Question de M. LAFON Laurent (Val-de-Marne - UC) publiée le 17/10/2019

Question posée en séance publique le 16/10/2019

M. Laurent Lafon. Vendredi dernier, le Conseil constitutionnel a jugé que les droits d'inscription appliqués à l'université seraient contraires aux prescriptions du préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel « l'organisation de l'enseignement public gratuit à tous les degrés est un devoir de l'État ». Seuls des tarifs modiques seraient autorisés.

Le jugement répond à une question prioritaire de constitutionnalité sur la possibilité donnée aux universités d'augmenter significativement les droits d'inscription pour les étudiants étrangers, dans le cadre du plan Bienvenue en France, plan pour l'application duquel la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat avait demandé un moratoire. Cependant, la portée de cette décision dépasse la simple question des tarifs appliqués aux étudiants étrangers et s'applique aux droits d'inscription de l'ensemble des étudiants, français et étrangers, dans l'ensemble des établissements publics, universités ou écoles.

Ce jugement, que le Conseil constitutionnel qualifie lui-même d'inédit, crée des incertitudes juridiques, tant il est difficile à ce jour d'en mesurer toutes les conséquences. Il pose un certain nombre de questions qui pourraient avoir un impact sérieux sur le financement de nos établissements.

Le principe d'autonomie financière n'est-il pas atteint par cette décision, qui remet en cause la possibilité pour les établissements de fixer eux-mêmes leurs droits d'inscription ?

La gratuité est-elle réellement un moyen efficace pour garantir l'égal accès aux études supérieures ? Penser que, parce que c'est gratuit, c'est accessible à tous n'est-il pas un leurre ?

Est-il pertinent de financer entièrement par l'argent public, et donc par l'impôt, la formation des étudiants étrangers, qui repartent, pour un grand nombre d'entre eux, dans leurs pays d'origine, une fois leurs études terminées ?

Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous partager avec nous la lecture que fait le Gouvernement de ce jugement ? Quel en sera l'impact sur le financement des établissements de l'enseignement supérieur ? Quelles conséquences entraîne-t-il sur la hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers, décidée dans le cadre du plan Bienvenue en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 17/10/2019

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2019

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Laurent Lafon, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui est actuellement aux côtés du Président de la République au conseil des ministres franco-allemand.

Vous l'avez rappelé, une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée auprès du Conseil constitutionnel à la suite de l'examen d'une requête par le Conseil d'État.

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le vendredi 11 octobre, selon laquelle le principe de gratuité de l'enseignement supérieur s'applique. Pour autant, des droits d'inscription différenciés peuvent intervenir, dans la mesure où ils restent « modiques ».

Le Conseil a également rappelé que le financement de l'enseignement supérieur devait principalement – mais pas exclusivement – être assuré par l'impôt et qu'il convenait de prendre en compte la situation financière de chaque étudiant.

Le ministère a pris acte de cette décision. Désormais, il reviendra au Conseil d'État de statuer ultérieurement sur le fond de ce litige.

Vous le savez, le plan Bienvenue en France et, de façon plus générale, les enjeux de financement de l'enseignement supérieur font l'objet d'une réflexion collective, dont vous avez rappelé certains tenants et aboutissants.

Pour ce qui concerne le plan Bienvenue en France, la commission de la culture a étudié le sujet en détail voilà quelques mois. Il s'agit de nous donner les moyens d'accueillir mieux un plus grand nombre d'étudiants internationaux. Nous devons améliorer leurs conditions d'accueil, de logement, de suivi de cours de français. Il convient de construire une politique ambitieuse, grâce aux exonérations et aux bourses, parce qu'il s'agit d'un enjeu de rayonnement de la France.

Ce plan conjugue ainsi des droits différenciés, qui sont, il faut le souligner, plafonnés au tiers du coût réel d'une formation, et le triplement des bourses, sans compter les exonérations qui peuvent être décidées directement par les universités – elles ont d'ailleurs été nombreuses à le faire cette année –, dans le cadre du principe d'autonomie que vous avez rappelé.

Chacun pourra le constater, les deux critères dégagés par le Conseil constitutionnel, à savoir la prise en compte des situations individuelles et le financement à titre principal par l'impôt, sont respectés, ce qui peut nous rendre optimistes pour la suite.

Je le rappelle, 324 000 étudiants étrangers poursuivent actuellement leur cursus en France. Notre objectif, c'est de porter ce nombre, en 2027, à 500 000. Les universités du monde se mobilisent, nous devons en faire tout autant, c'est un enjeu essentiel pour la France. Il s'agit d'atteindre le chiffre de 2 % d'étudiants internationaux.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Conseil d'État tranchera dans les prochains mois. Sa décision répondra définitivement aux interrogations qui demeurent à ce stade. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

 

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