Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 14/11/2019

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la surpêche et les navires usines.
Les navires usines parviennent à pêcher plusieurs centaines de tonnes de poissons par jour. Cependant, leurs techniques de pêche ne sont en rien durables. C'est le cas, par exemple, des dispositifs de concentration de poissons (DCP) qui entraînent de nombreuses prises accessoires, méthode pourtant soutenue financièrement par l'Union européenne. En effet, ces gros armateurs peuvent pêcher dans les Seychelles, en échange de financements à la pêche artisanale locale par l'Union européenne. Pourtant, la réalité montre que cet argent bénéficie à terme aux gros armateurs. De même, le dispositif de quotas par armateurs mis en place à Sète est totalement disproportionné entre petits artisans et gros armateurs, au profit de ces derniers.
Par ailleurs, il règne une opacité quasi-totale sur la pêche et le respect ou non des réglementations. En effet, la législation est déjà très limitée, et de plus très peu de contrôles sont effectués. De même, concernant les espèces menacées capturées « accidentellement » dans les filets, la déclaration est obligatoire mais il n'existe aucune obligation en termes de délais. Ces déclarations ne sont donc, très majoritairement, pas effectuées.
Outre les déséquilibres engendrés avec les pêcheurs artisanaux, cette surpêche a donc également des effets sur l'ensemble des espèces marines, y compris les espèces protégées, capturées dans les filets. Elle a aussi des conséquences désastreuses pour l'environnement au sens large. En effet, la surpêche vide les océans, sans distinction entre poissons arrivés à maturité ou non et donc sans respect des cycles de reproduction nécessaires au renouvellement. Or, les océans constituent des écosystèmes, au sein desquels chaque élément a son rôle, et dont l'équilibre doit être préservé si l'on veut éviter de modifier le milieu. Étant admis que les océans sont également le premier puits de carbone de notre planète, cette préservation devient par conséquent vitale.
Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement compte faire évoluer la législation et les contrôles, revoir les dispositifs d'aide au niveau national et porter au niveau européen les problématiques précitées, afin de remédier au déséquilibre mais également dans une optique de protection des ressources maritimes.

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Transmise au Ministère de la mer


Réponse du Ministère de la mer publiée le 26/11/2020

La lutte contre la surpêche est un enjeu majeur au niveau mondial, promu et mis en œuvre par des organisations internationales et de nombreux États, dont la France, depuis plusieurs années. Cet enjeu est déterminant non seulement pour la préservation biologique des espèces, mais aussi pour la durabilité des secteurs économiques qui dépendent directement de la mer. Pour atteindre ces objectifs, les ressources halieutiques pêchées par les navires battant pavillon français font l'objet d'une gestion rigoureuse qui mobilise non seulement les services de l'État et ceux de l'Union européenne, mais également les organisations professionnelles de pêcheurs, les organismes scientifiques et les ONG. Cette gestion se fonde notamment sur le principe du rendement maximal durable (RMD) qui vise à maximiser les captures à long terme tout en assurant le renouvellement des stocks. La politique commune de la pêche (PCP) constitue un cadre réglementaire qui permet la mise en œuvre d'une pêche durable dans les eaux de l'Union européenne ainsi que dans les eaux extérieures à l'Union où pêchent des navires européens. L'ensemble des mesures mises en œuvre par la PCP doit garantir la durabilité des stocks, nonobstant les caractéristiques des navires et le type d'engin utilisé. Afin d'assurer l'application effective de la réglementation, le Centre National de Surveillance des Pêches exerce une veille attentive sur les activités des navires de toute taille. Conformément à la réglementation communautaire, la politique de contrôle des pêches est élaborée en fonction d'une analyse de risque. Compte tenu de son impact potentiel sur la ressource halieutique au regard des importants volumes de captures réalisés, le segment de flotte des navires de grande pêche est identifié depuis plusieurs années par les États membres comme un segment à haut risque. En conséquence, les autorités françaises exercent une vigilance particulière sur l'activité de ces navires quelle que soit leur zone de pêche. Le contrôle des pêches est encadré par des règlements communautaires, par définition directement applicables par les États membres. Il s'est considérablement renforcé, notamment suite à l'entrée en vigueur du règlement 1224/2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la PCP et la montée en puissance de l'utilisation des nouvelles technologies pour le suivi de l'activité des navires, associée à une réglementation particulièrement technique. Au niveau national, les objectifs prévus dans le cadre communautaire sont rigoureusement déclinés dans le plan national de contrôle, défini par la DPMA et repris dans le cadre des plans régionaux et interrégionaux de contrôle des pêches élaborés annuellement par les Directions interrégionales de la mer. Plusieurs administrations concourent à l'effort de contrôle (Direction des affaires maritimes, Gendarmerie maritime, Marine nationale, Douanes, Gendarmerie nationale). Le Centre national de surveillance des pêches coordonne les moyens engagés dans des missions de contrôle des pêches en mer et au débarquement, afin d'assurer un maillage de contrôle efficient. Ainsi, en 2019, 2710 inspections ont été réalisées en mer, 2548 au débarquement et 3946 sur la filière. La bonne mise en œuvre du contrôle des produits de la pêche maritime demeure par ailleurs marquée par des audits et des missions de vérification de la Commission européenne. La flottille des thoniers senneurs ciblant les pêcheries de thons tropicaux a recours à l'utilisation de dispositifs de concentration du poisson (DCP). En application du principe d'analyse des risques précité, les autorités françaises et européennes se sont engagées dans un encadrement renforcé de cette technique de pêche et ont ainsi porté et soutenu au sein des organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) thonières l'adoption de réglementations plus strictes. En particulier, dans les zones de compétence de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) et la Commission des thons de l'océan Indien (CTOI), où évoluent les thoniers senneurs français, les mesures concernant les DCP ont été renforcées en 2019 [1]. Il convient de souligner que les professionnels français sont très engagés sur ce sujet. Ainsi, les flottilles françaises se sont limitées dès 2012 sur le nombre de DCP. La filière française a été la première à déployer uniquement des DCP non-maillants, afin de diminuer leur impact sur les captures accidentelles. Elle teste également un prototype de DCP biodégradable. L'Union européenne a conclu des accords de partenariat de pêche durable (APPD) avec plusieurs États tiers, dont les Seychelles. Contrairement à d'autres États, l'Union européenne publie en toute transparence les accords bilatéraux qu'elle conclut. Le partenariat établi avec l'État tiers va au-delà des dispositions financières des APPD, constituées d'une part du versement par l'Union européenne et les armateurs d'une contrepartie financière à l'autorisation d'accès et de pêche dans la ZEE de l'État tiers, et d'autre part du versement d'un appui sectoriel destiné au secteur de la pêche et de l'aquaculture de l'État tiers. Concernant la mise en œuvre de cet appui sectoriel, l'État tiers identifie des projets au regard de ses besoins en matière de contrôle, de développement de la pêche et de l'aquaculture locale, de construction d'infrastructures portuaires, etc. L'Union européenne s'assure de l'utilisation effective des fonds aux fins de l'intérêt général identifié. Le partenariat doit ainsi permettre d'assurer à l'État tiers un bénéfice issu des activités de pêche qu'il autorise ne se limitant pas à la seule perception de contributions financières. C'est ainsi qu'ont pu être financées, notamment aux Seychelles, des infrastructures portuaires avec les emplois locaux qui y sont liés utilisées par les flottilles seychelloises et européennes. La France et l'Union européenne soutiennent l'adoption de mesures de limitation et de réduction des prises accidentelles d'espèces protégées. La volonté de l'Union européenne soutenue par la France se traduit notamment par la proposition de recommandations ambitieuses au sein de la Commission des thons de l'océan Indien (CTOI) et de la Commission internationale de conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA). Ces documents sont accessibles au public sur les sites internet de ces deux Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP). Les navires européens ont l'obligation de déclarer dans le journal de bord électronique leurs prises accidentelles, au moment de l'action de pêche. Ces déclarations sont transmises dans les délais imposés par la réglementation communautaire et nationale (quotidiennement pour les navires de plus de 12 mètres, dans les 48 heures suivant la fin du débarquement pour les navires d'une longueur comprise entre 10 et 12 mètres et chaque mois pour les navires de moins de 10 mètres). La France peut par ailleurs adopter des mesures plus exigeantes que le cadre normatif international. À titre pour ce qui concerne ses territoires d'outre-mer concernés par la pêcherie des thoniers tropicaux, l'arrêté n° 2020-25 du 5 mars 2020 du préfet des Terres australes et antarctiques françaises encadrant l'exercice de la pêche aux thons et autres poissons pélagiques dans les zones économiques exclusives des îles Éparses (Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India, Europa, Tromelin) prévoit ainsi, notamment, l'interdiction de tout transbordement en mer, l'obligation d'embarquement d'un observateur scientifique des pêches, l'interdiction d'actions de pêche dans les eaux territoriales, l'interdiction de pêche de nombreuses espèces, etc. Le Gouvernement français porte constamment, notamment dans le cadre des échanges au sein des institutions européennes, les principes qui fondent les politiques publiques françaises et européennes en matière de gestion et de protection des ressources marines. À titre d'exemple, il contribue actuellement au processus de révision du règlement européen instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la PCP, mais également à celui de révision du règlement européen relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture. Cet engagement se traduit également dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité et l'application de différentes directives européennes, dont notamment la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ». [1] Les mesures adoptées sont disponibles en langue française sur les sites internet de la CTOI et de la CICTA, il s'agit notamment de la recommandation CICTA 19-02 visant à remplacer la recommandation 16-01 sur un programme pluriannuel de conservation et de gestion pour les thonidés tropicaux, de la résolution CTOI 19/01 sur un plan provisoire pour reconstituer le stock d'albacore, et de la résolution CTOI 19/02 établissant des procédures pour un plan de gestion des DCP.

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