Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 24/10/2019

Mme Nicole Bonnefoy interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur le projet de taxation du kérosène au niveau européen qu'il a proposé à l'occasion de son discours du 14 octobre 2019 sur « le pacte productif ».
Si elle devait voir le jour, cette taxation s'ajouterait à la hausse de la taxe de solidarité prévue par le projet de loi n° 2272 (Assemblée nationale, XVe législature) de finances pour 2020, qui représenterait une charge supplémentaire de 230 millions d'euros pour le secteur aérien, dont 60 millions pour Air France. Cette majoration, un temps présentée comme une éco-contribution sur les billets d'avion, constituerait en réalité un prélèvement d'ajustement budgétaire, visant à assurer le financement des infrastructures ferroviaires par le biais de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Elle annulerait totalement l'allégement de fiscalité de près de 120 millions d'euros, mis en œuvre en 2019 à la suite des assises du transport aérien qui avaient abouti à un constat unanimement partagé d'un déficit de compétitivité du secteur aérien français.
Plusieurs mois après les assises du transport aérien, le constat reste le même : le pavillon français continue de souffrir d'un manque de compétitivité, que les faillites d'Aigle Azur et de XL Airways ont à nouveau souligné. Aussi, si les résultats d'Air France se redressent progressivement, la compagnie française demeure fragile et enregistre toujours des performances bien inférieures à celles de ses grands concurrents, British Airways ou Lufthansa.
S'il est vrai que l'instauration d'une contribution sur le kérosène au niveau européen éloignerait les risques de distorsions de concurrence qui découleraient inévitablement d'une taxation exclusivement nationale, elle pourrait également déstabiliser plus encore le pavillon français aujourd'hui très fragile.
Dans ce contexte, une triple clarification s'impose. Elle lui demande tout d'abord de préciser si la majoration de la taxe de solidarité prévue par le PLF pour 2020 serait maintenue en cas d'instauration d'une taxation européenne du kérosène. Elle l'interroge par ailleurs sur l'affectation envisagée de ce prélèvement. Elle rappelle à cet égard qu'une fiscalité environnementale cohérente devrait accompagner la transition énergétique du secteur, en finançant par exemple la recherche et développement. Enfin, elle lui demande de clarifier le niveau de taxation que le Gouvernement souhaiterait voir appliquer et notamment connaître sa position quant aux conclusions d'une étude commandée en mai 2019 par la Commission européenne qui préconisait un prélèvement de 33 centimes d'euros par litre de kérosène.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports


Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports publiée le 03/09/2020

Le Gouvernement a travaillé à modifier la taxe de solidarité sur les billets d'avion sur les modalités d'applications de la majoration de la taxe de solidarité actuelle pour en faire une mesure efficace et juste, visant à préserver la compétitivité des acteurs français du secteur. En effet, la majoration des tarifs s'appliquera sur les vols au départ de la France et toutes les compagnies seront concernées, quelle que soit leur nationalité. Par ailleurs, les passagers en correspondance resteront exemptés de la taxe de solidarité et de sa majoration. Il s'agit d'un choix stratégique pour préserver la compétitivité du hub mondial de Paris-CDG et des autres aéroports du territoire français. La majoration de la taxe de solidarité, dont les recettes serviront à financer l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), a vocation à être maintenue en cas d'une instauration d'une taxation du kérosène au niveau européen. Le principe d'une taxation du kérosène au niveau européen devra être inscrit à l'agenda de travail de la Commission européenne et les discussions, pour aboutir, devront recueillir l'unanimité des États membres. Il est donc prématuré, à ce stade, de tirer les conclusions de telles discussions et de s'avancer sur un niveau de prélèvement tarifaire par litre de kérosène. Bien qu'il soit aussi prématuré de présenter des arbitrages quant à l'affectation des éventuelles recettes issues de la taxation du kérosène, il convient de souligner que l'affectation de recettes au budget général n'est pas un frein au financement de la transition écologique. Le Gouvernement finance la recherche et développement du secteur aérien notamment à travers le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) qui accompagne la transition écologique du secteur, notamment en soutenant des projets amenant à la réduction de consommation de carburant des aéronefs et la réduction du bruit de ces mêmes aéronefs. Par ailleurs, afin d'accompagner la transition durable du secteur, le gouvernement soutient le déploiement des biocarburants durables pour l'aviation. Un objectif de substitution de 2 % du kérosène fossile par des biocarburants aéronautiques durables en 2025 a été annoncé lors de la clôture des Assises du transport aérien. La feuille de route qui précise l'ambition de la France en la matière a été annoncée le 27 janvier 2020, et un appel à manifestation d'intérêt a été lancé pour identifier les capacités de production de tels produits en France. Le développement de notre industrie du transport aérien est lié à l'amélioration de sa compétitivité, d'une part, et à la mise en place de dispositifs garantissant des conditions d'une concurrence loyale avec les opérateurs de pays tiers, d'autre part. Le poids des charges, qu'il s'agisse de taxes ou de redevances, pèse sur la compétitivité du secteur du transport aérien français. Pour diminuer ce poids, la taxe de l'aviation civile pour les passagers en correspondance a été supprimée totalement depuis le 1er janvier 2016, faisant suite aux préconisations formulées dans un rapport du député M. Bruno Le Roux, de novembre 2014. Toujours depuis le 1er janvier 2016, la totalité du produit de la taxe de l'aviation civile est affectée au budget annexe contrôle et exploitation aériens, permettant ainsi d'alléger d'autres charges des compagnies aériennes. Le Gouvernement français est également vigilant quant aux évolutions de la taxe d'aéroport, qui finance les dépenses de sûreté et de sécurité sur les aéroports, et à celle des diverses redevances aéroportuaires, notamment au travers des contrats de régulation économique. Ces actions de l'État français sont complémentaires des efforts que les transporteurs aériens français réalisent pour accroitre leur compétitivité. En vue de répondre aux inquiétudes soulevées par la concurrence des compagnies aériennes des pays du Golfe, le Gouvernement a pris l'initiative, avec le soutien de l'Allemagne, en mars 2015, de proposer à la Commission européenne une stratégie conditionnant l'extension des droits de trafic à ces pays, à la définition et à la mise en œuvre des conditions d'une concurrence loyale entre transporteurs aériens. Cette proposition a été reprise par la Commission européenne dans sa communication de décembre 2015 sur une stratégie de l'aviation pour l'Europe, et, sur sa recommandation, le Conseil transports de l'Union européenne de juin 2016 a autorisé la Commission à ouvrir des négociations en vue d'un accord européen de transport aérien avec l'État du Qatar et avec les Émirats arabes unis. L'objectif de ces négociations est d'établir un cadre juridique unique pour les services de transport aérien entre l'Union européenne et chacun de ces Etats, qui devra garantir les conditions d'une concurrence loyale entre transporteurs, notamment sur la question des subventions publiques, et organiser l'ouverture des marchés. Si deux sessions de négociations se sont d'ores et déjà déroulées avec le Qatar et une troisième séance est prévue en octobre, les Émirats arabes unis n'ont pas encore donné suite aux sollicitations de la Commission européenne pour débuter les discussions. Les Gouvernements français et allemand ont également apporté un soutien appuyé à la Commission européenne pour lancer le processus de révision du règlement n° 868/2004, concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales, qui s'est avéré inadapté au secteur du transport aérien. Alors que cette révision ne fait pas l'unanimité parmi les États membres, l'appui de la France et de l'Allemagne a permis à la Commission européenne de présenter, lors du Conseil des ministres des transports de juin 2017, une proposition de nouveau règlement « visant à préserver la concurrence dans le domaine du transport aérien ». Le Gouvernement français attache une importance toute particulière à ce nouveau texte. Engagé aujourd'hui dans une démarche stratégique en matière de transport, symbolisée notamment par son implication dans l'organisation des Assises de la mobilité en 2017 et des Assises du transport aérien, clôturées en mars 2019, et le vote d'une loi d'orientation sur les mobilités, le Gouvernement se préoccupe également de l'avenir du transport aérien. Le ministre auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, délégué aux Transports, l'a réaffirmé en novembre dernier lors du deuxième congrès annuel de l'Union des aéroports français (UAF) : le transport aérien a toute sa place pour l'avenir. La compétitivité et la transition vers une aviation durable sont les deux enjeux principaux que le secteur doit relever pour y parvenir.

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