Question de M. LE GLEUT Ronan (Français établis hors de France - Les Républicains) publiée le 28/11/2019

M. Ronan Le Gleut attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la stratégie de fermeture des consulats en deux temps qui semble se répéter. Un consulat général de plein exercice est d'abord transformé en poste consulaire à gestion simplifiée, puis, comme il ne remplit plus aucun service, sa fermeture est annoncée une douzaine d'années plus tard. C'est le cas du consulat de Moncton au Canada. Il souhaiterait donc savoir si tout consulat transformé en poste consulaire à gestion simplifiée a vocation à connaître le même sort et si cette stratégie s'appliquera systématiquement.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

M. Ronan Le Gleut. Madame la secrétaire d'État, il aura fallu des trésors de mobilisation de la part des conseillers consulaires, des parlementaires, de la société civile, pour qu'enfin vous reveniez sur une très mauvaise décision que votre ministère avait prise, à savoir la fermeture du consulat de France à Moncton.

Malheureusement, vous n'êtes pas revenus, en revanche, sur la fermeture du consulat de Séville, intervenue à l'été 2019, alors que 10 000 Français sont inscrits au registre en Andalousie, et que près de 40 000 Français y vivent.

De la même manière, s'agissant de la carte consulaire en Amérique du Sud, les Français qui résident à Asunción, au Paraguay, sont rattachés à un consulat installé dans un autre pays, à Buenos Aires, en Argentine. Or, vous le savez, pour les Français de l'étranger, le consulat est comme une mairie : quand vous fermez leur consulat, vous fermez leur mairie.

Les Français de l'étranger sont des proies faciles : ils ne font pas grève ni ne portent de gilets jaunes. Les décisions que vous prenez en matière de fermeture de consulats ne provoquent pas de mobilisation contre elles de la même manière que si des décisions analogues étaient prises sur le territoire français.

J'en viens à ma question : avez-vous véritablement une stratégie pour le rayonnement de la France à l'étranger, ou votre gestion n'est-elle qu'une gestion comptable et sans vision d'avenir, à la petite semaine ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la situation du consulat de Moncton ; les décisions que vous avez évoquées s'inscrivent dans la revue que nous faisons dans le cadre de notre programme Action publique 2022. Ce programme est adossé à une vision stratégique ; il est d'ailleurs assorti de moyens de dématérialisation – je viens d'en parler – permettant, même si certains postes sont fermés, qu'un certain nombre de services restent accessibles et soient même plus pratiques d'accès qu'auparavant, y compris là où un bureau physique existait.

Je tiens à vous rassurer sur l'importance politique des consulats généraux, que nous maintenons ouverts avec de vrais moyens – nous les préférons à une multiplication de points de contact auxquels font défaut les moyens de leur rayonnement efficace.

Moncton a une histoire particulière : ce consulat avait été installé dans la ville en 1964 par le général de Gaulle pour réaffirmer nos liens avec la communauté acadienne. Comme l'a dit Jean-Yves Le Drian la semaine dernière, ce consulat sera maintenu.

Cette décision s'explique par l'attachement de la France à l'Acadie et par la volonté du Gouvernement de défendre la francophonie, puisque le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada, en plus d'être, avec le Québec, membre à part entière de l'Organisation internationale de la francophonie. Nous jouerons depuis ce consulat un rôle essentiel dans l'intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon dans son environnement régional – je sais que vous êtes sensible à ce sujet, monsieur le sénateur.

Dans le cadre de la densification de nos relations politiques et économiques avec le Canada et notamment de l'accord économique et commercial global (CETA) entre l'Union européenne et le Canada, il nous semblait important, pour notre diplomatie économique, que ce consulat soit maintenu.

Plus largement, nous ne menons pas une politique de « planter de drapeau », mais de présence stratégique. Dans certains lieux, justement parce que nous dématérialisons les procédures, et parce que nos concitoyens eux-mêmes utilisent de plus en plus ces procédures dématérialisées, la présence physique n'est pas forcément la plus utile ; il faut, en tout cas, qu'elle évolue.

Nous cherchons dans chaque pays, avec les ambassadeurs, avec les communautés françaises, à définir le meilleur mode de présence et les meilleurs outils. Certains de nos consulats sont devenus des consulats de rayonnement culturel et scientifique ; certains ont des périmètres d'action plus restreints, lorsque cela correspond aux besoins du pays. Ce qui est certain, c'est que la stratégie française voulue par le Président de la République consiste à promouvoir une présence utile et décisive, et à apporter aux Français qui habitent à l'étranger des services modernes. D'où l'importance de la dématérialisation, de la numérisation, de l'accès à des services publics de qualité, même si cela veut dire que certains de nos concitoyens résideront plus loin, en effet, de leur consulat.

Pour avoir moi-même vécu…

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Je vous raconterai ma vie plus tard ! (Sourires.) Ce qui est certain, c'est que nous cherchons à construire une approche politique, économique et culturelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.

M. Ronan Le Gleut. Madame la secrétaire d'État, j'ai écouté votre réponse avec beaucoup d'attention ; malheureusement, je ne suis pas rassuré.

Ma crainte est que se répète le scénario du moratoire fiscal : vous aviez décidé une augmentation spectaculaire des impôts des Français de l'étranger ; finalement, les élections consulaires ayant lieu l'année prochaine, en 2020, vous substituez à cette décision un moratoire fiscal d'un an. Autrement dit, vous faites de l'enfumage : vous faites en sorte que le coup de bambou arrive une fois passé le cap des élections consulaires. De la même manière, ici, deux décisions, celle de ne pas fermer l'Institut français de Norvège et celle de ne pas fermer le consulat de France à Moncton, sont prises juste avant les élections.

Je crains donc qu'il ne se passe la même chose qu'avec le moratoire fiscal : n'allez-vous pas décider, une fois les élections passées, de revenir sur vos décisions ?

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