Question de M. TOURENNE Jean-Louis (Ille-et-Vilaine - SOCR) publiée le 19/12/2019

Question posée en séance publique le 18/12/2019

M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le secrétaire d'État Adrien Taquet, permettez-moi, pour commencer, une remarque incidente : ce n'est pas au Sénat qu'il faut venir plaider la cause des agriculteurs ! Voilà deux ans, nous avons voté ici, à l'unanimité, une augmentation de leur retraite, à 85 % du SMIC. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, Les Indépendants et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Nous avons un point d'accord : nous avons le meilleur système de retraites du monde. Il est encore perfectible, mais son financement serait assuré sur le long terme si vous cessiez d'y puiser.

Vous avez résolu de casser le système plutôt que de l'améliorer, avec pour conséquences inquiétudes, injustices et pauvreté, sans garantie réelle sur la valeur du point, sans précisions sur les 12 milliards d'euros pour les enseignants, sans correctifs pour les carrières erratiques des jeunes, les 900 000 chômeurs que vous allez fabriquer ou encore les carrières interrompues et des pensions de réversion à 62 ans au lieu de 55 – j'en oublie…

L'âge pivot, lui, sera lourd de conséquences, alors que la moyenne de vie en bonne santé est inférieure à cet âge. Au reste, il signifiera deux ans de galère de plus pour les 70 % d'inactifs.

Vous avez déclenché de la colère. Vous avez fait de la provocation. Vous avez choisi le mois de décembre, non sans arrière-pensée. Aussi porterez-vous la pleine responsabilité des désagréments qu'éprouveront nos concitoyens.

Vous exhortez à une trêve sans la souhaiter vraiment. En effet, quel geste faites-vous ? Il suffirait d'abandonner dès aujourd'hui la référence inopportune et punitive à l'âge pivot, de remettre sur le métier votre ouvrage, de le reprendre totalement, sans dogme sur le système, de parler vrai, d'associer les corps intermédiaires, d'écouter la population pour présenter un projet de justice et d'avenir, un projet digne de confiance – confiance que vous avez érodée et que bien peu vous accordent encore. Y êtes-vous prêts ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 19/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 18/12/2019

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean-Louis Tourenne, vous évoquez la solidarité. Depuis le début, c'est bien le ministère des solidarités et de la santé qui porte cette réforme de justice. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Mme Éliane Assassi. C'est dit avec tellement de conviction…

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Le projet de réforme est solide et cohérent. Il a été nourri par un travail intense de concertation avec l'ensemble des organisations syndicales et patronales, mais aussi avec les citoyens.

M. Rachid Temal. Ils sont dans la rue !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. D'ailleurs, cette concertation se poursuit encore cette semaine. Elle a lieu en ce moment même.

Ce qui compte aujourd'hui, c'est la construction et le dialogue avec les partenaires sociaux,…

M. Rachid Temal. Vous ne dialoguez qu'avec le Medef !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. … puis la présentation du projet au Parlement et le travail avec les parlementaires.

Le Gouvernement ne réalise pas d'économies dans la réforme des retraites.

M. Rachid Temal. Et les enseignants ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Il n'y a aucune mesure budgétaire ni en 2020 ni en 2021. Les mesures de redistribution entreront en vigueur dès 2022.

Permettez-moi de revenir sur l'exemple de personnes que nous entendons peu, mais dont je m'occupe personnellement, en particulier dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : les près de 2 millions de bénéficiaires du RSA, dont la moitié sont entrés dans le dispositif voilà plus de quatre ans. Ces personnes ont arrêté de penser qu'elles auraient droit un jour à une retraite.

M. Martial Bourquin. C'était possible avec l'ancien système !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. C'est notre réforme qui leur permettra d'accéder à une retraite, parce que chaque point, chaque heure travaillée comptera. Que l'on soit en insertion professionnelle, en insertion par l'activité économique, que l'on reprenne un travail ou que l'on travaille à temps partiel, chaque temps travaillé correspondra à un droit à la retraite pour plus tard.

Nous travaillons avec ces personnes. Nous travaillons aussi pour une réforme de justice sociale.

Monsieur le sénateur, une maman qui a élevé seule deux enfants, qui a eu une carrière hachée, qui s'est arrêtée de travailler durant ses congés de maternité devra travailler jusqu'à l'âge de 67 ans. C'est le résultat du système de décote que vous avez mis en place. (Protestations sur les travées du groupe SOCR.)

Ce sont ces publics que nous prenons en compte dans la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées des groupes UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour la réplique.

M. Jean-Louis Tourenne. « Ce serait assez hypocrite de décaler l'âge légal. » Ce n'est pas moi qui le dis, madame la secrétaire d'État : c'est le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Martial Bourquin. Bravo !

- page 21956

Page mise à jour le