Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 05/12/2019

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le Premier ministre sur la remise en cause de l'enquête publique. La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance et son décret d'application n° 2018-1217 du 24 décembre 2018 tendent à remplacer les enquêtes publiques et les commissaires enquêteurs par une simple consultation électronique du public. Deux régions, la Bretagne et les Hauts-de-France, ont ainsi commencé à tester cette expérimentation pour une durée de trois ans, et ce jusqu'à fin 2021. Dans un rapport remis au Gouvernement le 23 septembre 2019, il est proposé d'accélérer et de simplifier les procédures obligatoires préalables à une implantation industrielle. Le préfet pourrait ainsi choisir entre une enquête publique et une simple consultation électronique, ce qui marque une fois de plus la volonté de s'affranchir des acquis en termes de participation du public, une partie de ce public n'ayant pas la possibilité de répondre à une enquête sur internet. Les phases obligatoires de consultation des citoyens du pays sont de plus en plus considérées, à tort, comme une perte de temps, un frein à la croissance et à la compétitivité. Or l'enquête publique constitue un dispositif essentiel au service de la démocratie locale. L'enquête publique étant par essence le cœur du fonctionnement de la démocratie participative, elle constitue le meilleur moyen de faire remonter aux décideurs ce que ressent véritablement le terrain au travers du commissaire enquêteur qui, n'ayant aucun lien avec quelque partie que ce soit, conduit l'enquête publique de manière totalement indépendante.
Ainsi, la suppression de l'enquête publique ne ferait qu'augmenter les frustrations, les incompréhensions et accroître les risques de contentieux, alors que les citoyens souhaitent être davantage associés à la décision publique. La dématérialisation de l'enquête publique se ferait au détriment de l'importance du présentiel, et aboutirait à un véritable recul de la démocratie participative.
Elle ne peut être sacrifiée sur l'autel de la célérité et de la compétitivité économique. C'est pourquoi il souhaite avoir confirmation que le Gouvernement maintiendra l'enquête publique dans sa forme actuelle, et qu'il n'envisage pas un détricotage des garanties procédurales auxquelles le public a droit dans le double respect de la convention d'Aarhus et des exigences du droit de l'Union européenne pour tous les projets soumis à évaluation environnementale.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 1038, transmise à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Antoine Lefèvre. Ma question concerne le devenir de l'enquête publique. Depuis un décret paru fin 2018, les enquêtes publiques et les commissaires enquêteurs tendent à être remplacés par une simple consultation électronique du public. Deux régions, dont la mienne, les Hauts-de-France, ont ainsi commencé à mener cette expérimentation pour une durée de trois ans, jusqu'à fin 2021.

Parallèlement, un rapport remis au Gouvernement en septembre 2019 propose d'accélérer et de simplifier les procédures obligatoires préalables à une implantation industrielle. Le préfet peut ainsi choisir entre une enquête publique et une simple consultation électronique, ce qui marque, une fois de plus, la volonté de s'affranchir des acquis en termes de participation citoyenne, une partie de ce public n'ayant pas la possibilité de répondre à une enquête sur internet.

J'en veux pour preuve les travaux de l'actuelle mission d'information du Sénat sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique. En effet, comme l'a rappelé en 2019 le Défenseur des droits, Jacques Toubon – celui-ci a d'ailleurs été auditionné hier par ladite mission –, la dématérialisation à marche forcée des services publics se résume, pour certains citoyens, à un recul de leurs droits, en raison de la disparition de ces services sur certains territoires. Cela vaut, par extension, pour le service de l'enquête publique.

Ces phases obligatoires de consultation des citoyens sont de plus en plus considérées, à tort, comme une perte de temps, un frein à la croissance et à la compétitivité. Or elles constituent un dispositif essentiel au service de la démocratie locale, au cœur du fonctionnement de la démocratie participative, et le meilleur moyen de faire remonter aux décideurs le véritable ressenti du terrain grâce au commissaire-enquêteur, qui conduit son enquête de manière totalement indépendante.

La dématérialisation de l'enquête publique se ferait au détriment du présentiel et ne ferait qu'accroître les frustrations, les incompréhensions et les risques de contentieux. Pourriez-vous assurer les populations du maintien de l'enquête publique dans sa forme actuelle, monsieur le secrétaire d'État, en garantissant les procédures auxquelles le public a droit, dans le double respect de la convention d'Aarhus et des exigences du droit de l'Union européenne pour tous les projets soumis à évaluation environnementale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence d'Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Celle-ci m'a demandé de vous rassurer et de vous confirmer que l'enquête publique demeure bien le dispositif de référence en ce qui concerne la participation du public pour les projets soumis à évaluation environnementale.

Sur les recommandations du rapport du député Guillaume Kasbarian, que vous évoquiez dans votre intervention, le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique prévoit, en effet, la possibilité d'adapter les modalités de la participation du public applicables aux autorisations environnementales. Seuls les projets ne faisant pas l'objet d'une évaluation environnementale sont concernés par ces dispositions.

La consultation du public sur ces projets pourra être adaptée par décision de l'autorité administrative qui optera, à la lumière des critères définis dans la loi, entre la mise en œuvre d'une enquête publique ou la participation du public par voie électronique.

L'expérimentation conduite en Bretagne et dans votre région, les Hauts-de-France, en application de la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite loi Essoc, vise de manière plus large les projets soumis à autorisation environnementale. L'enquête publique est remplacée par la participation du public par voie électronique, comme vous l'évoquiez, à la stricte condition que le projet ait donné lieu à une concertation préalable avec garant.

Un bilan sera adressé au Parlement à l'issue de l'expérimentation, et je ne doute pas qu'il tiendra compte de la question de l'illectronisme, ainsi que du problème de l'accès au droit de nos concitoyens.

Toujours est-il que les dispositifs existants sont conformes aux textes qui régissent la participation du public. Ils respectent notamment la convention d'Aarhus, les directives européennes et l'article 7 de la Charte de l'environnement.

La procédure par voie électronique offre des garanties au public : ainsi, les citoyens peuvent toujours demander à avoir accès à un dossier sur support papier. C'est aussi au regard de l'importance de la dimension présentielle de la participation du public que les délais de ces procédures ont été gelés dans le cadre des ordonnances relatives à l'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19. Quelques rares exceptions autorisées par décret ont été conditionnées à des critères cumulatifs très exigeants.

En conclusion, je peux vous garantir que, pour les projets soumis à évaluation environnementale, le Gouvernement est très vigilant sur le maintien de l'enquête publique qui constitue, dans notre pays, un des piliers majeurs de la démocratie participative.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Je veux remercier le secrétaire d'État de sa réponse. Je resterai vigilant, même s'il m'a en partie rassuré sur les garanties qui continuent d'entourer les enquêtes publiques, notamment dans les dossiers environnementaux. Nous attendons le bilan de l'expérimentation pour voir comment ces adaptations pourraient être mises en œuvre. Dans ma région, les projets éoliens soulèvent de nombreux problèmes d'acceptabilité : la population souhaite évidemment être associée à la consultation de ces dossiers.

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