Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UC) publiée le 05/12/2019

M. Philippe Bonnecarrère demande à Mme la ministre des solidarités et de la santé d'examiner favorablement l'extension des effets du « fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de préventions, de diagnostic, ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral » aux accidents médicaux faisant l'objet d'une réclamation au sens de l'article L. 251-2 du code des assurances, à compter du 1er janvier 2011 en lieu et place du 1er janvier 2012.

Il a formulé à plusieurs reprises cette demande, dans le dernier état dans le cadre du projet de loi n° 139 (Sénat, 2019-2020), adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2020 mais le débat n'a pu être noué au motif que les amendements successifs déposés aggraveraient une charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution.

De quoi s'agit-il ? De la situation d'une poignée de médecins (a priori 13) qui sont aujourd'hui victimes des défauts de leur couverture d'assurance professionnelle nés d'une malfaçon législative qui date de 2002.

Pour éviter que les praticiens et établissements de santé ne soient privés de toute couverture d'assurance, les lois n° 2002-303 du 4 mars 2002 et n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ont modifié en profondeur les règles régissant ce secteur.

Elles ont exposé les praticiens de santé libéraux à deux risques de « trou de garantie », d'une part en cas de dépassement des plafonds d'assurance et d'autre part en cas de plainte déposée après les dix ans suivant la cessation d'activité des praticiens.

Ce risque est particulièrement élevé pour les obstétriciens car en cas d'accident lors d'un accouchement, les dommages et intérêts définitifs ne sont fixés par les juges qu'à la majorité de la victime et pour une durée très longue.

Compte tenu du risque de blocage pour toute la profession, il fallut attendre la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 pour que fût créé un fonds de garantie qui doit intervenir quand les garanties assurantielles commerciales sont expirées ou épuisées.

Mais la disposition particulière de la loi de finances pour 2012 a pris comme date de référence le 1er janvier 2012.

Le fonds ne peut pas intervenir si une réclamation a été portée contre un praticien avant qu'il ait, dans l'année 2012, « conclu, renouvelé ou modifié » son contrat d'assurance ou lorsqu'un praticien a cessé toute activité avant échéance de son contrat en 2012.

Ainsi, une dizaine de praticien demeurent menacés de faillite parce qu'ils sont privés de la protection du fonds alors même que celui-ci est financé exclusivement par les seuls professionnels de santé libéraux. C'est ce qui rend étonnant le rejet des amendements au motif d'une aggravation de charges publiques alors qu'il s'agit d'un financement par les seuls professionnels de santé libéraux.

La réalité est inverse : compte tenu des sommes en jeu, le patrimoine de la dizaine de praticiens concernés ne pourra pas couvrir les sommes dues au titre de la prise en charge médicale de personnes lourdement handicapées et le coût des soins restera à la charge de l'assurance maladie.

Il lui demande d'étudier et surtout d'étendre l'intervention du fonds au bénéfice de la poignée d'obstétriciens non encore couverts en remontant la date d'application au 1er janvier 2011 en lieu et place du 1er janvier 2012.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Philippe Bonnecarrère. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais que vous vous penchiez sur la situation des victimes d'accidents médicaux, mais aussi sur celle des médecins qui peuvent être les auteurs de tels accidents au cours de vies professionnelles, par ailleurs, parfaitement honorables.

Ma question porte sur l'extension du fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral, et aux accidents médicaux faisant l'objet d'une réclamation au sens de l'article L. 251-2 du code des assurances, afin que celui-ci s'applique à compter du 1er janvier 2011, en lieu et place du 1er janvier 2012.

Madame la secrétaire d'État, il s'agit de combler une espèce de « trou » législatif, qui a subsisté malgré deux dispositions légales datant de 2002, et une disposition votée en 2011.

À l'époque, des discussions affreusement compliquées ont eu lieu entre le Gouvernement, le Parlement et les compagnies d'assurance pour essayer de trouver une solution à l'insuffisance des garanties données par les contrats d'assurance qui avaient pu être souscrits à l'étranger. Pour faire bref, il s'agissait de trouver une solution à un problème de défaut partiel d'assurance.

Après l'adoption des dispositions légales de 2002, il est apparu qu'il restait encore des trous. Il a donc été mis en place un fonds de garantie, financé par la profession, s'agissant en particulier des actes de gynécologie.

Pour des raisons techniques de calcul de prescription, il reste une dernière zone non couverte par le fonds : elle concerne des accidents ayant fait l'objet d'une déclaration, à compter non pas du 1er janvier 2012, mais du 1er janvier 2011. En clair, une douzaine de médecins, essentiellement des gynécologues-obstétriciens, ne seraient aujourd'hui pas couverts.

Seuls les professionnels de santé financent ce fonds. Si cette extension n'est pas accordée, ce sont les caisses primaires d'assurance maladie qui devront couvrir les dommages.

Je ne parviens pas à aborder le nœud du débat puisque, lorsque l'on examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale, on me répond qu'il faut aborder le sujet au moment de la loi de finances et que, en loi de finances, on m'oppose l'article 40 de la Constitution.

Le Gouvernement pourrait-il étudier et, de mon point de vue, accepter cette extension de la couverture du fonds de garantie au 1er janvier 2011 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour votre question.

Le ministère de la santé a également été informé des difficultés auxquelles sont confrontés plusieurs médecins qui font face à des défauts de couverture assurantielle. Nous sommes sensibles à la situation de ces médecins et de leurs familles.

Néanmoins, une extension de la garantie du fonds ne peut se faire que sous deux conditions : le respect absolu de l'indemnisation des patients et le maintien de l'équilibre financier du fonds. L'assurance fournie à certains praticiens pour des litiges passés ne doit pas nous pousser à prendre le moindre risque pour la viabilité de l'assurance future de leurs confrères et des victimes.

Des travaux sont actuellement en cours pour évaluer les modalités de mise en œuvre de cette extension : il faudrait s'assurer que le fonds puisse couvrir le coût de l'extension de la garantie dans le temps. Cette extension des effets du fonds au 1er janvier 2011, voire même antérieurement si d'autres médecins que ceux qui sont aujourd'hui identifiés étaient concernés, pourrait faire peser un risque d'insolvabilité au fonds si les projections présentées étaient sous-estimées et les ressources mobilisées insuffisantes.

Ce risque ne doit pas être pris. Il est dans l'intérêt des patients qu'un financement complémentaire soit envisagé en cas d'extension des garanties couvertes par le fonds, ce que ne prévoyaient pas les amendements présentés lors de l'examen des textes budgétaires.

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