Question de Mme PUISSAT Frédérique (Isère - Les Républicains) publiée le 06/02/2020

Mme Frédérique Puissat attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur les difficultés de la commune de Ruy-Montceau à se conformer aux règles de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Cette commune de l'Isère est de par son histoire sujette à deux spécificités.
La première est due au fait que Ruy-Montceau est membre de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI) dont le taux de logement social est de 32,77 % au 1er janvier 2018. Dans cette communauté d'agglomération, trois communes concentrent plus de 80 % du parc de logements sociaux, provenant de l'héritage de l'ex syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) de L'Isle-d'Abeau. Il est à noter que, lors de la création de cette ville nouvelle, l'État, au travers de son établissement public, avait fait le choix de concentrer la production de logements sociaux sur les cinq communes du SAN.
La seconde spécificité tient au fait que la commune de Ruy-Montceau est issue de la fusion des communes de Ruy et de Montceau qui a eu lieu en 2012. Il faut noter que le secteur de Montceau représente un peu plus de 1 400 habitants, se trouve distant de cinq kilomètres du secteur de Ruy, et n'est pas desservi par les transports publics. Il peut ainsi être considéré comme un hameau, difficile d'accès.
Aussi, elle lui demande si au vu de ces éléments il est envisageable que les services du ministère exemptent la commune de Ruy-Montceau de l'application des dispositions de la section 2 du chapitre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation pour les années à venir, en application des articles spécifiques du même code.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Ville et logement publiée le 04/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 03/03/2020

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 1121, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.

Mme Frédérique Puissat. Ma question porte sur les difficultés de la commune de Ruy-Montceau, dans l'Isère, à se conformer à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. Au préalable, je tiens à souligner que cette commune ne souhaite en aucun cas contrevenir à la solidarité nationale ; la construction de logements sociaux est, au contraire, une de ses priorités. Seulement, elle se heurte à deux difficultés majeures.

D'une part, il n'y a pas de demande de logements sociaux dans cette commune, issue de la fusion de la commune de Ruy et de celle de Montceau et qui, de ce fait, a franchi le seuil de 3 500 habitants, se trouvant ainsi frappée par la loi SRU. En raison de la distance de nombreux services, notamment de transports publics, une partie des logements sociaux existants ne sont même pas pourvus. Dans ces conditions, contraindre la commune à en construire de nouveaux pose de vraies difficultés – sans compter que les bailleurs sociaux ne souhaitent pas s'investir.

D'autre part, l'agglomération à laquelle appartient Ruy-Montceau comprend cinq communes issues de l'ancien SAN, le syndicat d'agglomération nouvelle de L'Isle-d'Abeau. Or vous le savez, monsieur le ministre, les villes nouvelles créées autour de 1968 ont vu leur population croître de façon considérable. Ainsi, alors que le SAN ne comptait en 1984 que 17 000 habitants, la communauté d'agglomération de la porte de l'Isère en totalisait 105 000 vingt-trois ans plus tard. De fait, l'État a eu la volonté délibérée d'installer des logements sociaux dans ces villes, ce qui n'a pas permis aux communes alentour d'en disposer.

Au regard de ces deux considérations, est-il possible de permettre à la commune de Ruy-Montceau de ne pas être frappée par l'article 55 de la loi SRU ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice, la question que vous posez est compliquée, parce que nous y sommes confrontés dans de nombreux territoires.

En tant que ministre du logement, et même si je n'ignore pas les difficultés que cela comporte, je veux être exemplaire s'agissant de la loi SRU. J'ai pris, voilà quelques jours, un décret permettant d'exempter un certain nombre de communes, mais de façon assez restrictive : les exemptions prévues sont peu nombreuses. J'ai pris cette position en ayant pleinement conscience des difficultés qui peuvent se poser ici ou là. Je l'ai prise non par dogmatisme – depuis plusieurs années que nous travaillons ensemble, je pense faire preuve d'un certain pragmatisme dans mon action au jour le jour –, mais parce que, aujourd'hui, nous manquons cruellement de logements sociaux, que ceux-ci sont parfois difficiles à construire et que le message politique associé à une forme de légèreté d'application de la loi SRU serait catastrophique pour la production de logement social dans notre pays.

S'agissant de Ruy-Montceau, où l'augmentation du logement social depuis 2012 n'a été que de 2 points, pour atteindre aujourd'hui 6 % de logements sociaux, il n'est pas possible d'accéder à la demande que vous avez relayée, pour deux raisons.

D'abord, les critères de densité, très précis, sont définis à l'échelle de l'unité urbaine – en l'occurrence, celle de Bourgoin-Jallieu. Or, au sein de cette unité urbaine, la tension est assez forte, ce qui ne permet pas d'exempter les communes qui en font partie du fait d'une faible demande.

Ensuite, j'en viens aux villes nouvelles, dont vous avez très bien parlé.

Je me suis rendu à L'Isle-d'Abeau voilà quelques mois : qu'on vienne chercher le ministre du logement pour rénover une ville nouvelle interroge beaucoup… L'objectif de mon travail quotidien, c'est que, dans vingt ans, on ne vienne pas chercher le ministre du logement – probablement ne sera-ce plus moi (Sourires.) – pour rénover les opérations de rénovation urbaine que je suis en train de lancer.

En tout cas, l'enjeu est de diversifier le peuplement dans l'ensemble du territoire des unités urbaines. À certains endroits, certes, c'est plus difficile. C'est pourquoi je suis là pour vous accompagner – non pour exempter, mais pour vous accompagner.

Mon temps de parole étant épuisé, nous pourrons, madame la sénatrice, poursuivre cette discussion ultérieurement.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. La position du maire de Ruy-Montceau est très claire : il ne souhaite pas contrevenir à la solidarité nationale. Seulement, il n'y a pas de demande de logement social dans sa commune, du fait de la distance qui la sépare de Bourgoin-Jallieu, où certes la tension est forte, et de l'absence de transports publics. D'autre part, c'est la fusion qui, malheureusement, a placé cette commune dans une situation difficile.

Monsieur le ministre, si nous déposons un amendement portant spécifiquement sur les secteurs où des villes nouvelles ont été développées, acceptez-vous de le regarder avec attention ?

M. Julien Denormandie, ministre. Nous en reparlerons, madame Puissat.

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