Question de Mme PUISSAT Frédérique (Isère - Les Républicains) publiée le 21/11/2019

Mme Frédérique Puissat attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la mise en péril du budget de la commune de La Mure en Isère, dans le cadre de l'exécution du bail de sous-location pour la gendarmerie que la commune a fait construire sur son territoire. Ces difficultés tiennent au fait que le montant des loyers financiers versés par la commune n'est pas intégralement couvert, loin s'en faut, par les loyers que l'État lui verse pour l'occupation de la gendarmerie. La différence s'élève aujourd'hui à 150 000 euros par an, ce qui représente une somme considérable pour le budget de la commune. Or, au renouvellement du bail, le nouveau loyer est alors estimé par le service des domaines en fonction de la valeur locative réelle des locaux, sans toutefois pouvoir excéder celui qui résulterait de l'actualisation du loyer initial en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction (ICC), cette disposition étant plus dommageable à la commune. Par ailleurs, la commune a confié la construction de cette gendarmerie à la société Auxifip par le biais d'un bail emphytéotique. Le plan de financement d'Auxifip reposait sur un emprunt avec un taux de 4,75 %. Ce taux semblait à l'époque au cours du marché, il se trouve aujourd'hui plus proche de l'usure que de la réalité. À chaque demande de renégociation de ce taux par la commune, Auxifip par le biais de la filiale Crédit agricole Corporate & Investment Bank (CA CIB) n'a pas donné une suite favorable sauf par l'application de pénalités inacceptables. Aussi, elle lui demande si d'autres communes se trouvent dans la même situation que la commune de La Mure. Il semblerait en effet qu'un groupe interministériel soit créé, à l'initiative du ministre de l'intérieur, de sorte de permettre à plusieurs communes de se fédérer et de peser ensemble face à Auxifip et au CA CIB afin de renégocier des taux de crédit acceptables. Par ailleurs, dans cette attente, il apparaîtrait impératif, de sorte de poursuivre une collaboration entre les services de l'État et les collectivités, que les loyers soient gelés à des montants supportables pour les communes ; celui de La Mure, devant rester indexé sur l'ICC,en fonction du loyer initial, à hauteur minimale de 409 000 euros.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la mise en péril du budget de la commune de La Mure, en Isère, dans le cadre de l'exécution du bail de sous-location de la gendarmerie, que la commune a fait construire sur son territoire.

Ces difficultés tiennent au fait que le montant des loyers versés par la commune n'est pas intégralement couvert, tant s'en faut, par celui des loyers que l'État lui verse pour l'occupation de la gendarmerie. La différence, selon la nouvelle révision triennale, s'élèverait à 150 000 euros par an, ce qui représente une somme insupportable pour le budget de la commune.

Cette mise en péril a deux causes.

Premièrement, le contrat de sous-location signé ne correspond pas à celui dont les élus ont autorisé la signature en conseil municipal : le projet de contrat communiqué aux élus prévoyait une révision du loyer en considération non pas de la valeur locative, mais de l'indice du coût de la construction (ICC). Dans la première réévaluation du loyer par la DGFiP, c'est bien cette évaluation des loyers selon l'ICC qui a été établie.

Or il se trouve qu'un autre contrat de sous-location, différent de celui qui a été soumis aux élus, précise que la révision se fait selon la valeur locative. Cette disposition « valeur locative » est la plus dommageable à la commune et la mettrait en difficulté avec ce delta annuel de 150 000 euros.

Deuxièmement, la commune a confié la construction de cette gendarmerie à la société Auxifip par le biais d'un bail emphytéotique. Or, non seulement les loyers dus par la commune à cette société n'ont pas été arrêtés au regard des loyers que la commune devait percevoir et perçoit aujourd'hui de l'État, mais le plan de financement d'Auxifip repose sur un emprunt à taux fixe de 4,75 %. Ce taux semblait à l'époque au cours du marché, mais tel n'est plus le cas aujourd'hui. Auxifip n'a donné de suite favorable à aucune demande de renégociation, sauf par l'application de pénalités inacceptables.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le secrétaire d'État, si d'autres collectivités se trouvent dans la même situation que la commune de La Mure. Il semblerait en effet qu'un groupe interministériel soit créé pour permettre à plusieurs communes de se fédérer et de peser face à Auxifip, afin de renégocier des taux de crédit acceptables.

Par ailleurs, et dans cette attente, il est impératif de poursuivre une collaboration entre les services de l'État et les collectivités pour que les loyers soient réévalués en fonction de l'ICC et gelés à des montants supportables. À cet égard, 50 000 euros par an peuvent être considérés comme un montant acceptable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, j'entends votre inquiétude. En effet, certains montages financiers de baux emphytéotiques ont fait apparaître une décorrélation, parfois significative, entre le loyer versé par l'État à la collectivité et le loyer que la collectivité acquitte au constructeur ou au bailleur.

Je vous confirme qu'une vingtaine de communes ayant conclu ce type de montage ont fait état de leurs difficultés financières à l'occasion du renouvellement de certains baux.

La raison de ce décalage est la suivante : d'une part, la collectivité négocie avec le constructeur-bailleur un plan de financement adossé aux taux d'emprunts pratiqués sur les marchés financiers au jour de la signature du contrat ; d'autre part, le loyer versé par l'État à la collectivité doit correspondre à un loyer conforme à un marché locatif local. Il est d'ailleurs prévu, dans chaque contrat de bail de l'État, de plafonner l'actualisation du loyer en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction.

Il convient de rappeler que l'État n'a pas vocation à devenir propriétaire de la caserne. En effet, à l'issue du bail entre la collectivité et le constructeur, l'immeuble revient en pleine propriété à la collectivité.

Nous sommes donc face à deux contrats qui ne peuvent être assimilés : d'une part, celui de la collectivité, qui a vocation à devenir propriétaire des lieux ; d'autre part, celui de l'État, qui n'est que l'occupant pour une durée limitée. Pour autant et malgré cette nécessaire distinction, il convient de prendre en compte les difficultés financières que rencontrent certaines collectivités et que vous avez rappelées, madame la sénatrice.

C'est pourquoi un groupe de travail a été installé le 16 octobre dernier. Il est chargé de mettre en place le plus rapidement possible un dispositif concret d'accompagnement dans la renégociation des clauses financières des contrats passés avec les constructeurs-bailleurs.

Dans l'attente de l'élaboration d'une stratégie globale de rééquilibrage, les difficultés des communes sont examinées avec la plus grande attention pour que, dans chaque situation évoquée, des solutions soient recherchées et qu'un accompagnement individualisé puisse être mis en place.

La commune de La Mure doit pouvoir bénéficier de cet accompagnement personnalisé en se rapprochant des services locaux du domaine de l'État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Vous avez raison, l'État n'a pas vocation à devenir propriétaire de la gendarmerie, mais force est de constater que celle-ci est tout de même dédiée à cette activité et que la commune s'est substituée à l'État, celui-ci ayant souhaité quitter la commune de La Mure.

S'agissant du groupe de travail, je souhaite savoir si les communes peuvent y participer, car il serait opportun qu'elles aient leur mot à dire en la matière.

Pour ce qui concerne l'accompagnement, nous venons de recevoir un courrier de M. le préfet précisant qu'un bail d'un an serait signé pour 409 000 euros, un montant proche de l'ICC mais pas encore parfait. Nous souhaitons que cette démarche puisse se poursuivre, afin que les communes ne se retrouvent plus en difficulté pour s'être substituées à l'État au regard de certains engagements.

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