Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 12/12/2019

Question posée en séance publique le 11/12/2019

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose de parler d'un autre sujet : le commerce international.

En octobre dernier, le président Trump a annoncé plus de 7 milliards de dollars de taxes punitives sur les produits européens. Cette annonce intervenait après le feu vert de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'institution ayant évalué les dommages pour les États-Unis du fait des subventions accordées à Airbus par l'Union européenne. Il s'agissait de la plus lourde sanction jamais imposée par l'OMC, mais les Européens ont dénoncé de leur côté plus de 19 milliards de dollars de subventions octroyées à Boeing par le gouvernement américain. Le montant des sanctions que l'Europe pourra imposer aux importations américaines sera connu au début de 2020.

Aujourd'hui, c'est la taxe GAFA qui fait planer un nouveau risque sur les produits français – le montant des sanctions douanières pourrait s'élever à plus de 2 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, où va nous mener cette escalade de sanctions ? Il y a quelques semaines, vous avez déclaré que nous serions prêts, avec nos partenaires européens, à y répondre de façon ferme.

Ces taxations punitives à répétition risquent d'affecter durablement l'économie mondiale et mettent déjà en difficulté un grand nombre des entreprises françaises. Les producteurs de vins français estiment le préjudice à plus de 250 millions d'euros par an et ils craignent un effondrement global de leur activité : d'abord des pertes de ventes, puis, plus grave, des pertes de marché par déréférencement. Ils expliquent que les sanctions ont été prononcées sur des marchés pour lesquels les États-Unis ont déjà des produits de remplacement.

Nous savons bien pourtant que ces sanctions sont souvent à double tranchant, même pour les États-Unis. Par exemple, les chaînes de production des deux constructeurs aériens sont complètement mondialisées et les sous-traitants présents dans tous les pays.

Monsieur le ministre, que répondez-vous aux professionnels qui font aujourd'hui les frais de ces dissensions et appellent les autorités françaises et européennes à négocier des solutions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 12/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 11/12/2019

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, la seule négociation qui vaille, c'est celle de l'OCDE qui nous permettra de fixer une taxation internationale des géants du numérique acceptée par tous les pays de la planète. Aujourd'hui, la France, la Russie – j'y étais hier – et l'ensemble des pays européens sont prêts à accepter la solution internationale qui sera trouvée à l'OCDE. Les États-Unis y sont-ils prêts ?

Pour le coup, jamais nous ne renoncerons à ce que les géants du numérique, qu'ils soient américains, européens, chinois ou autres, soient taxés de manière juste. Aujourd'hui, ils réalisent des milliards d'euros de profits sur le territoire français et européen, tout en payant des impôts dérisoires parce qu'ils n'ont pas de présence physique. C'est une question de justice et d'efficacité fiscales.

Je le dis très clairement, il n'est pas question pour la France de se coucher devant qui que ce soit ! Nous défendons une proposition juste et nécessaire pour mettre en place une fiscalité internationale du XXIsiècle.

La taxe française qui a été adoptée est aujourd'hui mise en œuvre. Existe-t-il une meilleure solution ? Oui, c'est celle qui est négociée au sein de l'OCDE. Nous avons accepté ce processus. Il revient maintenant aux États-Unis de nous dire s'ils sont prêts ou non à accepter cette solution internationale qui serait de loin la plus efficace.

Si jamais nous n'arrivons pas à une solution au sein de l'OCDE, nous travaillerons avec la Commission européenne – je le fais déjà avec le nouveau commissaire européen Paolo Gentiloni – à une nouvelle solution européenne de taxation des géants du numérique.

Quant aux sanctions, elles sont inacceptables.

Elles le sont en droit : la taxe française n'est aucunement discriminatoire, puisqu'elle touche toutes les entreprises aussi bien les européennes que les américaines ou les chinoises.

Elles le sont aussi parce que les États-Unis sont des alliés et que l'on ne se comporte pas ainsi entre alliés !

Elles le sont, enfin, parce que l'économie mondiale a besoin d'autre chose que d'un cycle de sanctions et de ripostes qui pèsent nécessairement sur la croissance internationale et les emplois, que ce soit en Europe bien sûr, mais aussi aux États-Unis.

J'invite donc les États-Unis à tenir la parole qu'ils ont donnée à la France, en août, en marge du G7, à revenir à la table des négociations à l'OCDE et à accepter cette solution internationale de taxation des géants du numérique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Nous sommes bien d'accord, monsieur le ministre : ces sanctions sont inacceptables. Pour autant, elles existent ! Aujourd'hui, alors que l'économie mondiale oscille entre taxations punitives et exonérations de droits dans les traités de libre-échange, la vraie question porte sur la régulation du commerce mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

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