Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 06/02/2020

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'interdiction des tirs de défense contre les loups dans les parcs nationaux.

Il a travaillé en 2018 à un rapport d'information relatif à la gestion des loups sur le territoire français dans le contexte de la publication du « plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage » actuellement en vigueur et qui couvre la période 2018-2023.

Ce rapport visait à susciter une prise de conscience sur la désespérance du monde pastoral, confronté au retour du loup et à l'augmentation continue des actes de prédation. Quelques chiffres sont à rappeler : il y a eu environ 11 000 victimes animales en 2017, ce qui représentait une augmentation de 60 % depuis 2013. Il convenait donc d'agir afin de maintenir l'équilibre entre les activités humaines et la protection dont le loup fait l'objet au titre de la biodiversité. Ce qui a guidé notre travail est la recherche d'une vision apaisée et de réponses respectueuses des différents points de vue.

Car ce « plan loup » a fait l'objet de différentes critiques et notamment, pour bons nombres d'éleveurs, les mesures de protection de leurs troupeaux ne sont pas suffisantes. Ainsi, comme évoqué dans le rapport, il serait souhaitable de voir évoluer la situation vers une reconnaissance aux éleveurs d'un droit de légitime défense pour protéger leurs troupeaux en situation d'attaque car la procédure de gradation des tirs ne permet pas de répondre à l'urgence de certaines situations.

En effet, si le contenu du « plan loup » ne satisfait pas les éleveurs qui souhaitent voir leurs troupeaux définitivement à l'abri des loups, ni les associations qui estiment insuffisantes la protection du loup, les tirs de défense constituent un point de blocage car ceux-ci ne sont pas autorisés dans les parcs nationaux, les éleveurs s'y trouvant étant uniquement autorisés à utiliser des signaux sonores et lumineux, et ce uniquement sur autorisation du directeur du parc.

Cette interdiction d'user des tirs de défense ne permettant pas à ces éleveurs de défendre leurs troupeaux contre les attaques, il serait donc souhaitable d'étendre l'utilisation de tirs défensifs au sein des parcs nationaux.

Il souhaiterait donc connaître la position du Gouvernement sur cette problématique.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 19/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, le 30 janvier dernier, le préfet de la Haute-Savoie listait les grands défis qui attendaient notre département. La prolifération des loups en faisait partie – hélas ! –, et pour cause : nous avons enregistré 32 attaques en 2017 et 71 en 2019, alors que l'objectif était de zéro attaque !

J'ai rédigé, en 2018, un rapport d'information relatif à la gestion des loups sur le territoire français, dans le contexte de la publication du plan loup 2018-2023. Ce rapport visait à susciter une prise de conscience de la désespérance du monde pastoral confronté au retour du loup et à l'augmentation continue des actes de prédation.

Rappelons que, en 2019, il y a eu environ 13 000 victimes animales, soit une augmentation de 70 % depuis 2013. Il convient donc d'agir afin de maintenir l'équilibre entre les activités humaines et la protection dont le loup fait l'objet au titre de la biodiversité.

Le plan loup a suscité différentes critiques. Les mesures de protection des troupeaux, notamment, ne sont pas suffisantes pour bon nombre d'éleveurs. Comme je l'évoquais dans mon rapport, ils aimeraient que leur soit reconnu un droit de légitime défense pour protéger leurs troupeaux en situation d'attaques.

Depuis 2019, le seuil de 500 loups est atteint. Aujourd'hui, le nombre de loups est certainement supérieur à 750. Il ne s'agit donc plus d'une espèce menacée. Les meutes se multiplient – on en dénombrait 53 en 2017, 80 aujourd'hui –, les fronts de colonisation également – un loup a été aperçu en Charente.

Nous devons agir ensemble. Nous voulons soutenir le Gouvernement dans une démarche visant à adapter le cadre juridique international et européen de gestion des loups. Je pense notamment au déclassement de la directive Habitats et de la convention de Berne, qui constituerait un signal fort pour nos éleveurs.

Il conviendrait également de donner des moyens aux préfectures pour aider la louveterie, qui soutiendra les éleveurs et les espaces pastoraux. Aujourd'hui, en Haute-Savoie, c'est le département et la région qui aident à l'achat de jumelles.

Monsieur le ministre, il y a urgence ! Quelles sont vos propositions pour endiguer cette hausse des attaques ? L'augmentation du seuil de prélèvement ne suffit pas.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je sais combien le sujet que vous évoquez, monsieur le sénateur Pellevat, tient à cœur aux sénateurs et sénatrices, en particulier à ceux qui habitent en zone de pastoralisme, et je sais combien vous êtes personnellement investi sur ce dossier.

Tout d'abord, le Gouvernement, pour la première fois, a eu le courage d'annoncer des chiffres très clairs : la population de loups en France a dépassé le nombre de 500 individus. Le loup n'est donc plus une espèce en voie de disparition, ce qui nous ouvre de nouvelles perspectives.

Ensuite, nous avons engagé un nouveau plan loup. Vous dites que le nombre de prélèvements n'est pas suffisant, mais je rappelle que nous l'avons doublé, ce que personne n'avait fait jusqu'à maintenant. Nous avons aussi dit que, dans certaines zones, la présence du loup doit être interdite, car elle est incompatible avec le pastoralisme. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet. La cohabitation entre le prédateur et l'éleveur devient de plus en plus compliquée dans certaines zones, et je choisirai toujours l'éleveur plutôt que le prédateur.

Il n'en demeure pas moins que nous sommes favorables à la biodiversité. Il ne s'agit pas de supprimer les populations et les meutes de loups.

En France, le pastoralisme et l'élevage ne sont pas organisés de la même façon qu'en Italie ou en Espagne. Nos troupeaux vont défricher certaines zones de montagne et jouent aussi un rôle dans la lutte contre les incendies. L'installation de barrières ne suffit pas.

Nous avons déjà pris beaucoup de mesures pour aider les éleveurs à protéger leurs troupeaux et faire de la prévention, mais nous voulons aller plus loin.

L'échelon européen, comme vous l'avez souligné, est très important. Le loup n'étant plus une espèce en voie de dépeuplement, la France et d'autres pays de l'Union souhaitent pouvoir travailler sur le guide interprétatif de la directive Habitats.

Ne nous racontons pas d'histoires. Aujourd'hui, il n'y a pas de majorité en Europe pour revoir cette directive ou la convention de Berne. Ne leurrons pas les gens, nous sommes ultra-minoritaires. En revanche, un noyau d'États membres souhaite travailler sur le guide interprétatif, qui donnera encore plus de latitude aux États membres pour gérer ces populations, dans le cadre des plans loup nationaux.

Comme vous, cher Cyril Pellevat, nous sommes déterminés à aider les éleveurs à s'en sortir !

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Pour vous avoir sollicité à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, je connais votre détermination, comme celle de votre prédécesseur.

Comme vous l'avez souligné, le seuil de prélèvement ne suffit pas. Nous pouvons travailler ensemble sur d'autres mesures complémentaires, notamment la capture-relâche, ou encore le puçage des loups dans les fronts de colonisation. Nous serons à vos côtés pour appuyer votre action.

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