Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 21/11/2019

Mme Laurence Cohen attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur l'état dramatique des personnes en situation de mal logement ou vivant à la rue.

Le président de la République s'était engagé en juillet 2017 à ce que plus personne ne dorme dehors. Deux ans plus tard, les chiffres sont encore plus alarmants que les années précédentes. Près de 240 000 personnes vivent à la rue, privées de logement, comme le souligne le vingt-quatrième rapport de la fondation abbé Pierre.

La question du logement et de l'hébergement d'urgence revêt une acuité particulière avec la progression alarmante des violences conjugales.

Les associations féministes dénoncent le fait qu'elles n'ont toujours aucune précision concernant le financement des 1 000 places d'hébergement d'urgence promises par le Gouvernement pour mettre à l'abri les femmes victimes de violences.

La fondation abbé Pierre a également pointé le triste record des expulsions locatives. Pour mémoire, celles-ci s'élevaient au nombre de 36 000 en 2018 et plus de 600 personnes meurent chaque année dans nos rues.
L'État doit jouer son rôle et protéger nos concitoyennes et concitoyens en octroyant des moyens supplémentaires pour la création de nouvelles places d'hébergement.

Elle s'interroge sur la volonté du Gouvernement à vouloir régler ce problème. Pour rappel, un plan d'économies de 57 millions d'euros a été réalisé, sur l'hébergement d'urgence, en quatre ans dont 20 millions d'euros en 2018.

Cette décision conduit déjà à l'engorgement des principales structures d'accueil et a des conséquences dramatiques. De plus, faute de moyens, les associations et les différentes structures d'hébergement ne peuvent proposer de nouveaux postes d'intervenants sociaux, qui travaillent quotidiennement auprès des plus fragilisés.

Comme le souhaitent vivement les associations, elle lui demande s'il a réellement la volonté de mettre en place un véritable plan d'urgence sur la question de l'hébergement.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, j'attire votre attention sur la situation dramatique des personnes en situation de mal-logement ou vivant à la rue.

Le Président de la République s'était engagé, en juillet 2017, à ce que plus personne ne dorme dehors. Deux ans plus tard, les chiffres sont encore plus alarmants que les années précédentes. Près de 240 000 personnes vivent à la rue, privées de logement, comme le montre le vingt-quatrième rapport de la Fondation Abbé Pierre.

La question du logement et de l'hébergement d'urgence revêt une acuité particulière avec la progression alarmante des violences conjugales ainsi que du nombre de personnes en proie à une précarité extrême. Les associations féministes ont dénoncé le fait qu'elles n'avaient toujours aucune précision concernant le financement des 1 000 places d'hébergement d'urgence promises par le Gouvernement pour mettre à l'abri les femmes victimes de violences.

L'État doit jouer son rôle et protéger nos concitoyennes et nos concitoyens en consacrant des moyens supplémentaires à la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence et de logements temporaires, afin que chacune et chacun bénéficie d'un véritable accompagnement pour sortir de la rue.

Madame la ministre, avez-vous réellement la volonté de mettre en œuvre, comme les associations le revendiquent, un véritable plan d'urgence en matière d'hébergement et de logement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Cohen, l'hébergement des plus fragiles est bien sûr un enjeu primordial de cohésion nationale. Le Gouvernement – vous le savez – en a fait une priorité.

Depuis mai 2017, le Gouvernement a créé 14 000 places supplémentaires ; le parc d'hébergement d'urgence généraliste compte plus de 146 000 places journalières financées par l'État. Jamais aucun gouvernement n'a fait autant en la matière ! Dans votre région, l'Île-de-France, hors période hivernale, 120 000 places sont financées par l'État, soit une place pour environ 102 habitants. En période hivernale, plus de 6 400 places supplémentaires sont ouvertes, dont 2 300 en Île-de-France.

Malheureusement, il reste encore, en effet, des dizaines de milliers de personnes à la rue – je ne suis pas d'accord avec vos chiffres ; je n'ai d'ailleurs, quant à moi, pas lu celui de 240 000 dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre. Il y a bien, néanmoins, encore trop de personnes à la rue.

Le Gouvernement va poursuivre ses efforts en augmentant le budget de plus de 100 millions d'euros, pour le porter à 2 milliards d'euros, dans le projet de loi de finances pour 2020. Les crédits sont donc en constante augmentation. Mais la réponse ne peut pas être uniquement budgétaire. Par conséquent, les maraudes sont également renforcées, de même que les effectifs du 115. Récemment signée, la charte pour la coordination entre les plateformes 115 et 3919 permettra d'améliorer la prise en charge des femmes victimes de violences, comme vous y appelez, madame la sénatrice.

En hausse continue, le total des places exclusivement consacrées aux femmes victimes de violences s'élève aujourd'hui à 5 436 ; ces places seront au nombre de 5 715 au 31 décembre 2019. Parmi les annonces du Gouvernement lors du Grenelle des violences conjugales figure en outre – vous l'avez dit – la création de 1 000 places d'hébergement et de logement temporaires supplémentaires. Le cahier des charges fixant l'ensemble des modalités de cette création – je pense notamment aux modalités de financement et d'identification de nouvelles places – vient d'être transmis aux services déconcentrés, l'objectif étant que l'intégralité des places soient créées avant la fin du premier semestre de l'année 2020. Pour les financer, 5 millions d'euros seront mobilisés, via notamment l'allocation de logement temporaire.

Le Gouvernement agit aussi en amont, par son plan de prévention des expulsions, afin d'éviter que de nouvelles personnes ne tombent à la rue.

Je mentionnerai également le plan Logement d'abord : l'hébergement temporaire n'est pas une solution ; il faut sortir définitivement les gens de la rue. Le déploiement du plan Logement d'abord a d'ores et déjà permis à 70 000 personnes de trouver un logement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Heureusement qu'il s'agit d'une priorité pour votre gouvernement, madame la ministre ! Pour rappel, un plan d'économies de 57 millions d'euros a été réalisé en quatre ans, dont 20 millions d'euros en 2018.

Dans le cadre du PLF pour 2020, une économie de 1,2 milliard d'euros est réalisée sur les aides personnalisées au logement,…

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C'est un autre sujet !

Mme Laurence Cohen. … alors que deux allocataires sur cinq vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Madame la ministre, comment ne pas être indigné quand 700 enfants dorment dehors chaque nuit et quand 20 000 enfants sont logés dans des conditions très précaires voire indignes, dans des hôtels d'Île-de-France ?

Comment ne pas être indigné alors qu'une dizaine de jeunes mères sans abri ont été refoulées de l'hôpital Trousseau, où elles étaient venues chercher refuge avec leurs enfants, mercredi 27 novembre dernier ? De plus en plus de bébés naissent dans les rues : depuis le début de l'année, on en compte 146, contre 49 en 2017. La France est pourtant signataire de la convention internationale des droits de l'enfant, dont on vient de célébrer les trente ans.

Comment le Gouvernement peut-il prétendre aider les personnes à la rue sans lutter contre les expulsions locatives – on en a dénombré 36 000 en 2018 ?

Vos engagements, madame la ministre, sont bien peu de chose face à cette véritable crise humanitaire. Je vous invite à mieux lire le rapport de la Fondation Abbé Pierre et à débloquer des moyens pour toutes les associations qui accompagnent les plus fragilisés et les femmes victimes de violences.

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