Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 30/01/2020

Question posée en séance publique le 29/01/2020

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, alors que le Président de la République a récemment évoqué les problèmes que posent le communautarisme et le séparatisme islamistes, sans indiquer comment il compte les combattre, une adolescente de 16 ans fait face, quasiment seule, à une vague de haine et de violence sans précédent et n'est plus scolarisée.

En effet, pour le seul crime d'avoir critiqué une religion, l'islam, après avoir été harcelée sur les réseaux sociaux, la jeune Mila est aujourd'hui victime de ce qui peut être comparé à une fatwa, confortée par la prise de position honteuse et inadmissible du délégué général du CFCM, le Conseil français du culte musulman.

La violence qui s'exprime contre Mila nous rappelle en effet les fatwas lancées contre Salman Rushdie, contre Charlie Hebdo et contre tous ceux qui, au nom de la liberté, ont critiqué l'islam.

Entre les insultes homophobes et les menaces de mort, Mila est devenue en quelques jours le symbole de la volonté des islamistes d'anéantir notre liberté d'opinion et d'expression et de réinstaurer le délit de blasphème en France.

Il n'y a pas de racisme dans le fait de critiquer une religion, quelle qu'elle soit. L'islam, comme toutes les autres religions, doit se soumettre à la critique, à l'humour et aux lois de la République.

Monsieur le Premier ministre, en voulant s'appuyer sur l'AMIF, l'Association musulmane pour l'islam de France, dans laquelle les Frères musulmans sont très présents, eux qui remettent systématiquement en cause notre liberté de conscience et d'expression, le Président de la République parviendra-t-il à imposer à certains musulmans qui ne veulent pas l'entendre notre droit de critiquer toutes les religions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 30/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison d'évoquer cette situation humainement dramatique, au-delà de l'analyse politique que nous devons faire de ce sujet.

Nous pensons à cette jeune femme, Mila, qui a émis une opinion sur les réseaux sociaux et qui fait face à un déferlement de haine à son encontre. Comme vous le savez, deux enquêtes ont été ouvertes sous l'autorité du parquet de Vienne : l'une pour les menaces de mort que Mila a reçues, l'autre pour provocation à la haine raciale. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Laurence Rossignol. Pourquoi ? L'islam n'est pas une race !

M. Christophe Castaner, ministre. Nous laisserons bien évidemment la justice instruire ces deux dossiers. Mais je peux vous garantir, et nous le démontrerons à travers nos actions, au quotidien, qu'il n'existe pas et qu'il n'existera jamais, dans ce pays, sous l'autorité de ce gouvernement, de délit de blasphème. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La liberté d'expression, dans notre pays, permet à chacune et à chacun de critiquer une religion. La jeune Mila peut parfaitement le faire. Il est inacceptable, insupportable même, que certains, au nom de l'institution qu'ils représentent, aient pu laisser penser que cela était interdit.

Nous devons, pied à pied, lutter contre ces situations, mais nous ne devons pas non plus négliger la protection que nous devons à toutes les religions, tout en refusant les appels à la haine en leur nom. Nous agissons pour préserver cet équilibre en menant le combat contre le communautarisme, contre le repli sur soi ou contre l'islamisme – et je nomme les choses.

Nous devons nous donner les moyens de protéger les plus jeunes, qui utilisent les réseaux sociaux et qui se laissent aussi emporter par une guerre fratricide. On ne saurait refuser la critique d'une religion en invoquant une pseudo-dénonciation de l'islamophobie. C'est consubstantiel à ce que nous sommes, à cette liberté d'expression que je défendrai toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, dans une France plus fracturée que jamais, dans un climat d'inquiétude et de peur, les propos de Mme la garde des sceaux ce matin, à la radio, ne font que conforter mes doutes et mes interrogations.

Non, madame Belloubet, injurier et critiquer une religion n'est pas une atteinte à la liberté de conscience. Comme nous l'avons fait voilà cinq ans pour Charlie, nous devrions être des millions, au nom de cette liberté, à nous lever pour Mila. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)

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