Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains) publiée le 02/01/2020

Mme Agnès Canayer attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, sur l'application du changement de destination en commune littorale.

Le maintien ou le développement, dans la zone littorale, des activités agricoles traditionnelles, est un enjeu majeur pour concilier la vitalité des territoires et le cadre paysager autant que le littoral. Ainsi, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi « ELAN ») a introduit dans l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, l'élargissement en faveur des agriculteurs, entreprises forestières et de cultures marines, par dérogation, les possibilités de construction en discontinuité des espaces urbanisés.
L'ancien texte ne prévoyant qu'une dérogation dont le périmètre était très différent et plus restreint, seules pouvaient être autorisées les « constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées ». Il est toutefois essentiel de poser le cadre d'une appréciation préalable des enjeux avant toute autorisation d'installation d'activités.

C'est pourquoi, compte-tenu des enjeux paysagers et environnementaux en présence seules les constructions ou installations nécessaires aux activités évoquées sont concernées et que le projet est soumis à l'accord du préfet, après les avis conjoints de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) et de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), ce qui permet de vérifier la nécessité de cette construction au regard de l'activité agricole et son impact paysager.


Mais par ailleurs pour éviter tout détournement ultérieur de la loi, l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, issu de la loi ELAN, a introduit un dispositif contraignant, en interdisant le changement de destination des constructions agricoles, forestières ou de cultures marines autorisées par la voie dérogatoire. Or, l'application de ce dispositif prête à confusion.


Aussi dans son interprétation, l'interdiction de changement destination se voit appliquer sur les constructions agricoles existantes avant l'entrée en vigueur de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, qui peuvent changer de destination dans les conditions prévues par l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme après délimitation par le plan local d'urbanisme (PLU). En effet, de nombreux bâtiments agricoles anciens situés en communes littorales constituent un patrimoine architectural remarquable, en particulier sur le littoral de la Seine-Maritime, et participent pleinement à la valorisation du littoral. Or ces bâtiments deviennent souvent inadaptés aux nouvelles pratiques et normes agricoles et leur préservation ne peut se faire que par changement de destination.


Face à ce problème récurrent pour les territoires littoraux, elle souhaiterait que le Gouvernement clarifie l'application de l'interdiction de changement de destination aux seules bâtiments autorisés dans le cadre du dispositif dérogatoire introduit par l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme conformément aux objectifs fixés dans le cadre du débat parlementaire.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 18/06/2020

La loi nouvelle est d'application immédiate et a vocation à s'appliquer immédiatement aux situations en cours lors de son entrée en vigueur. Il en résulte qu'à défaut de dispositions contraires, l'interdiction de changement de destination introduite par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN) à l'alinéa 4 de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme s'applique aux demandes de changement de destination des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines sur lesquelles il est statué à compter de l'entrée en vigueur de la loi ELAN, ce qui peut inclure des demandes déposées avant son entrée en vigueur, compte tenu du délai d'instruction. Pour l'application de cette disposition, il n'y a pas lieu de distinguer les constructions édifiées avant l'entrée en vigueur de la loi ELAN et celles autorisées en vertu des nouvelles dispositions de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme. Cette nouvelle disposition ne s'applique pas en revanche aux bâtiments agricoles anciens, édifiés avant l'institution du régime du permis de construire par la loi du 15 juin 1943, et dont l'usage agricole a depuis longtemps cessé en raison de leur abandon. La jurisprudence considère en effet que l'usage initial de ces bâtiments ne leur confère pas une destination agricole (CE,  28 décembre 2018, n° 408743). Ces bâtiments agricoles anciens ne peuvent par conséquent être regardés comme des « constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles » au sens de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme. L'interdiction de changement de destination prévue par cet article ne leur est donc pas applicable.

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