Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 26/12/2019

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce qui semble être des dysfonctionnements.
Récemment, le centre arabe de recherche et d'études politiques de Paris (Carep), « think tank » connu pour ses liens avec le Qatar, a donné une série de conférences lors desquelles son directeur exécutif appelle les Français de confession musulmane à constituer des listes communautaires indiquant que : « tous ceux qui ne sont pas d'accord avec ce processus (…) doivent savoir qu'ils ont 6 millions de voix à portée de mains », recommandant « de taper aux urnes ».
Elle souhaite savoir quelles mesures ont été prises pour éviter ce type de dérives.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 19/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d'État, vous savez que j'ai beaucoup de respect pour le travail que vous faites pour lutter contre le terrorisme. Dans cette maison, nous avons toujours été très solidaires de l'action des gouvernements successifs sur ce point.

Je crois toutefois que nous assistons en ce moment à un certain nombre de dysfonctionnements. Lorsque cette question a été inscrite à l'ordre du jour, je ne savais pas que le Premier ministre allait aujourd'hui même faire des annonces sur ce sujet.

J'ai pu relever qu'un think-tank, connu pour être financé par le Qatar, avait récemment organisé un certain nombre de réunions. Son directeur exécutif indiquait notamment que les Français de confession musulmane devaient constituer des listes communautaires et qu'ils avaient 6 millions de voix à portée de main. Il recommandait expressément de « taper aux urnes »…

Quelle est votre position sur ce sujet qui fait débat, monsieur le secrétaire d'État ? Comment pouvons-nous les uns et les autres empêcher ce type de dysfonctionnements ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, comme vous le savez, notre République est une et indivisible. Il ne saurait donc exister dans notre pays de communautés à l'existence juridique séparée sur un fondement religieux, ethnique ou autre. Sur ce principe, qui figure à l'article 1er de notre Constitution, soyez assurée que le Gouvernement restera toujours extrêmement vigilant et ferme.

En France, la liberté de candidater aux élections politiques est donc la règle. C'est la marque des démocraties en même temps qu'une tradition républicaine, dont nous sommes évidemment très fiers.

Les exceptions reposent actuellement sur des cas d'inéligibilité prévus par la loi, par exemple les régimes des incompatibilités entre mandats politiques ou encore ce qui est prévu pour certains emplois publics. D'autres exceptions résultent de condamnations judiciaires, lorsque le code pénal prévoit la possibilité de prononcer une telle peine.

Vous me demandez quelles mesures sont prises pour éviter des dérives liées à des listes communautaires.

Dans le cadre d'une campagne électorale, dans le cas où des candidats porteraient une atteinte pénalement répréhensible aux principes fondamentaux de la République, par exemple en appelant à la haine ou en tenant des propos susceptibles d'inciter à troubler l'ordre public, les préfets ont reçu du Gouvernement la ferme instruction d'en saisir le procureur de la République et, le cas échéant, de prendre les mesures de police administrative de nature à faire cesser les troubles encourus.

Le principe de laïcité n'interdit pas pour autant l'existence de formations politiques s'inspirant de valeurs religieuses, à l'instar du parti chrétien démocrate, ni même l'élection de ministres du culte, comme l'histoire de notre pays a pu le montrer.

Enfin, pour répondre à une de vos remarques, je rappelle que notre droit prohibe formellement le financement d'une campagne électorale par un État étranger, de quelque manière que ce soit. La lettre de l'article L. 52-8 du code électoral est limpide sur ce point. En application de ce même code, le candidat qui viole ces dispositions peut être puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Pour ce qui est du régime relatif aux associations, lui aussi un pilier de la République, vous le savez, le Gouvernement n'a jamais hésité à faire usage des facultés offertes par l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit notamment des dispositions en matière de dissolution.

Faut-il enrichir les outils existants, les moderniser ? Le Gouvernement y travaille, comme vous l'avez rappelé. C'est le Président de la République, et non pas le Premier ministre, qui est aujourd'hui à Mulhouse pour parler de l'ensemble de ces questions, qui dépassent, comme vous l'avez dit, le seul cadre de la lutte contre le terrorisme : c'est bien la lutte contre le séparatisme qui est aussi notre cible. Sur l'ensemble de notre territoire, nul ne peut considérer que la loi de Dieu l'emporte sur l'application des lois de la République.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie. Je savais que vous alliez donner cette réponse totalement républicaine. Je suis quand même très inquiète sur le financement des associations, notamment par un État étranger, que j'ai d'ailleurs cité, et sur la multiplication de mouvements se réclamant de l'islam politique et des Frères musulmans, notamment dans des locaux municipaux, comme à Rouen récemment, où le préfet n'était même pas informé.

Dans le cadre du travail qui nous occupe et que nous avons en partage, je souhaiterais que nous puissions porter notre attention sur les financements étrangers des associations. Cela me semble très important. Je pense aussi qu'il nous faudra, à l'instar de ce qu'ont fait d'autres pays européens et les Émirats arabes unis, envisager un contrôle, voire une interdiction des Frères musulmans, qui, à mon sens, portent un islam politique contraire aux vertus de la République.

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