Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRCE) publiée le 14/11/2019

Mme Cécile Cukierman attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de la transformation de la carte de retrait des demandeurs d'asile en carte de paiement.

Le 23 juillet 2019, l'office français de l'immigration et de l'intégration a diffusé un message relatif à la modification des fonctionnalités de la carte « allocation demandeur d'asile » (ADA) utilisée par les personnes en demande d'asile afin de disposer de leur allocation.

De ce fait, la carte de retrait ADA est devenue, depuis le mardi 5 septembre 2019, une simple carte de paiement.

Cette mesure est injuste car elle va à l'encontre du besoin de liquidité pour les actes de la vie quotidienne. À ce propos, dans certains commerces et en particulier dans les commerces de zones rurales, il n'est pas possible de régler ses achats en carte de paiement, ou alors avec un seuil de paiement élevé, ce qui n'est pas compatible avec les faibles ressources des usagers et la limitation du nombre de paiement par mois. Aussi, cela reportera inexorablement les achats dans les zones urbaines où les terminaux de paiement électronique sont beaucoup plus utilisés.

De plus, sans possibilité d'effectuer des virements ou de retirer de l'argent liquide, cette mesure est une entrave à la libre disposition de l'allocation car elle limite les possibilités d'accès à un mode de vie normal et participe à l'exclusion de personnes déjà en difficulté.

Bien loin du sentiment de devoir de solidarité accompli par les communes accueillantes, cette décision fait fi de la possibilité de faire se côtoyer des populations différentes. Une mixité qui participe à favoriser le vivre ensemble. Au contraire des économies que l'État souhaite faire par cette mesure, c'est un investissement dans la paix sociale qu'il faut entreprendre et cela commence par le traitement équitable de chacun et dans tous les territoires.

Compte tenu de ces éléments, elle souhaite connaître les motivations de cette décision pénalisante pour les hommes et pour les territoires et demande la suspension de cette dernière afin qu'une concertation soit envisagée avec les acteurs concernés.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/09/2020

La mise en place d'une carte de paiement, sans possibilité de retrait, permet, en limitant la circulation d'argent liquide, d'éviter que l'allocation pour demandeur d'asile serve à d'autres fins que celles d'assurer la subsistance du demandeur d'asile, au moyen de dépenses courantes sur le territoire national. Ce faisant, les risques de fraudes et d'abus, liés à une trop grande liquidité de l'allocation, seront mieux maîtrisés. Avant sa généralisation au territoire métropolitain, cette mesure a fait l'objet d'une expérimentation durant plusieurs mois en Guyane : les retours ont été positifs et ont montré que la mise en place d'une carte de paiement en lieu et place d'une carte de retrait ne dégradait en rien les conditions de vie des demandeurs d'asile. En outre, le Gouvernement est à l'écoute des associations qui ont été reçues au ministère de l'intérieur et qui participent à un comité de suivi de la réforme pour garantir que celle-ci ne génère pas de difficulté. L'entrée en vigueur de la mesure, initialement prévue en septembre 2019, a été retardée afin de permettre aux opérateurs qui en étaient dépourvus de s'équiper de terminaux de paiement électronique (TPE) et d'assurer une information appropriée des demandeurs. De surcroît, un aménagement important du dispositif a été consenti avec le déplafonnement total du nombre de transactions autorisées. De la sorte, quel que soit le montant de leur transaction, les demandeurs d'asile peuvent continuer à acheter leurs produits de première nécessité dans les supermarchés et les commerces dotés de TPE. Le bilan réalisé par l'office français de l'immigration et de l'intégration a d'ailleurs confirmé la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de procéder à de petits achats avec une carte « 100 % paiement », 44 % des transactions ayant porté sur un montant inférieur à 10 € en novembre 2019. De la même manière, alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés dans des zones rurales moins bien pourvues en commerces ne puissent disposer librement de leur allocation, il ressort de ce bilan que la carte de paiement a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain, selon une répartition régionale correspondant à celle des allocataires. Enfin, la démonétisation ne méconnaît pas le fait que l'accès des demandeurs d'asile aux espèces demeure utile dans leur vie quotidienne. Ainsi, la pratique du cashback, qui est réservée aux seuls commerçants par le code monétaire et financier (ce qui limite de facto le risque d'abus), permet de récupérer jusqu'à 60 euros en espèces dans le cadre d'un paiement par carte d'un euro minimum. La mise en œuvre de cette mesure continue de faire l'objet d'un suivi attentif. Un groupe de travail réunissant des associations d'horizons divers accompagnant les demandeurs d'asile a été mis en place. Il suit avec attention la mise en œuvre de cette mesure. Le cas échéant, le dispositif pourra être adapté de façon à résoudre les difficultés opérationnelles qui pourraient être signalées.

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