Question de Mme DURANTON Nicole (Eure - Les Républicains) publiée le 14/11/2019

Question posée en séance publique le 13/11/2019

Mme Nicole Duranton. Des comités et associations de pêcheurs normands m'ont fait part des vives inquiétudes que leur inspire le carnage de la pêche industrielle. Je me fais ici leur porte-parole.

Depuis le mois d'octobre, deux chalutiers géants battant pavillons lituanien et allemand croisent au large des côtes normandes, suscitant colère et inquiétude chez nos pêcheurs locaux. Du Tréport à Cherbourg, ces usines flottantes pratiquent une pêche de masse à une échelle industrielle.

Ces chalutiers sont dans leur droit au vu des articles 32 à 39 du Traité de Rome, qui prévoient que les navires de tous les États membres peuvent jeter leurs filets dans les eaux de l'ensemble de la Communauté européenne, en vertu de la politique commune de pêche.

Cependant, les systèmes d'aspiration de ces chalutiers monstrueux vident la mer de 250 tonnes de poissons en une seule journée, soit le tiers de la pêche annuelle d'un chalutier normand ! Ils ne laissent que des miettes aux artisans normands qui s'astreignent à une gestion raisonnée de la pêche en petites unités.

C'est sans doute là un avant-goût de la pêche post-Brexit. Ces navires sont en train de détruire tant l'économie locale liée à la pêche que les écosystèmes maritimes. Or l'objectif de l'Europe bleue est aussi de préserver la biodiversité marine et de prévenir les conflits entre États membres.

En tant que parlementaire de la seconde région de pêche européenne, ce paradoxe me conduit à vous demander d'agir. L'Union européenne peut modifier la politique commune de pêche. Que comptez-vous faire pour arrêter ce massacre ? Il faut des règles strictes pour éviter que cette catastrophe ait des conséquences irréversibles pour notre pêche artisanale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 14/11/2019

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2019

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous m'interpellez au sujet de la pêche dans un moment extrêmement sensible, celui du Brexit. Les deux sujets se rencontrent et suscitent des inquiétudes sur notre littoral, parce que nous manquons de visibilité.

La politique commune de pêche n'est pas imposée depuis Bruxelles : elle vise, vous l'avez rappelé, à garantir à chacun des États membres un accès aux eaux de l'ensemble de la Communauté européenne. Les pêcheurs français en bénéficient également, puisqu'ils pêchent en particulier dans les eaux britanniques. Didier Guillaume, Michel Barnier, l'ensemble des acteurs et moi-même sommes mobilisés pour que ce droit soit conservé dans le futur.

La politique commune de pêche, c'est aussi des règles du jeu communes et une garantie de concurrence loyale. Nous consultons actuellement les représentants du secteur en amont de la négociation sur les quotas pour 2020 qui interviendra en fin d'année. Nous entendons nous fonder sur des avis scientifiques robustes pour que cette négociation soit réaliste.

Nous voulons aussi faire évoluer à plus long terme la politique commune de pêche. Nous pensons qu'il est utile de mettre en place de véritables quotas pluriannuels pour apporter de la prévisibilité à tous les artisans pêcheurs. Certains stocks –je pense au bar, à l'églefin, à la sole – sont aujourd'hui sur une bonne tendance, tandis que d'autres – le merlan en mer celtique, le cabillaud… – présentent une situation plus difficile. Nous y sommes très vigilants, parce que la préservation des stocks assurera à nos pêcheurs des ressources durables.

Dans la perspective du Brexit, les incertitudes sont grandes. Le Gouvernement et la Commission européenne sont mobilisés pour que l'enjeu de la pêche ne fasse pas l'objet d'un rapport de force et que les droits actuels puissent perdurer. Rappelons que 70 % du poisson pêché dans les eaux britanniques est transformé en France ; nous avons là aussi un moyen de peser dans les négociations.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Les négociations sur les quotas, en décembre, pourront se tenir dans de bien meilleures conditions que ce nous pouvions craindre, puisque le Brexit aura lieu au plus tôt en janvier. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour la réplique.

Mme Nicole Duranton. J'entends votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais les mots doivent se traduire en actes. Votre position doit être ferme et combative pour sauver nos pêcheurs. Vous devez mener des actions claires et efficaces auprès des instances européennes.

Au-delà des ressources maritimes, 2 600 emplois dans la pêche normande, et autant de familles, sont directement menacés. Il y va de votre responsabilité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nicole Duranton. Madame la secrétaire d'État, c'est un appel au secours que les pêcheurs vous lancent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

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