Question de Mme TAILLÉ-POLIAN Sophie (Val-de-Marne - SOCR-A) publiée le 13/02/2020

Mme Sophie Taillé-Polian interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur l'inquiétante dégradation des conditions de travail des agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et ses conséquences pour l'exercice de leurs missions.

Principale victime de la rigueur et de l'austérité budgétaire, la DGFiP a vu, entre 2002 et 2019, plus de 40 000 emplois supprimés, et près de la moitié des trésoreries de proximité rayées de la carte. De telles mesures drastiques ont eu pour conséquence une augmentation de la charge de travail par agent (entre 2008 et 2018 le nombre d'entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe à la valeur ajoutée - TVA - s'est accru d'au moins 50 %), des réorganisations de service et pour corollaire le durcissement des méthodes de management. À cela doit être ajoutée la complexification de la charge de travail liée au vote, chaque année, de nouvelles dispositions fiscales.

Alors que le périmètre des missions de la DGFiP n'a cessé de s'élargir, la formation a également été victime de la rigueur : la formation initiale s'est affaiblie quand la formation continue, parent pauvre de la DGFiP, ne s'est pas renforcée.

Les causes du mal-être au travail ne procèdent pas seulement du chassé-croisé entre la baisse des moyens et la hausse de la charge de travail, mais se trouvent également dans la réorientation des missions.

Le résultat de ces évolutions combinées est sans appel : le mal-être au travail des agents de la DGFiP augmente continuellement. Outre les nombreuses remontées des services dont disposent les organisations syndicales, les différents outils mis en place par les pouvoirs publics ces dix dernières années (par exemple, le document unique d'évaluation des risques professionnels) confirment cette évolution : les situations de souffrance déclarées auprès des médecins de prévention au travail ont augmenté de 24 % entre 2011 et 2018. Et ce résultat reste sous-dimensionné : nombreux sont en effet les fonctionnaires à ne pas déclarer leur souffrance.

Elle lui demande par conséquent comment il entend mettre fin à cette inquiétante dégradation des conditions de travail des agents et par conséquent améliorer l'exercice de leurs missions.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique publiée le 04/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 03/03/2020

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, auteure de la question n° 1128, adressée à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question s'adresse au ministre de l'action et des comptes publics et porte sur l'inquiétante dégradation des conditions de travail des agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP ) et ses conséquences pour l'exercice de leur mission.

La DGFiP a vu, entre 2002 et 2019, plus de 40 000 emplois supprimés et près de la moitié des trésoreries de proximité rayées de la carte.

On parle souvent, avec raison, de la dégradation des conditions d'accès au service public pour les usagers, conséquences de ces mesures, mais il faut également parler de leurs conséquences sur l'augmentation de la charge de travail par agent et sur les réorganisations de service, avec pour corollaire le durcissement des méthodes de management. Ajoutons à cela la complexification de la charge de travail des agents liée à l'adoption chaque année de nouvelles dispositions fiscales.

La formation des agents a également été victime de la rigueur, car la formation initiale s'est affaiblie, alors que la formation continue, elle, ne s'est pas renforcée.

Mais les causes du mal-être au travail ne procèdent pas seulement du chassé-croisé entre la baisse des moyens et la hausse de la charge de travail ; elle se trouve également dans la réorientation des missions des agents. Le résultat, c'est que le mal-être au travail des agents de la DGFiP s'accroît.

Outre les nombreuses remontées des services dont disposent les organisations syndicales, les différents outils mis en place par les pouvoirs publics eux-mêmes ces dix dernières années confirment cette évolution : les situations de souffrance auprès des médecins de prévention au travail ont augmenté de 24 % entre 2011 et 2018. Ce résultat, on peut le penser, est sous-dimensionné par rapport à la réalité : nombreux sont les fonctionnaires qui ne déclarent pas leurs souffrances.

Ma question est donc la suivante : comment comptez-vous mettre fin à cette inquiétante dégradation des conditions de travail des agents et, par conséquent, améliorer l'exercice de leur mission et, partant, la qualité du service public ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Madame la sénatrice, la direction générale des finances publiques a en effet engagé une phase de transformation ambitieuse destinée à renforcer la qualité du service rendu à nos concitoyens, à diversifier les compétences de ses agents et à contribuer à une meilleure présence des services sur le territoire. Il n'est pas anormal que, dans une telle phase, des interrogations, voire des inquiétudes s'expriment. La DGFiP doit en tenir compte et y répondre. C'est pourquoi elle mène de nombreuses actions dans ce cadre.

Tout d'abord, elle est à l'écoute de ses agents, avec une gamme importante d'outils leur permettant de s'exprimer sur leur travail et leurs difficultés. Cette écoute prend notamment la forme d'un dialogue social particulièrement nourri : plus d'une centaine de rendez-vous ont ainsi été proposés aux organisations syndicales de la DGFiP en 2019. Gérald Darmanin et Olivier Dussopt les ont d'ailleurs personnellement rencontrées.

La DGFiP travaille également à renforcer la qualité de vie au travail. Ainsi, en 2018, elle a consacré 9,31 % de sa masse salariale à l'effort de formation, soit une progression de plus de 1 point par rapport à 2017. Chaque agent de la DGFiP bénéficie en moyenne de 4,71 jours de formation chaque année.

La formation continue est donc plus que jamais une priorité pour la DGFiP, qui a engagé un ambitieux plan de modernisation visant à permettre à chaque agent d'être acteur de son parcours de formation et à faciliter les évolutions professionnelles et l'acquisition de nouvelles compétences.

Par ailleurs, elle accorde une attention particulière à l'amélioration du travail au quotidien en s'appuyant sur la recherche de simplifications dans les procédures et dans l'organisation afin d'alléger la charge de travail. Celle-ci est facilitée par les outils numériques, qui permettent d'automatiser de nombreuses procédures et de recentrer ainsi l'activité des agents sur des compétences expertes.

Les conditions de vie au travail, ce sont également les applications informatiques utilisées quotidiennement par les agents. Pour soutenir ces actions, en 2020, les crédits informatiques ont augmenté de 40 % par rapport à 2019, avec l'objectif de lutter contre l'obsolescence, les ralentissements et les dysfonctionnements de ces outils.

La mise en œuvre des nouveaux modes d'organisation du travail doit également permettre d'améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie privée des agents. Dès la première année de déploiement, en 2018, plus de 4 500 agents ont ainsi bénéficié du télétravail.

Des moyens financiers importants – 7 millions d'euros – ont été consacrés à l'action sociale au profit des agents de la DGFiP et sont également mobilisés afin d'offrir des prestations sur l'ensemble du territoire.

Enfin, la mise en œuvre du nouveau réseau de proximité des ressources humaines fait l'objet d'un accompagnement personnalisé des agents concernés. Chaque agent peut ainsi bénéficier d'un accompagnement non seulement d'un point de vue financier, mais aussi pour évoluer dans ses fonctions via un parcours de formation adapté en cas de changement de métier.

La qualité du service rendu par la DGFiP est extrêmement appréciée, comme le démontrent toutes les enquêtes d'opinion – plus de 80 % d'approbation de son action. C'est le résultat de l'investissement des agents et des réussites collectives – comme sur le prélèvement à la source. Cet engagement reflète le fait que tous les agents de la maison ont un avenir formidable en son sein.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, merci de votre présence, d'autant que vous nous avez permis de rattraper un peu de notre retard.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez de dialogue social, mais il me semble que, à l'automne dernier, les services de la DGFiP et des douanes ont connu un très important mouvement social et des grèves. La Cour des comptes, d'ailleurs, pointe un problème de rythme entre l'arrivée des outils de dématérialisation et la transformation des services. Il est difficile de faire en sorte que ces transformations multiples se fassent avec les agents.

Au lendemain du procès France Télécom, où le harcèlement institutionnel a été reconnu par le juge, je pense que l'État devrait globalement se poser la question des conditions de travail et des risques auxquels sont soumis les agents de la fonction publique. On observe un nombre de suicides élevé aux douanes, dans l'éducation nationale – je vous vois en cet instant discuter avec votre collègue ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse –, dans la police. La souffrance au travail est très présente dans la fonction publique. Il serait temps que le Gouvernement la prenne en compte.

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