très importante. Vous faites référence à un événement dramatique, le suicide d'une directrice d'école. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce drame. Bien entendu, c'est la société tout entière qui doit être derrière son école dans de telles circonstances.

D'après les éléments dont je dispose, on ne constate pas d'augmentation du nombre de suicides dans l'éducation nationale. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Il ne faut donc pas, à mon sens, faire de généralités à partir des faits que vous avez évoqués. (Nouvelles protestations sur des travées des groupes CRCE et SOCR.)

De toute façon, un comité technique se réunira au ministère de l'éducation nationale, afin d'établir la réalité des chiffres sur cette question. Il faut donc à la fois soutenir les directeurs d'école et s'abstenir de généraliser comme vous l'avez fait dans votre question.

Je rappellerai que cette assemblée a voté à l'unanimité l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire. C'est une réforme importante de l'école primaire. On ne peut en aucun cas affirmer qu'une telle réforme fait peser une pression intolérable sur le système éducatif.

M. Bruno Retailleau. C'est une réforme pour rien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il est donc inutile, selon moi, d'amalgamer des problèmes sans rapport les uns avec les autres. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Pierre-Yves Collombat. Il ne répond pas !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Concernant la direction d'école, j'ai déjà eu l'occasion de déclarer que ce problème devait recevoir une solution. Nous en avons débattu dans cet hémicycle. Un rapport a été remis par vos collègues Max Brisson et Françoise Laborde ; il sera une référence importante pour l'avenir.

J'ai donc pu déclarer tant aux organisations syndicales qu'à la représentation nationale que nous allions travailler sur cette question au cours des prochaines semaines. J'espère pouvoir faire émerger un consensus sur ce sujet, qui n'a pas été consensuel par le passé, de manière à faire évoluer le statut et les fonctions des directeurs d'école, mais aussi l'aide à laquelle ils ont droit.

J'observe que, en plusieurs décennies d'existence, ce problème n'a pas reçu de solution. Nous allons, pour notre part, travailler à en apporter une. Nous devons le faire avec humilité et humanité, en conservant le sens de l'intérêt général, car toute la société française doit être derrière son école. C'est pourquoi nous devons faire montre de solidarité non seulement avec les proches de Christine Renon, mais aussi de manière plus générale, afin de répondre à ces problèmes. Nous le ferons ; le processus est déjà engagé ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Pierre-Yves Collombat. Du baratin !

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Ne nions pas la souffrance qui s'exprime dans le monde enseignant ! Ce que demandent directeurs et enseignants, monsieur le ministre, c'est d'être mieux protégés et soutenus lorsque leur autorité est contestée par certains parents et élèves. C'est aussi d'être mieux payés : moins de 2 000 euros par mois après cinq ans d'études supérieures et vingt ans de carrière, pour un professeur des écoles, telle est la réalité ! C'est aussi, tout simplement, de pouvoir transmettre leur savoir aux élèves au lieu de devoir transmettre des statistiques et des rapports à leur hiérarchie, qui les harcèle sans plus les comprendre ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

Ce mal-être de notre école n'est pas anecdotique. Si nos enseignants ne sont plus les hussards noirs conquérants du temps de Jules Ferry, ils demeurent les piliers de la République. Lorsqu'ils vacillent, c'est la France qui est en danger ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE.)

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