Question de M. SAURY Hugues (Loiret - Les Républicains-A) publiée le 31/10/2019

M. Hugues Saury attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la possibilité ou non d'instituer des servitudes conventionnelles, telles qu'autorisées en droit civil, pour l'implantation d'ouvrages de réseaux sous les chemins ruraux.

Aujourd'hui, le passage de canalisations sous les chemins ruraux doit faire l'objet d'une procédure particulière prévue à l'article D. 161-15 du code rural et de la pêche maritime. Il précise que : « nul ne peut, sans autorisation délivrée par le maire, faire aucun ouvrage sur les chemins ruraux et notamment (…) y installer des canalisations (…) ». L'article L. 161-1 du même code disposant que les chemins ruraux appartenant aux communes « font partie du domaine privé de la commune ».

Toutefois et en vertu des dispositions du code civil, on pourrait imaginer qu'ils puissent être grevés de servitudes. D'ailleurs, l'article L. 2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) précise que : « des servitudes établies par conventions passées entre les propriétaires, conformément à l'article 639 du code civil, peuvent grever des biens des personnes publiques (…), qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible avec l'affectation de ceux de ces biens sur lesquels les servitudes s'exercent ». Ce qui serait applicable au domaine public pourrait être transposable au domaine privé.

À ce titre, cette interprétation juridique pourrait s'avérer problématique pour les maires. Cela aurait pour conséquence de fragiliser leur compétence en matière de conservation des chemins. Il est pourtant souhaitable qu'ils puissent garder la main sur ce domaine.

Il souhaite donc savoir quelle est l'interprétation juridique du ministère de l'intérieur sur ce point de droit relatif à la possibilité ou non d'instituer des servitudes conventionnelles, pour permettre l'implantation d'ouvrages de réseau sous les chemins.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/03/2020

L'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) définit les chemins ruraux comme étant des chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public et qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. L'article D. 161-15 du CRPM dispose que « nul ne peut, sans autorisation délivrée par le maire, faire aucun ouvrage sur les chemins ruraux et notamment ouvrir sur le sol de ces chemins ou de leurs dépendances, aucune fouille ou tranchée ou enlever de l'herbe, de la terre, du gravier, du sable ou autres matériaux, y installer des canalisations, y faire aucun dépôt, de quelque nature que ce soit, y étendre aucune espèce de produits ou matières ». Le maire peut donc autoriser aux riverains le passage de réseaux desservant les propriétés riveraines sous l'assiette du chemin rural, conformément à l'article L. 161-15 du CRPM. Les riverains des chemins ruraux peuvent aussi connaître, outre la servitude de vue et la servitude pour les plantations (articles D. 161-22 à L. 161-24 du CRPM), la servitude d'écoulement des eaux (droit d'égout ou aisance de voirie, articles L. 152-20 et D. 161-20 du CRPM). Sans nécessairement se référer au code général de la propriété des personnes publiques, il peut être possible de se référer aux articles L. 152-1 et L. 152-3 du CRPM qui prévoient que les collectivités publiques disposent, lorsqu'elles entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, ainsi que pour les besoins de l'irrigation, d'une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. Or, le chemin rural fait partie du domaine privé de la commune. L'article L. 161-5 du CRPM ajoute que l'autorité municipale « est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux », sans avoir cependant la charge d'une obligation d'entretien (Conseil d'État, 26 septembre 2012). L'entretien est effectivement facultatif puisque les dépenses y afférant ne sont pas incluses dans la liste des dépenses obligatoires de la commune. Il en découle l'impossibilité d'engager la responsabilité de la commune lorsque des dommages sont provoqués par le défaut d'entretien de ces chemins. Cependant, ce caractère facultatif est limité par la jurisprudence, notamment lorsque la commune a créé un précédent en effectuant des travaux destinés à assurer ou à améliorer la viabilité du chemin et à accepter, de ce même fait, d'en assurer l'entretien (Conseil d'État, 25 octobre 1985, Wilhem). L'effet est le même si, après avoir incorporé le chemin dans la voirie rurale, elle a exécuté des travaux, acceptant ainsi d'en assurer l'entretien (Conseil d'État, 24 mars 2014, n° 359554). Il semble résulter de la lecture combinée des dispositions des articles L. 161-1, L. 152-1 et L. 152-3 du CRPM que la commune soit en mesure d'utiliser des chemins ruraux, partie intégrante de son patrimoine privé pour faire établir des réseaux d'infrastructure. Cependant, il résulte également de la combinaison du CPRM (article L. 161-5) et de la jurisprudence administrative que cela imposera à l'administration une obligation d'entretien régulier.

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