Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 28/11/2019

M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur de possibles fichages religieux dans nombre établissements privés sous contrat d'association avec l'État à Paris et ailleurs.
L'article L. 442-1 du code de l'éducation précise que « tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances » ont accès à l'enseignement privé « dans le respect total de la liberté de conscience ». Par ailleurs la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose qu'« il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l'origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale d'une personne physique ».
Or il apparaît que nombre d'établissements privés sous contrat demandent dans les dossiers de pré-inscription ou d'inscription des informations sur les appartenances et les pratiques religieuses des enfants qui souhaitent s'y inscrire, ainsi que, parfois, sur celles de leurs parents.
Au vu des articles de loi précités la finalité de ces demandes et la légalité du fichage des croyances religieuses des élèves au moment de leur inscription posent, pour le moins, question. La collecte de ces informations pourrait ainsi être à l'origine d'une sélection d'un certain nombre de dossiers sur un critère de croyance religieuse, ce qui constituerait alors une discrimination. Les informations religieuses étant une donnée sensible, la question se pose de savoir si ce fichage est pertinent et limité au but poursuivi par le fichier créé, au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Compte tenu de ces éléments graves il lui demande de diligenter une enquête pour avoir une appréciation globale de ce phénomène en vue de faire cesser d'éventuels agissements illégaux.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 05/11/2020

À titre liminaire, il convient de rappeler que les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans les établissements d'enseignement privés sous contrat pour la gestion de la vie scolaire sont placés sous la seule responsabilité de ces établissements et non du ministère en charge de l'éducation nationale. Les règles applicables aux activités de traitement de données à caractère personnel sont fixées par le règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. L'article 9 du RGPD interdit par principe la collecte de données à caractère personnel qui révèlent les convictions religieuses d'une personne physique. Cette interdiction est assortie de plusieurs exceptions, telle la possibilité de collecter ces données dès lors que la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement. À cet égard, le b)  de l'article 5 du RGPD précise que les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes. Le c)  de cet article fixe toutefois le principe de « minimisation des données », qui interdit le traitement de données qui ne sont pas adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. La collecte de données à caractère religieux ne semble pas nécessaire à la gestion des inscriptions d'un établissement d'enseignement privé lié avec l'État par contrat, qui ne nécessite pas de recueillir des renseignements sur l'appartenance ou les pratiques religieuses des élèves ou de leurs familles. Ainsi, même en prévoyant le consentement préalable des personnes concernées, le traitement de telles données lors de l'inscription dans un établissement d'enseignement privé sous contrat paraît contraire au RGPD. En tout état de cause, l'article L. 442-1 du code de l'éducation impose aux établissements d'enseignement privés sous contrat d'accueillir les enfants quelle que soit leur appartenance religieuse. Le refus par un établissement d'inscrire un élève, lorsqu'il est fondé sur l'appartenance religieuse de celui-ci, est illégal et constitue une discrimination selon les critères énumérés à l'article 225-1 du code pénal. À ce jour, aucune autorité académique n'a fait état de signalements de familles à ce sujet. Dans l'éventualité où un service de l'éducation nationale aurait connaissance de tels faits, il procèderait à un rappel de la réglementation à l'établissement en lui demandant de cesser de recueillir ces données. En cas de refus par l'établissement, ce manquement persistant pourrait justifier la résiliation du contrat par le préfet du département, selon la procédure prévue à l'article R. 442-62 du code de l'éducation. 

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