Question de M. BIGOT Jacques (Bas-Rhin - SOCR) publiée le 23/01/2020

Question posée en séance publique le 22/01/2020

M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, la question que je vous pose est liée à ce que nous vivons tous actuellement lorsque nous assistons aux audiences solennelles de rentrée des juridictions : les avocats jettent leur robe ; ils sont inquiets ; ils sont en grève.

Ils sont inquiets de la réforme des retraites que le Gouvernement veut leur imposer, alors que leur régime de retraite est équilibré, solidaire, et reverse près de 100 millions d'euros chaque année au régime général, avec la difficulté de devoir payer à l'avenir des cotisations beaucoup plus élevées.

Ma question est claire : que comptez-vous proposer pour faire cesser ces manifestations des avocats ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2020

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jacques Bigot, je voudrais tout d'abord dire que j'ai le souci du dialogue avec la profession d'avocat. (Rires et exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les avocats sont essentiels à la justice, c'est la raison pour laquelle je les rencontre très fréquemment, au niveau national comme à l'échelon local, chaque fois que je me déplace dans les différentes juridictions.

Au-delà de la question des retraites que nous traitons aujourd'hui, je souhaite d'ailleurs dire que cette profession connaît de très fortes évolutions, et que je suis bien entendu prête à dialoguer avec elle sur la manière dont nous pouvons, ensemble, envisager celles-ci.

Sur la question des retraites, je dois dire que j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de rencontrer les représentants nationaux des avocats. Je regrette leur position de principe de refus d'entrer dans le régime universel des retraites.

M. André Reichardt. Cela se comprend !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je le regrette parce que ce régime universel, nous l'avons répété, je ne le détaille pas de nouveau devant vous, est un régime de justice sociale,… (Protestations sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)

M. Martial Bourquin. Ce n'est pas vrai !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … qui apporte des avantages aux avocats eux-mêmes.

M. Michel Savin. C'est faux !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous avons eu l'occasion de le leur dire.

Très concrètement, depuis cette semaine, je me félicite que le Conseil national des barreaux (CNB) ait accepté de participer avec la Chancellerie à des réunions techniques ; celles-ci sont en cours au moment où je vous parle.

Le Premier ministre et moi-même aurons l'occasion de rencontrer les avocats demain soir, à l'issue de ces réunions techniques, avec évidemment pour préoccupation la prise en compte de la spécificité du régime des avocats dans le cadre du régime universel. Je suis persuadée que nous arriverons à des solutions qui seront satisfaisantes pour chacun.

J'aborderai tout de même un dernier point, monsieur le sénateur : bien entendu, le droit de grève est un droit constitutionnel qui, en tant que tel, doit être respecté ; je regrette toutefois que celui-ci conduise parfois à des actions de blocage, qui paralysent les juridictions et qui, in fine, portent tort à nos concitoyens venant chercher justice. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. Martial Bourquin. Vous en portez la responsabilité !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour la réplique.

M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, le jour où vous aurez réussi la paupérisation complète de la profession, à l'exception des avocats d'affaires qui gagnent bien leur vie, vous n'aurez plus d'avocats commis d'office ni d'avocats en aide juridictionnelle !

M. Rachid Temal. Absolument !

M. Jacques Bigot. Au-delà du régime de retraite, c'est la précarisation de la profession que vous devez aborder. Le 17 octobre 2018, alors que nous débattions de l'aide juridictionnelle dans le cadre de la réforme de la justice, vous nous déclariez : « Le travail que je souhaite conduire avec les avocats se terminera au printemps 2019, en mai ou juin, et se traduira, comme je vous l'ai annoncé précédemment, dans le budget 2020. » Nous n'avons rien vu venir !

La justice est en train de s'effondrer, à tous points de vue. À l'heure actuelle, les jeunes avocats ne commencent pas leur carrière, comme vous l'indiquez dans vos simulations avec le CNB, à 40 000 euros à 23 ans, mais, au mieux, à 23 000 euros à 25 ou 26 ans, et leurs cotisations vont doubler, puisqu'ils payent l'intégralité des cotisations en exerçant en tant que profession libérale.

Ce qu'ils craignent donc, avec votre régime universel,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jacques Bigot. … c'est que, demain, il n'y ait plus d'avocats. Et sans avocats, il n'y a plus de justice et plus de démocratie. Madame la garde des sceaux, ne sauvez pas le Gouvernement : sauvez l'État de droit ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

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