Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 14/11/2019

Mme Laurence Cohen attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences catastrophiques de la transformation de la carte de retrait des demandeurs d'asile en carte de paiement.

En effet, jusqu'à maintenant, les demandeurs d'asile pouvaient percevoir une allocation (ADA) versée sur une carte de retrait, allant de 6,80 euros par jour pour une personne seule à presque 17 euros par jour pour un couple avec deux enfants.

Suite à une décision du ministère de l'intérieur et à une mesure, annoncée le 23 juillet 2019 par l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et mise en place mardi 5 novembre 2019, cette carte de retrait se transforme en carte de paiement, utilisable uniquement sur des terminaux prévus à cet effet, ne permettant plus aucun retrait d'argent liquide. De plus, seuls vingt-cinq paiements mensuels seront autorisés avec cette carte, au-delà desquels chaque transaction sera facturée 50 centimes d'euros.

Cela risque de précariser davantage les demandeurs d'asile. Elle lui demande comment ils feront pour payer tous les actes du quotidien, qui nécessitent de l'argent liquide et dépassent souvent vingt-cinq paiements mensuels, des actes aussi anodins qu'acheter du pain, des légumes au marché ou un titre de transport à l'unité. La même question se pose face à certains accueils de nuits du 115 qui peuvent demander entre 50 centimes et 3 euros de frais pour la nuit. Et qu'en est-il des commerces qui n'acceptent par la carte en-dessous d'un montant minimum de 10 euros ? Et de ceux qui ne sont pas encore équipés en terminaux de paiement électroniques ?

Plus de quatre-vingts associations dénoncent ce changement de fonctionnement de la carte d'allocation des demandeurs d'asile.

Ainsi, elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour remédier à ce problème et trouver une solution pour que les demandeurs d'asile ne soient pas davantage précarisés.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/09/2020

La mise en place d'une carte de paiement, sans possibilité de retrait, permet, en limitant la circulation d'argent liquide, d'éviter que l'allocation pour demandeur d'asile serve à d'autres fins que celles d'assurer la subsistance du demandeur d'asile, au moyen de dépenses courantes sur le territoire national. Ce faisant, les risques de fraudes et d'abus, liés à une trop grande liquidité de l'allocation, seront mieux maîtrisés. Avant sa généralisation au territoire métropolitain, cette mesure a fait l'objet d'une expérimentation durant plusieurs mois en Guyane : les retours ont été positifs et ont montré que la mise en place d'une carte de paiement en lieu et place d'une carte de retrait ne dégradait en rien les conditions de vie des demandeurs d'asile. En outre, le Gouvernement est à l'écoute des associations qui ont été reçues au ministère de l'intérieur et qui participent à un comité de suivi de la réforme pour garantir que celle-ci ne génère pas de difficulté. L'entrée en vigueur de la mesure, initialement prévue en septembre 2019, a été retardée afin de permettre aux opérateurs qui en étaient dépourvus de s'équiper de terminaux de paiement électronique (TPE) et d'assurer une information appropriée des demandeurs. De surcroît, un aménagement important du dispositif a été consenti avec le déplafonnement total du nombre de transactions autorisées. De la sorte, quel que soit le montant de leur transaction, les demandeurs d'asile peuvent continuer à acheter leurs produits de première nécessité dans les supermarchés et les commerces dotés de TPE. Le bilan réalisé par l'office français de l'immigration et de l'intégration a d'ailleurs confirmé la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de procéder à de petits achats avec une carte « 100 % paiement », 44 % des transactions ayant porté sur un montant inférieur à 10 € en novembre 2019. De la même manière, alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés dans des zones rurales moins bien pourvues en commerces ne puissent disposer librement de leur allocation, il ressort de ce bilan que la carte de paiement a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain, selon une répartition régionale correspondant à celle des allocataires. Enfin, la démonétisation ne méconnaît pas le fait que l'accès des demandeurs d'asile aux espèces demeure utile dans leur vie quotidienne. Ainsi, la pratique du cashback, qui est réservée aux seuls commerçants par le code monétaire et financier (ce qui limite de facto le risque d'abus), permet de récupérer jusqu'à 60 euros en espèces dans le cadre d'un paiement par carte d'un euro minimum. La mise en œuvre de cette mesure continue de faire l'objet d'un suivi attentif. Un groupe de travail réunissant des associations d'horizons divers accompagnant les demandeurs d'asile a été mis en place. Il suit avec attention la mise en œuvre de cette mesure. Le cas échéant, le dispositif pourra être adapté de façon à résoudre les difficultés opérationnelles qui pourraient être signalées.

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