Question de Mme de LA PROVÔTÉ Sonia (Calvados - UC) publiée le 21/11/2019

Mme Sonia de la Provôté appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la surpopulation carcérale à la maison d'arrêt de Caen.

Les avocats du barreau de Caen ont alerté depuis juillet 2019 sur la situation critique de l'établissement pénitentiaire de Caen.

Au 1er juillet 2019, le ministère de la justice comptabilisait 464 détenus pour 222 places, soit un taux de 172,5 %. Depuis, ce taux a encore augmenté jusqu'à atteindre près de 200 %. Selon l'observatoire international des prisons, la surpopulation carcérale à Caen est chronique puisque le quartier des hommes présente quasi en permanence un taux de 190 %.

Les conditions de détention sont indignes. Datant de 1904, la maison d'arrêt est devenue vétuste et le quartier masculin de l'établissement a augmenté à tel point que des matelas ont dû être disposés au sol pour permettre aux détenus de dormir.

Dans ce contexte tendu, moins de 10 % du public hébergé bénéficie d'un encellulement individuel et 30 % des détenus sont parfois cinq dans la même cellule d'environ 9 mètres carrés.

Cette situation de promiscuité augmente les tensions, elle est source de violences. Cela a des conséquences également sur le travail des conseillers en insertion et l'accès aux soins. De nombreux incidents en découlent impliquant des sanctions disciplinaires et donc des difficultés pour obtenir un aménagement de peine. Cette situation favorise la récidive et non la réinsertion.

En 2022, une nouvelle maison d'arrêt verra le jour à Caen, avec 550 places. Elle doit apporter une solution. Mais il n'est pas possible d'attendre dans ces conditions trois années de plus.

Aussi, elle lui demande de proposer des solutions rapides pour éviter de faire perdurer une situation aussi tendue et des conditions de détention indignes dans la maison d'arrêt de Caen et ce, avant 2022.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

Mme Sonia de la Provôté. Ma question sera très proche de celle de mon collègue Didier Mandelli. Je souhaite en effet vous alerter, monsieur le secrétaire d'État, sur la surpopulation carcérale à la maison d'arrêt de Caen.

Depuis cet été, les avocats du barreau de Caen et le directeur de la maison d'arrêt insistent sur la situation critique de l'établissement pénitentiaire. La semaine dernière, on comptabilisait 384 détenus hommes pour 222 places, réparties en 205 cellules, soit un taux d'occupation de 173 %. Selon l'Observatoire international des prisons, la surpopulation carcérale à Caen est chronique depuis les années 1990, et le quartier des hommes présente, quasiment en permanence depuis dix ans, un taux d'occupation avoisinant 190 %.

On peut le dire, les conditions de détention sont très difficiles. La prison actuelle date de 1904 ; certes, elle a évolué, mais – c'est une évidence – elle est d'un autre temps. Dans ce contexte tendu, une part très minoritaire du public hébergé bénéficie d'un encellulement individuel. Les détenus sont souvent trois, parfois quatre, nous dit-on, dans des cellules de 9 mètres carrés. Cette promiscuité augmente les tensions ; elle est source de violences. Cela a également des conséquences négatives sur le travail des conseillers en insertion et sur l'accès aux soins.

On compte un peu plus de 80 surveillants pénitentiaires au quotidien, pour s'occuper des détenus de la maison d'arrêt, ce qui serait suffisant si le taux d'occupation était respecté ; mais ce n'est pas le cas. Difficile de protéger et de se protéger dans ces conditions. C'est un travail ardu qui demande une plus grande vigilance encore que dans des conditions dites « normales ».

Les incidents sont nombreux, ils impliquent des sanctions disciplinaires et donc nuisent à l'obtention d'un aménagement de peine. Tout cela favorise la récidive, non la réinsertion.

En 2022, une nouvelle maison d'arrêt verra le jour à Caen ; cela doit apporter une solution, mais, dans ces conditions, attendre trois années de plus est impossible. D'ici là, il faut agir.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles solutions proposez-vous, en attendant 2022, pour que cette situation ne perdure pas et que soient traitées la question de ces détenus, qui vivent une situation inacceptable, et celle du personnel pénitentiaire, qui ne peut assumer cette situation ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, au 2 décembre 2019, la densité carcérale de la maison d'arrêt de Caen s'élève à 152 %, pour une capacité totale de 269 places. Toutefois, l'établissement ne compte aucun matelas au sol ; des lits superposés ont été installés lorsque la superficie des cellules le permettait.

Par ailleurs, même si l'on ne peut s'en satisfaire, seulement 2 % de la population pénale de l'établissement est hébergée dans des cellules de cinq places. Si les conditions de détention demeurent difficiles au sein de cette maison d'arrêt, il est à noter que 80 % des détenus sont affectés dans une cellule double ou individuelle.

Le taux d'encellulement individuel de l'établissement est, au 2 décembre 2019, de 12,8 %. Bien qu'insuffisant, ce taux est en augmentation par rapport à celui du 1er octobre 2017, date à laquelle il s'élevait à 10,5 %.

Afin de réguler le taux d'occupation de la maison d'arrêt, des détenus condamnés à de courtes peines ou dont le reliquat de peine est inférieur à deux ans ont été transférés, sur leur demande, vers des centres de détention. Ce suivi quotidien des effectifs et cette politique de transfèrement, lorsqu'elle est possible, seront maintenus.

Si la maison d'arrêt de Caen connaît un taux de surpopulation à l'image d'autres maisons d'arrêt métropolitaines et ultramarines, des travaux y sont toutefois régulièrement réalisés afin d'améliorer les conditions de détention ; ainsi, en 2016, les menuiseries extérieures et les sanitaires des promenades ont été rénovés ; en 2018, la chaudière du quartier des hommes a été remplacée et des travaux d'étanchéité de la toiture ont été réalisés ; en 2019, les cellules du quartier disciplinaire ont été remises à neuf, achevant ainsi le plan de rénovation de l'ensemble des cellules de l'établissement, commencé en 2015.

Par ailleurs, je vous le confirme, la construction du nouveau centre pénitentiaire de Caen, d'une capacité de 551 places et d'un coût de 115 millions d'euros, commencera au troisième semestre 2020, pour s'achever en fin d'année 2022. Enfin, une structure d'accompagnement à la sortie, d'une capacité de 90 places, verra également le jour à Caen. Les travaux commenceront au cours de l'année 2020, pour une livraison au deuxième trimestre 2022.

Ces nouvelles structures permettront de réguler le taux de surpopulation carcérale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de la Provôté. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, et de la confirmation que vous me faites du calendrier de livraison de la nouvelle prison. Vous l'aurez bien compris, c'est très important et cela répond à une urgence.

Les chiffres que j'ai cités sont ceux de la semaine dernière ; j'ai bien évidemment pris la peine de prendre attache avec les personnes concernées pour disposer de chiffres datant non du mois de septembre, mais de la semaine dernière. Effectivement, il peut y avoir, par moments, des pics de suroccupation, qui posent de réels problèmes et, même si des mesures sont mises en place, ces pics sont ingérables au quotidien.

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